J'ouvre le bal des chroniques!
FranceAnnée:
2012Réalisation:
Mohammed Mehadji, alias Morsay Genre:
LaèneCatégorie:
Nanar à main arméeAvec:
Mohammed Mehadji, Youssef Mehadji... Souvent, pour se vendre, beaucoup de films ont recours à cette horripilante expression qu'est « le film le plus attendu de l'année ». Entendez par là, attendu le plus souvent par des critiques à qui les studios ont soufflé que le réalisateur ça serait le prochain Spielberg. Mais s'il y a bien un film qui pourrait se targuer sans honte et sans mensonge cette mention honorifique, c'est bien lui: « La Vengeance », premier film de l'inénarrable Morsay et de sa troupe de Cli-An-Court. Pour ceux qui seraient restés bloqués sur un dromadaire enfoncé dans la chatte de leur mère, resituons un peu dans quel contexte rocambolesque a accouché ce chef d'oeuvre de cinéma banlieusard.
Mohammed Mehadji, alias Morsay est le chef du crew de banlieue Parisienne, les « Truands 2 la Galère ». Venue tout droit de Clignancourt - Clicli pour les intimes – ce crew est très productif, partageant leur temps libre entre la vente de t-shirts à leur effigie et aux slogans raffinés tels que « Jaloux je baise ta femme dans ton lit » et d'albums de raps aussi approximatifs qu'inécoutables (on se souviendra notamment du fameux « On s'en balle les couilles » (sic!) ). Ce sont d'ailleurs ces derniers qui les mettront sous les feux des projecteurs des Internets, notamment du forum 15-18 de jeuxvideo.com, se foutant allègrement de leurs têtes à casquettes. S'en suivront une longue série de mémorables clash/buzz/tweet comme dirait l'ami Morandini entre la bande de Clicli et les membres du dit-forum via diverses vidéos où Morsay et son frère Zéhef souhaitaient introduire divers objets dans le fondement des génitrices sur plusieurs générations de leurs fourbes ennemis (traduction « vous foutre une fusée dans la chatte de vos mères et de vos grand mères sa mère la pute ».)
En céfran dans le texte. Truand 2 la Galère et son leader charismatique n'a finalement existé que via ce navrant spectacle, mais à leur bénéfice, puisque cela a littéralement fait exploser les ventes de leur business de t-shirts. Une chose dont ils sont très fiers, nous allons également y revenir. Et au fur et à mesure de ces vidéos, Morsay lâche une bombe: IL A TOURNÉ UN FILM!!! Non pas qu'il allait le faire, ce n'était pas un projet, il ne cherchait pas de financement, oui, il l'a fait, et on allait voir ce qu'on allait voir! Une date était même déjà arrêtée, le 5 septembre 2011, et une bande annonce a rapidement suivi, pour montrer que c'était pas de la gruge. Le culte était né.
Mais très vite, tout s'emballe. Dans sa tradition de communication via des vidéos Youtube, Morsay commence à multiplier les messages vidéos sur la censure de son film. Marine Le Pen, le Ministère (on apprendra plus tard qu'il s'agissait du ministère du logement!!!) et même carrément les Illuminatis ont déposé plainte pour ne pas que le film voit le jour. Alléchant, ce constat renforce l'attente autour de l'objet interdit. Mais là où il atteint le sublime, c'est la multiplication de vidéos mythomanes toutes plus incroyables les unes que les autres: interview d'un faux directeur « des cinémas de France » (!!!) aux cheveux gras et à la cravate Mickey, fausses conférences de presse et interviews « par des grand(e)s journalistes » (qui ne paraitront jamais) où l'on apprend entre autres que le film était nommé aux Oscars (!!!), ainsi que de sombres histoires de duplicatas du film en Algérie et de compte en Suisse, (l'équipe des Chiffres et des Lettres s'arrache encore les cheveux dessus afin de les comprendre), Sans oublier cette fameuse vidéo où, filmé devant un hotel Parisien, Morsay annonce être à New York où il a vendu son film à « un gros producteur », et où des fans lui ont donné « du Coca gratuit et des gateaux ». La classe. Une manière curieuse mais efficace, de patienter en attendant ce film qui est, du coup, maintes fois repoussé.
Morsay à New York. C'est marqué, donc c'est vrai.Le directeur "des cinémas de France". Il a une cravate, donc c'est vrai.Morsay en junket Hollywoodien avec "une grande journaliste". Elle a un stylo, donc c'est vrai. On en revient donc à cette notion de film extrêmement attendu: tout le monde avait mis ses zygomatiques à rude épreuve via cet étrange plan marketing, le film alimentait les fantasmes les plus fous, du forumeur lambda au chroniqueur du magazine le plus hype. Repoussé maintes et maintes fois, le graal atterrit enfin sous nos yeux ébahis un dimanche ensoleillé de Février 2012... la veille de sa sortie officielle en DVD! Grosse effervescence sur le Net, le film passe rapidement de main en main, et bien sûr dans celle des infâmes Nanarlandais que nous sommes. Analyse.
Tout commence un bel après midi ensoleillé dans la riante bourgade de *public en choeur*CLI-AN-COURT, que Mohammed, son frère et ses amis passent à se cultiver et lire des livres à ne rien foutre. Mais rapidement le ciel s'assombrit, des flics peu sûrs d'eux – baragouinant des « euuuh » entre chaque mot – veulent les contrôler. L'un d'eux, machiavélique, cherche à les piéger, ce que notre Robin des Bois des temps modernes refuse avec véhémence et virilité (= coups de poings dans la gueule et béquilles), ce qui l'amène en garde à vue de 48 heures d'une durée de 24 heures (véridique!) où ils re-pètent les plombs et cassent tout dans le commissariat. Ce qui nous amène à la scène la plus mémorable du film. Et oui déjà. A peine ¼ d'heure s'est écoulé et on est déjà gâtés.
Suite à leurs agissements, c'est évidemment la prison qui les attend. Mais qui dit prison, dit procès. Et là je voudrais faire passer un message. Si l'académie des Césars nous lit, qu'elle réserve une place de choix l'année prochaine (cette année les Illuminatis ont fait blocus) pour l'actrice interprétant la juge d'instruction. On a jamais vu un jeu d'acteur pareil: lisant de manière hésitante son texte (littéralement!) en hurlant, ce simple procès en devient complètement surréaliste tellement cet excécrable jeu occupe toute la scène et tous les esprits. L'apogée arrive au moment où Zehef, le frère de Morsay, trouve son pseudonyme par une phrase de cette fameuse juge qui lui indique qu'il a – je cite - « comme on dit chez vous, un regard euuuuh bien Zéhef! ». Dans une interview donnée à des potes de Morsay, cette « grande actrice française » dixit Morsay indique que ce n'est pas son métier puisqu'elle est « antiquaire à la base ». Sans blague.
Toujours est-il qu'à l'issue de ce procès, Morsay et Zéhef écopent d'une peine de prison, mais, ô miracle, le vilain policier ripou est démasqué et perd son job. Il est donc contraint à la démission et de « rendre sa plaque ». Comme aux Etats-Unis, oui oui. Une scène qui s'achève sur un écriteau qui tombe de manière surprenante «merci à la justice qui condanne le rascisme en france », fautes d'orthorgraphe incluses. Si il devait y avoir une véritable vengeance après ce film, ça serait celle de la langue Française qui prend cher tout du long, via ce genre d'écriteaux, de sous-titres (blancs sur fond blancs, très pratiques à lire), ou même jusqu'au générique. Bescherelle ne fait d'ailleurs pas partie des partenaires du film. Ca se ressent.
Je viens seulement de remarquer la faute du "condanne" avec deux N... Revenons à nos moutons: deux ans plus tard, Morsay et Zehef sortent de prison. C'est à ce moment décisif que naissent les célèbres « truands 2 la galère » par un brainstorming intense et conséquent: Ils sont des truands. Ils sont en galère. Truands 2 la galère. Et voilà. On se complique trop la vie, Morsay et Zehef prônent le « droit au but », la simplification de la vie. Autre preuve, cette scène où Zehef créé le business de t-shirts qui ont fait leur renommée. Allant voir un imprimeur de t-shirts voici comment se monte un business juteux. Jeunes chefs d'entreprises, prenez-en de la graine:
Pourquoi se compliquer avec de la paperasse et des détails juridiques franchement ? Créer un business en 2h est tellement simple.
Mais, vous me dites, le film s'appelle « La Vengeance » et on ne voit toujours pas l'ombre d'une vengeance à l'horizon. Et bien la voici: notre flic ayant perdu son job et toute joie de vivre, trainant dans les rues de la cité à boire et à fumer, il apprend la sortie de prison des 2 lascars qui l'ont fait tomber, décide d'engager une bande de skinheads pour leur faire la peau. Voilà, ça mange pas de pain et ça remplit ses promesses vis-a-vis du titre. Sauf que...
Le dur métier de figurant. Sauf que voilà, le film dure un peu plus de 2 heures. 2 heures! Pour un film, ça commence déjà à être balaise, surtout quand c'est un premier long, et qui plus est tourné avec les moyens du bord. Et c'est quasiment sans surprise que l'on s'aperçoit que cette histoire de Vengeance doit tenir sur une petite demie heure sur ces 2 heures de métrage. Bout à bout, cette histoire pourrait être rapidement expédiée. Mais alors avec quoi Morsay a bien pu combler l'heure et demie restante. Et bien la réponse est toute simple: lui. C'est bien simple, « La vengeance » est une ode à son créateur et sa marque de fabrique. Via divers saynettes, on découvre la vie de Morsay, ses occupations, sa way of life, ses soss comme on dit dans les tiéquars. Bref, la vie trépidente de Morsay déclinée comme des aventures de Martine: « Morsay va péta au ED » (où il se fait courser par des flics pour un paquet de Pépito), « Morsay drague », « Morsay fait un barbecue », « Morsay deale de la drogue ». Des scènes de comblage au sens propre car il ne s'y passe strictement pas grand chose pour faire avancer l'intrigue, et pas grand chose tout court, comme cette fameuse scène du barbecue où il passe 5 bonnes minutes à checker ses potes. Avec tout ça, on se demande pourquoi Marine Le Pen aurait cherché à interdire ce film, tellement c'est du pain béni pour elle: c'est bien simple, Morsay, et par extension une bonne partie des banlieusards, passent pour des gens arrogants, voleurs, arnaqueurs, mysogines, violents... Bref, du pain béni! Le message véhiculé est un peu curieux, car Morsay passe véritablement pour le dernier des connards, là où son frère Zéhef le pousse à arrêter les conneries, et créé tout seul le business des Truands pendant que son frère vole des Pépito et des Tucs.
Ni vu ni connu j't'embrouille. C'est moi Morsay, le roi du vol en toute discrétion.
Passons sur l'histoire de la dite Vengeance, déjà pour ne pas spoiler – même s'il n'y a pas grand chose à spoiler - et pour nous concentrer ensuite sur ce qui fait le sel du film. Techniquement, le film est à la hauteur de ce qu'on pouvait espérer: complètement atroce. Tourné avec le camescope de papi, avec une prise de son directe, l'image est dégueulasse, grisatre, et paradoxalement sursaturée. Les dialogues, eux, sont rendus inaudibles par une prise de son à la ramasse, faisant exploser les chambres d'échos et les bruitages parasites aux alentours, en plus d'être à la base incompréhensibles par des phrases insensées (« J'vous niquerai tous de A à Z, moi l'alphabet je le connais peut être pas mais le A et le Z je m'en rappellerai à vie! » ???!?) et lancées à la volée dans le bordel le plus total – quand Morsay ne postillonne pas, au sens propre, ses répliques. Un véritable carnage auditif, et encore je parle même pas des chansons des Truands. Mettant l'accent sur la création du crew des truands 2 la galère, le film est une véritable page de pub géante pour leurs t-shirts que tout le monde, à de rares exceptions près, porte (et ce, 2h seulement après leur sortie de prison!) poussant le vice à faire porter à certains personnages différents t-shirts dans la même journée! Journées qui sont ponctuées sans cesse par des panneaux indiquant l'heure, ce qui n'apporte strictement rien à l'histoire ou à quelconque tension dramatique, puisque absolument rien dans l'histoire ne se joue au timing. La seule utilité sera d'initier votre petit cousin à apprendre à lire l'heure autrement que sur sa Flik Flak péta aux Galeries Lafayette.
*Jingle Pub*Aiiiiiiie il en place même une pour son pote Cortex! Les Pyramiiiiides! Brllaaaaaaah!!!! Autres chose assez frappante dans le film, la vision qu'à Morsay des événements et de la retranscription de sa réalité, complètement aberrante et en dehors de notre espace-temps, reflétant bien la mythomanie de ses vidéos postées sur Youtube. On peut citer moult exemples, comme des Skinheads arborant fièrement leurs tatouages au feutres qui pogotent sur... du Skrillex (l'ado à la coupe de flan idole des clubbers teenagers) ou qui se droguent sur... du The Cure (!!!), les flash infos qui relatent avec 24 heures de retard de simples faits divers, des rades dégueulasses qu'il fait passer pour des restos ultra chicos où tu peux venir manger en t-shirt pour boire du champagne à 700 euros, ou bien l'insertion d'un humour bien à lui. Il nous avait prévenu, dans « La Vengeance » il y aurait de tout, de l'action, du drame... et de l'humour. Et à ce niveau, on est franchement gâté. Le gag le plus marquant du film, où Morsay vient dormir chez un pote et passe littéralement 5 bonnes minutes à lui parler de ses pieds qui schlinguent. Un humour de banlieusard en folie que n'auraient pas renié Philippe Clair et autres Max Pécas.
Nous voilà arrivés presque au bout de cette chronique. Que retenir de ce film qui aura fait baver tout amateur de pelloches complètement fucked up que nous sommes avant même d'en voir une seule minute ? Est-ce le nanar contemporain tant attendu ? Et bien... Oui et non. Non, car le film est clairement trop long pour procurer du fun sur la durée. 2H avec pas mal de scènes de remplissage assez lentes. A voir à plusieurs, quelques binouzes à la main, ça passe comme une lettre à la poste. Tout seul, c'est clairement impossible de tenir le coup sans faire autre chose à côté, ou bien sans le mater en plusieurs fois. Le rythme, clairement inégal, ne nous anéantit pas autant qu'on l'aurait espéré, surtout au vu des innombrables vidéos toutes plus mythomanes et hallucinantes les unes que les autres qui ont fleuri avant l'arrivée du film. Mais, cela dit, il a tout à fait sa place parmi les perles de ce site qu'est Nanarland. Le film renferme suffisemment de scènes complètement improbables et de moments qui nous laissent béats par leur bêtise ou leur logique complètement hors du commun des mortels. On se repassera en boucle les scènes de drague ou du tribunal, le discours consternant de bêtise de Morsay, les blagues de pieds qui puent, les crachats de Morsay au ralenti, et surtout on décortiquera son générique de fin.
Car oui, avant de s'achever, Morsay nous laisse un dernier cadeau, un générique de fin complètement aberrant, que même les Zaz n'auraient pas osé imaginé pour leurs parodies. On s'aperçoit en premier lieu qu'il se nomme certaines personnes sous plusieurs pseudos pour gonfler la liste. Mais surtout, en incluant des remerciements complètement improbables comme... des sites de téléchargements illégaux, des chaînes de télé qui ne lui ont sûrement jamais donné le moindre sou, des pays (carrément, des pays en entier!!!), et surtout votre site préféré avec une faute en supplément, rebaptisé pour l'occasion « Manarland »! Le coup de grâce viendra du message final où l'on apprend que les Illuminatis ont « interrompu le film » (??!) et que Morsay est activement recherché par « la Brigade ». Une « brigade » qui n'est pas très performante au vu des dizaines de vidéos que ce dernier poste à longueur de temps, Un nanar qui aurait donc être bien plus huge qu'espéré, mais qui renferme un lot suffisant d'aberrations pour que le nanardeur chevronné ne regrette pas sa vision. C'est un bon début qui laisse espérer des choses encore plus folles pour la suite. Car oui, le générique nous annonce également que la suite est déjà en chantier. Les Illuminatis et Marine Le Pen vont avoir du pain sur la planche.
Manarlandais, sois fier de ta race!Note: 2,5/5
Yatta-Man