Vu le mois dernier.
Un grand moment de comédie nanarde où tu rigoles vraiment à contretemps, comme quand tu écoutes un sketch de Raymond Devos. Mais pas pour les mêmes raisons. Explication : quand tu écoutes un sketch de Devos (ou certains de Desproges), tu remarques qu'il y a toujours un temps entre la fin de la vanne et le rire du public parce qu'il s'agit d'humour à base de jeux de mots et de calembours et qu'il y a donc une sorte d'élaboration de l'effet comique qui cherche plus ou moins à noyer le poisson : on croit qu'il raconte une histoire alors qu'il ne fait qu'amener un gag, un jeu de mot. Et quand il arrive, ça nous prend par surprise, il faut repenser à la dernière phrase, on comprend le jeu de mot et là on se marre.
Avec les comédies de Bernard Launois, c'est un peu le même effet mais les quarts de secondes de décalage entre une chute ou un effet comique et le rire du public ne sont que le temps nécessaire pour passer du rire de premier degré à celui de second degré. On voit qu'il y a élaboration d'un gag, on s'attend non pas forcément à rire mais au moins à sourire, les zygomatiques sont prêtes à entrer en action, mais ça dure, ça dure, le suspense est à son comble et puis... Rien. Tout ça pour ça. Et le rire vient d'une certaine déception liée au constat effarant qu'il y a chez le cinéaste une certaine compréhension de la grammaire cinématographique (ses films sont "lisibles", les cadrages font pro...) mais qu'elles ne servent pas la narration. Un peu comme un livre où chaque paragraphe, chaque chapitre n'aurait que peu de lien avec ceux qui les entourent mais où il n'y aurait pas grand'chose à redire niveau orthographe et ponctuation.
Et quelque part, on ne comprend pas que les quelques pointes de professionnalisme qui affleurent ça et là ne trouvent pas d'écho dans certains des éléments majeurs de la fabrication d'un film, par exemple le scénario et la direction d'acteur. On en vient à se demander pourquoi, s'il a compris tel aspect, comment il peut en ignorer tant d'autres. C'est ça qui fait pour moi de Bernard Launois un faiseur de films fascinants. Je ne suis pas en train de vous dire qu'il est un auteur ou quoi que ce soit mais à l'inverse d'autres cinéastes médiocres, y a un truc qui fait que je vais me garder ses films sous le coude pour les remater à l'occasion (et partir en quête de ses oeuvres "de jeunesse" même si elles sont plus orientées adultes que ses derniers films). Enfin comme je le disais dans le topic de Touch' Pas A Mon Biniou, ce qui me plaît chez Launois c'est ce côté Grand gamin qui s'amuse à faire des films entre deux boulots, comme il le dit lui-même dans le documentaire de Devil Story.
Sinon, si j'ai attendu si longtemps avant de parler de ce film, contrairement au "Biniou" ou à "Drôles de zèbres" c'est parce qu'après quelques recherches, je me suis dégoté un livre intitulé Sacrés Gendarmes, sorti une paire d'années avant le film de Launois (ouvrage que ROTOR avait amené à la N.E.). J'ai donc attendu d'avoir lu le livre pour voir s'il avait un rapport avec le film. Eh ben non. C'est une sorte de compilations de perles de la gendarmerie mais pas comme on en voit tant sur Internet. C'est bien écrit, structuré en chapitres cohérents et au final, les "perles" recensées servent un ouvrage qui a pour but principal de nous faire découvrir l'histoire et le fonctionnement de la gendarmerie française.
Donc, l'ouvrage est très documenté, on y apprend beaucoup de choses et l'auteur ne cède pas vraiment à la facilité de juste mettre bout à bout des extraits de procès-verbaux loufoques ou autre. Célèbre à l'époque pour ce type de livre, l'auteur, un certain Jean-Charles, a vraiment été au bout de son sujet et a récolté de ses rencontres avec des gendarmes de tous grades ou bien à l'issue de longues heures passées à fouiller dans les archives de la gendarmerie, des documents parfois vraiment édifiants. Perso, j'ai adoré le moment où il parle des réactions des gendarmes aux films ou chansons qui se moquent d'eux. Par exemple, après avoir entendu la chanson "Hécatombe" de Brassens, où l'auteur parle d'une scène de pugilat au cours de laquelle les belligérantes finissent par s'unir contre les gendarmes venus les séparer, ne renonçant à les émasculer qu'après avoir constaté que les gendarmes étaient dépourvus d'attributs virils, un maréchal des logis avait composé une réponse à Brassens sur l'air de la chanson en question. (je vous la poste si ça vous intéresse...)
Mais pour en revenir à Launois, je pense quand même qu'il a volontairement choisi de reprendre le titre du livre (qui a, à mon avis, été un bon succès de l'époque vu la notoriété de son auteur) tout en faisant du scénario une reprise de celui de la série des films avec De Funès (les gendarmes dans une municipalité tranquille du sud de la France). Et si le "scénario" du film n'a pas grand chose à voir avec le contenu du livre, je pense quand même que certains passages ont un peu inspiré Launois, comme le chapitre consacré aux gendarmes hors métropole qui a dû lui donner l'idée du personnage du coopérant, quelques détails dans l'histoire qui montrent une certaine connaissance de la vie du gendarme (son logement notamment) ou encore cette petite phrase où il est question de gendarmes qui regardent les événements de Mai 68 comme des matchs de foot ou de rugby...
PS : la prochaine fois que je passe à Manosque, je prends une photo de la porte de la maison du notaire, je crois savoir où elle est...