Chers lecteurs, bonjour.
Une chronique un peu particulière car elle est abandonne l'insouciance habituelle qui règne en ces lieux, au profit d'un message de prévention. Oui, je suis désolé, mais je vous demande dès maintenant d'effacer de votre visage le sourire qui, j'en suis sûr, nait spontanément à chaque visite sur notre beau site, et de le remplacer par un froncement de sourcils et un air sérieux. Car le fléau que nous allons évoquer aujourd'hui est loin d'être amusant, je veux bien entendu parler de la comédie nanarde franchouillarde (alias comédie pouet-pouet).
Le sceau de la honte.
Peut-être ne le savez-vous pas, mais notre société connait actuellement un sapement sans précédent de ses fondations (si, si). Effondrement des valeurs traditionnelles, désocialisation numérique, crise économique, athéisme extrême, romanichelisation des esprits, instabilité du forum, la liste est malheureusement longue. Nos experts ont longuement planché pour découvrir la source de ces maux, avant de récemment aboutir à une macabre conclusion : tout ça, c'est la faute à la comédie nanarde eud'chez nous. Rongés de l'intérieur par notre propre patrimoine culturel, quelle ironie. Bien entendu, le gouvernement a rapidement réagi en accolant des bandeaux de prévention sur les VHS et les DVD des films incriminés : "La comédie nanarde provoque la folie encéphalique", "La comédie nanarde met les pieds où elle veut, et c'est souvent dans votre gueule", "La comédie nanarde vous joue du pipeau", "la comédie nanarde engendre le connisme", "la comédie nanarde va vous en mettre plein la poire", "Hitler a envahi la France après avoir regardé une comédie nanarde", etc. Nos députés légifèrent actuellement sur l'ajout de photographies choc, telles les luxations mandibulaires cataclysmiques, les liquéfactions orbitales et les dissections cérébrales de victimes.
Malheureusement, la banalisation demeure toujours aussi présente, surtout chez les jeunes qui ne se représentent pas les dangers d'une exposition à l'humour français, et qui constituent ainsi le premier groupe social concerné en terme de morbi-mortalité. Notre service de santé préventive a donc constitué un documentaire à partir du témoignage d'un usager qui a souhaité rester anonyme. Je vous laisse le découvrir...
Faut pas croire, mais on ne vient pas du jour au lendemain à la comédie nanarde. Plus jeune, je trainais avec une bande de potes, et on s'amusait à regarder des nanars, genre un p'tit Van Damme ou de temps en temps un film de ninjas, on ne pensait pas à mal. Et puis une fois, j'ai fait une soirée à Lyon, où j'ai rencontré des mecs qui m'ont proposé de mater « Super flic se déchaine », avec Paul Préboist. Vous savez, à cette époque, on ne parlait pas encore de la comédie nanarde dans les médias, donc j'ai accepté. Je crois que je m'en souviendrai toute ma vie : j'ai à peine tenu les 15 premières minutes avant de vider mes tripes, et là, je me suis dit "plus jamais". Mais vous imaginez bien la réaction des autres. Ils se moquaient de moi, disaient que j'étais pas dans le coup, que j'étais pas bath, et ils me traitaient de petit joueur, de bébé à sa maman, vous voyez le topo. La pression du groupe était forte pour que j'en reprenne. Mon besoin de me confronter à mes limites a fait le reste.
J'ai ainsi décidé de progresser par étapes, au rythme de ma propre tolérance psychique afin de ne pas répéter l'erreur de m'attaquer à plus fort que moi. Ce qui n'est pas une mince affaire, étant donné les cadors de l'insanité filmique que comporte le cinéma français. Je dirais qu'une initiation confortable peut s'effectuer avec la découverte de l'univers de Philippe Clair ; celui-ci contient certes une bonne dose de folie, mais servie dans une ambiance chaleureuse et dynamique, riche d'une humanité qui accompagne son spectateur. La contre-partie, c'est qu'une fois qu'on s'est habitué à l'accès maniaque à la Clair, on commence à éprouver l'envier d'aller voir un peu plus loin ce qui se fait. C'est à cette occasion que j'ai pu découvrir des accidents comme « Drôle de zèbres », un délire psychédélicomorphe qui donne surtout la possibilité de pouvoir se vanter dans son groupe de pairs qu'on a maté un film de Guy Lux, tout en donnant le change aux parents qui ne voient rien de mal au visionnage d'une émission d'Intervilles. S'ils savaient...
A ce stade, je crois que j'étais déjà accroché mais je ne m'en apercevais pas encore. Il faut dire que le concept même de comédie nanarde relève de la forme la plus cinématographiquement aboutie de la perversité : le jeu des distanciations qui permet de rire d'un film parce que son humour est raté au point d'en devenir risible est un exercice périlleux car il est aisé de s'y perdre entre les degrés et ne plus trop savoir où on en est et pourquoi on rigole. Quoi qu'il en soit, j'ai innocemment continué ma traversée des cercles des Enfers et je me suis retrouvé à regarder « La Guerre des espions », une ode à l'héroïnomanie psychotisante par le totalement autre Van Belle, puis les soit-disantes comédies de Bernard Launois, sortes d'expériences interdites d'humour dépressogène qui vous emmène au-delà du rire. Quand on a vu Sim et Henri Génès tourner en rond dans un lit pendant les plus longues minutes de sa vie afin de mener à son paroxysme abyssal un gag déjà infra-nul 2 minutes avant qu'il n'ait débuté, on peut en tout honnêteté penser avoir enfin atteint le fond et se dire "voilà les limites infranchissables de l'humour nanar".
Comment pourrait-on me reprocher une telle prétention naïve ? Après tout, n'est-ce pas une façon de lutter contre ses angoisses les plus archaïques que de tenter de circonscrire son monde afin de mieux le soumettre à sa compréhension ? Mais le monde en question, il ne se laisse pas circonscrire comme cela. Le monde, il a encore du jus sous la pédale. Et Georges Cachoux est son carburant. Peut-être aurais-je dû effectivement percevoir « Chômeurs en folie » comme un avertissement des capacités de frappe meurtrière de ce réalisateur. Peut-être n'ai-je pas été assez à l'écoute de mes craintes. Une analyse facile a posteriori, mais souvenez-vous que j'étais alors au cœur de la spirale glissante de l'anti-humour franchouillard. Mais si je pensais être fermement installé sur le fond de mon trou, alors « Comment se faire virer de l'hosto » fut une sorte de glissement de terrain... sous-terrain. Explications.
Image subliminale du « Chouchou de l'asile (Adolfo, Fils du Führer) » glissée dans « Chômeurs en Folie ».
« Comment se faire virer de l'hosto » est un raz-de-marée qui n'entretient que de lointains rapports avec ses congénères. Il ne prend pas le temps de dire bonjour, non, lui, il agresse aussitôt sa victime en paralysant instantanément toute capacité de réflexion et de protection mentale. Il déverse alors son n'importe quoi sans se soucier des conséquences, et sans même de se préoccuper de savoir s'il deviendra le nouveau mètre-étalon du nawak, ce qui le rend d'autant plus dangereux.
En France, on n'a pas pas de pétrole, pas d'argent, pas de talent, mais un peu d'idées...
...enfin pas des masses, non plus.
La mélasse concoctée par Cachoux suinte d'un maigre justificatif scénaristique qui, en lui-même, est instable. Adolfo, fils caché de Hilter, rêve d'accéder à l'hôpital psychiatrique qui jouxte sa propriété. Ses essais itératifs sont vains. Jusqu'à ce qu'il agresse des ouvriers dans un café parisien et qu'il soit mené en camisole au lieu tant convoité... d'où il va alors tenter de s'enfuir. Placé sous narco-hypnose, Adolfo peut enfin confier au psychiatre son enfance malheureuse auprès d'un papa tyrannique.
Michel de Reichter dans le rôle du Baron Adolfo von Reichter. Le rôle d'une vie (c'est le seul rôle de sa vie, d'ailleurs).
Georges Cachoux profite de sa liberté créatrice pour dénoncer la corruption et l'alcoolisme policier : ici, Adolfo obligé de payer ses contraventions en canons de rouge.
Il serait bien vain de tenter de retracer les (non-)événements qui constituent le métrage, tant ceux-ci sont un assemblage de non-sens. Il est ainsi suffisant de savoir que la première partie du métrage s'intéresse à l'asile campagnard, peuplé d'une cour des miracles dégénérée que l'on ne peut distinguer du personnel soignant que par l'absence de blouses blanches, tant le cabotinage consternant concerne avec une même intensité tout ce petit monde. Ceci dit, il faut comprendre l'agitation des médecins psychiatres : le ministre de la santé vient leur rendre visite. C'est donc l'occasion de remplir une pièce de tous les acteurs disponibles afin d'organiser une sorte de transe hystérique collective où nul ne semble bien contrôler ce qu'il est censé se passer, pendant que dans son coin, Adolfo grimace tout seul en tentant de pénétrer le lieu rêvé. C'est là que l'on comprend mieux à quel point Philippe Clair est un être doté d'une solide santé mentale.
Le service de psychiatrie, constitué de figurants réutilisables d'une scène à l'autre (avec les mêmes costumes !).
Georges Cachoux s'est réservé le rôle du directeur, et il a bien raison de pas s'gêner. A sa gauche, Brigitte Lahaie qui passe dans le coin histoire de caser une réplique ; rien de très surprenant, la majorité du casting étant plus habituée aux boulards qu'au cinéma d'auteur.
Car le rythme ne faiblit pas, les scènes se succédant sans s'occuper de savoir si quelqu'un comprend les blagues jetées en pâture à la bouillie visuello-auditive qui dégouline partout, les dialogues devenant rapidement un amas informe et inaudible que l'on espère improvisé, scandé via un doublage de poissonniers et surnageant au milieu de musiques débiles menées tambour battant (avec un éclectisme large accolant sans honte de la zik de cirque aux classiques des compilations tyroliennes en passant par le Chant des partisans et le bon vieux Ein heller und ein batzen - mais si, heidi heido heida !), l'ensemble étant raccordé dans un montage audio indigne d'un film professionnel.
La déconstruction touche de manière égale les scènes à plus faible nombre de personnage, où chacun est prié de jouer le plus intensément possible son rôle en dépit de toute cohésion d'ensemble, ce qui permet de mieux intégrer des noirs rigolards, des batailles de tarte à la crème, des répliques abasourdissantes ("
vu la tristesse, y'a de l'Eva Braun dans l'air" ou "
c'est la tarte finale !")...
Un noir hilare dont je vous laisse deviner la teneur du doublage.
Voilà un film grenello-compatible qui recycle les gags des années 30.
Mais « Comment se faire virer de l'hosto » offre également des ruptures à même de briser un caramel mou : le script connaît en effet un changement brutal dès lors qu'il s'intéresse soudainement à l'enfance du démentiel Adolfo, barbouillé pour l'occasion de peinture dans une possible dénonciation des chimiothérapies sédatives, tout est possible avec le bouillonnement créatif de Georges Cachoux. On passe alors à un déversement d'iconographie nazie sans complexe, où Hitler porte à merveille le peignoir aux couleurs du drapeau américain, dans un jeu d'acteur à faire pâlir de honte Henri Tisot dans « Le führer en folie », un film dont on avait bien rigolé à l'époque mais qui finalement paraît être une fine satire politique à côté du désastre qui s'exhibe à l'écran. On ne sait pas si Georges a dévalisé l'amicale locale des amis du 3ème reich ou s'il a tout simplement filmé en douce une boum nazie mais il semble fier de bien insister sur les nombreuses déclinaisons de svastika qui ornent les murs, les hommes et même les chiens.
Réussir à dénoncer simultanément la pharmacopsychiatrie et le maquillage masculin, quel talent !
No comment.
Georges radine sur les lieux de tournage en employant le Château de Moulinsart comme hôpital psy et comme QG nazi, mais il ne mégotte pas sur les étendards humoristiques.
Et question humour, pas question de ralentir, comme à l'occasion de cette séquence étirée au-delà toute raisonnabilité humaine qui enchaîne la même blague sur le salut hitlérien : Adolf fait son heil, Adolfo le copie mal, Adolf met une claque à Adolfo qui fait aïe ou ouille, Adolf fait son heil, Adolfo le copie mal, Adolf met une claque à Adolfo qui aïe ou ouille, Adolf fait son heil, Adolfo... Je suis prêt à parier qu'aucun d'entre vous n'est capable de deviner combien de fois cette séquence est répétée, et avec quelle intensité de cabotinage les deux interprètes nous la servent.
Drame de la relation père-fils sur fond de direction d'acteurs démissionnaire.
André Quillet dans le rôle de Hitler. Comme son fils, le rôle d'une vie, et le seul.
C'est-y-pas meugnon ? Un hommage à Chaplin. Dommage qu'il soit décédé 2 ans avant le tournage, je suis sûr qu'il aurait été très touché par cette attention.
Mais que ceux qui n'aiment pas l'humour intellectuel se rassurent, Georges Cachoux sait également laisser tourner sa caméra (dont on entend d'ailleurs régulièrement le cliquetis) sur du simple n'importe quoi qui consternait même une poule encéphalitique, entre un gag du râteau raté (comment peut-on rater le gag du râteau ??), une utilisation sans vergogne de rushes sans parole où Daniel Derval jette de la choucroute sur Adolfo, une flash mob nazi freeze ou l'apparition du diable qui a décidé que finalement, c'était lui qui cabotinait le plus fort de tous (normal, c'est le réal' !). Le film a alors totalement explosé sa propre déconstruction et ses espoirs arty sont pris en flagrant délit de démence terminale tandis que le spectateur assiste impuissant au délitement de ses propres circonvolutions cérébrales. « Comment se faire virer de l'hosto », le film qui rend aussi con que lui.
Gag !
Gag !!!
GAG !!!!!GAAAAAAAAHHHG !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!L'arrivée de la guerre de libération (reconstituée avec du vrai matos militaire dans le jardin d'une ferme) permet de comprendre que le film a sûrement été tourné en fonction des costumes disponibles, et non l'inverse. Adolfo est donc exfiltré, déguisé en jeune demoiselle (je laisse à votre libre imagination les gags sensationnels qui résultent d'une telle situation), puis se met en tête de créer la 4ème reich (prononcer reiche) en allant chercher des clodos dont ce n'était probablement pas un rôle de composition. Jusqu'à une conclusion en eau de boudin qui laisse le spectateur dans le désarroi le plus total, incapable de parler, mentaliser ou même appuyer sur sa télécommande pour faire quelque chose.
Dans un possible éclair de lucidité quant à son œuvre, Georges Cachoux s'est également attribué le rôle du Diable (en tenue de la Renaissance ?). A ses côtés, son complice André Chazel (« Servez-vous mesdames », « Le sexe à la barre »).
Cette expérience m'a fait perdre mon dernier ami, décédé d'une vitrification oculaire. Quant à moi, j'ai frôlé la mort par décérébration et je suis resté dans un coma agité pendant plusieurs mois. Cela fait désormais presque un an que j'en suis sorti et que je tente de reprendre une vie normale, si tant est que cela soit possible après un pareil traumatisme ; ma famille s'est en effet détournée de moi et je suis en invalidité définitive. Je n'ai trouvé réconfort et soutien que dans la religion toubifriste, observant un mode de vie monacal composé de visionnages ininterrompus d'épisodes de Pour Être Libre. Dans mon malheur, j'ai la chance d'avoir subi des lésions neurologiques irréversibles qui ont totalement détruit mes circuits neuro-synaptiques de l'humour.
Si je partage mon histoire avec vous, c'est pour bien vous faire comprendre pourquoi il ne faut jamais, je dis bien jamais, commencer à regarder des comédies nanardes, même les plus innocentes.
Le 4ème Reich du cabotinageHilter, le papa.
Adolfo, le fiston.
Le même, en version diablotin.
Le même, en version ballerine (c'est un remake de « Lui et l'autre », ou quoi ?).
Le même, accompagné de son petit frère et de sa nounou (qui s'avère être une espionne du KGB).
Mussolini, le tonton.
Le Diable et ses acolytes, les marraines-fées.
Merci bien à monsieur K*bal de nous avoir exposé les conséquences légitimes de sa vie de débauche. J'espère que nos lecteurs en tireront l'enseignement adéquat. Bien entendu, le film sus-mentionné a depuis été interdit à la circulation, et est désormais réservé à des expériences médicales sur des crash-test dummies. Quant à Georges Cachoux, il est conservé dans une stase de confinement afin de contenir toute pulsion créatrice. Mais le danger n'a pas pour autant disparu, car qui sait quelles ignominies le cinéma français conserve-t-il encore en son sein. C'est pour cette raison qu'il vous faut informer et surveiller votre entourage, et n'oubliez pas : CELA PEUT VOUS ARRIVER A VOUS !!
Titre : Comment se faire virer de l'hosto
Titre alternatif : Le Chouchou de l'asile (Adolfo, fils du Fuhrer)
Pays : France
Année : 1979
Durée : 1H18
Catégorie : Comédie pouet-pouet
Genre : Adolfomania / Ne regardez pas ce film, c'est une merde ! / Gazage hilarant
Réalisateur : Georges Cachoux
Acteurs : Michel de Reichter, André Quillet, Georges Cachoux, André Chazel, Brigitte Lahaie, Norbert Ciret, Daniel Derval, Michel Gallon, Jacques Nivelle
Note : ??
Cote de rareté : 6/IntrouvableIl n'existe heureusement à notre connaissance qu'une seule édition VHS de ce film, chez l'éditeur VPE (Votre Petit Ecran).
Images bonusY'a du rab' d'Adolfo, je laisse ?
Toujours Adolfo, dans une séquence particulièrement psychédélique.
Même papa fait les gros yeux devant les excès de son fils.
L'interminable et incompréhensible séquence de danse synchronisée qui va se transformer en interminable et incompréhensible séquence d'immobilité collective.