AADI YUGTitre original : Aadi Yug
Réalisateur : Tatineni Prasad
Année : 1978
Pays : Inde
Genre : Quand les stock-shots dominaient le monde (
Catégorie : Venus du fond des temps)
Durée : 1h46
Acteurs principaux : Saheen Aman, Ramesh Goyal, Mehndi Jamal, Rafeeq Khan, Vinay Kumar
Quand la Hammer, alors sur le déclin, renoue avec le succès à la fin des années 1960 grâce à
Un million d'années avant Jésus-Christ et enchaine ensuite avec
Les femmes préhistoriques, Quand les dinosaures dominaient le monde et
Creatures the World Forgot (alias
Violence et sexe aux temps préhistoriques !), les films sur les hommes des cavernes, les pin-up en peaux de bêtes et les grosses bébêtes antédiluviennes redeviennent à la mode dans le cinéma d'exploitation, en particulier en Inde. L'alléchant
Purana Purush, la graveleuse série des
Aadi Manava dont le premier opus psychédélique nous refourgue en intro cinq minutes de stock-shots crasseux de
2001 L'Odyssée de l'Espace, le
Aadi Yug qui nous occupe aujourd'hui, et combien d'autres merveilles ? Des films tout à fait accessibles à un public occidental qui plus est, car point de barrière de la langue, ici tout le monde s'exprime en borborygmes et en bouga-bouga comme dans les œuvres originales de la célèbre firme britannique.
Afin sans doute de ménager toutes les sensibilités et susceptibilités religieuses,
Aadi Yug nous raconte les débuts de la vie sur Terre en mélangeant créationnisme et darwinisme à la manière d'un
Adam et Eve contre les cannibales : à l'aube des temps donc, Adam et Eve, à moins qu'il ne s'agisse de leurs versions hindoues Manu et Ida, se baladent à poil dans la campagne indienne, une feuille pudiquement (et très très discrètement) colée devant l'objectif de la caméra pour cacher leurs parties intimes. Ayant croqué dans le fruit défendu, nos deux ancêtres potelés s'envoient en l'air hors-champ et nous les retrouvons ensuite vêtus de pagnes, baguenaudant toujours dans un paysage rocailleux.
L'art de la jouer consensuel.
Cachez ce zigouigoui que nous ne saurions voir.
Comble du raffinement et de la suggestion : deux branches d'arbre se frottent l'une contre l'autre pour symboliser les ébats d'Adam et Eve.
La suite du film est pourtant beaucoup moins prude et nous joue "La guerre du feu aux fesses", dérogeant à la chasteté habituelle des productions du sous-continent.
Des cadrages renversants.Soudain, ils sont attaqués par un éléphant qui se met à les poursuivre et Eve se met à pousser d'hilarants gémissements orgasmiques en courant. C'est alors que nous assistons ébahis à l'arrivée d'un second pachyderme et à ce qui se veut un "combat" à mort entre les deux éléphants : les deux animaux restent l'un à coté de l'autre sans se toucher, l'air un peu perdus, on aperçoit régulièrement le bâton d'un cornac qui tente désespérément de les exciter pour les rendre plus "sauvages". Plan de coupe sur Adam et Eve qui assistent terrifiés à ce choc de titans. Plan suivant : un des éléphants est à terre, censément mort, et l'autre s'en va d'un pas tranquille. De son coté et après avoir repassé la scène pour bien comprendre ce que le réalisateur a essayé de lui montrer, le nanardeur est écroulé de rire devant ce spectacle hallucinant.
Un "combat" d'une sauvagerie extrême.La suite s'intéresse aux descendants d'Indian Adam et Indian Eve : une tribu de couillons qui passent leur temps à chasser, à faire la cueillette, à copuler, à se battre entre eux pour la possession d'une femme et surtout à cabotiner à plein tube en éructant des borborygmes de mongoliens, en braillant des grognements de traumatisés faciaux et en rigolant comme des gogols sans aucune raison, dans un concours permanent de grimaces. Difficile de raconter le scénario car il n'y en a pas mais essayons quand même de résumer ce joyeux foutoir…
Un stock-shot d'éruption volcanique ayant décimé leur tribu, le héros et son
sidekick moustachu sont acceptés par une autre tribu aux mœurs un poil plus "évoluées" que les leurs : ils surjouent eux aussi comme des débiles profonds mais mangent des fruits et mettent en commun la nourriture au lieu de se battre pour la moindre cuisse de poulet. A un moment, le méchant balance le mannequin en mousse du chef de la tribu depuis une falaise (avec un
"Aaaaaah !" ridicule) pour devenir calife à la place du calife et violer la fille du chef, mais le héros ne laissera pas une telle fourberie impunie et se battra contre le malandrin au cours d'un duel rendu confus par la ressemblance du héros avec le méchant. Pour s'occuper entre deux bastons, nos Cro-Magnon matent aussi des nanars, en l'occurrence des stock-shots cradingues et tout gondolés de
Frankenstein conquiert le monde !
Scoop : dans la préhistoire, nos ancêtres mataient du kaiju pour passer le temps.
Scoop : le mascara et le rouge à lèvres étaient très prisés des femmes des cavernes.
Le clan de la caverne des cabotins.Aadi Yug fait partie de ces nanars mineurs mais extrêmement sympathiques, qui compensent le néant de leur scénario par une combinaison d'éléments réjouissants. L'ambiance très singulière avec sa pellicule granuleuse, son montage chaotique, ses zooms brutaux, ses bruitages rigolos et son synthétiseur fou qui fait couiner en continu ses mélodies pouêt-pouêt expérimentales; le surjeu souvent désopilant des acteurs en demeurés congénitaux des cavernes; le déluge de stock-shots en noir et blanc (piqués à
Tumak, fils de la jungle, un film de 1940 !) intercalés avec les plans en couleurs du film de 1978 et de ses acteurs qui en font des caisses pour mimer un combat contre un stock-shot de "dinosaure" (enfin, de lézard avec une collerette collée sur le dos); l'attaque risible du yéti, craignos monster grotesque et libidineux qui enlève une femme des cavernes au bord d'un ruisseau, occasion d'un combat homérique contre le héros et son sidekick accourus au secours de la belle en détresse. Bref, un spectacle d'une naïveté rafraichissante.
L'ancêtre de Mike Ransom contre l'ancêtre de Jakoda.
Un yéti pelucheux.
Just married.
Stock-shot.
Pas stock-shot.
Stock-shot.
Pas stock-shot.
Stock-shot.
Pas stock-shot.
Stock-shot.
Pas stock-shot.
Un caméo de Victor Mature, le héros de "Tumak, fils de la jungle".Ne vous attendez toutefois pas à de la rigolade non-stop,
Aadi Yug appartient à la catégorie du "mou hypnotique", un OVNI hyper-fauché au premier degré imperturbable, dégageant un charme étrange et une atmosphère hallucinogène qui pourront plaire aux amateurs de bizarreries filmiques. Il y a beaucoup de longueurs mais le film est impossible à détester. Pas trop long du fait de l'absence de séquences musicales, ce film "autre" se résume à une poignée d'acteurs de patronage s'amusant comme des gamins dans leurs rôles de débiles profonds de l'âge de pierre au milieu de stock-shots tellement voyants que c'en devient tout simplement magique. Un beau petit nanar, au sens le plus affectueux du terme, sans prétention mais avec un fort capital sympathie.
Youpi ! On est sur Nanarland !Note : 2,5/5
Cote de rareté : 4) ExotiqueDevinez quoi ? Ce film n'est jamais sorti en territoire francophone. Mais comme tout le monde parle en borborygmes, c'est pas grave… Un VCD indien édité par Moser Baer peut se dénicher sur le net. Avec ce genre de films, il ne faut de toute façon pas trop compter sur une prochaine sortie Blu-Ray restauration 4K avec trois heures de bonus, scènes coupées et making-of.