Un film générationnel, qui me fait regretter de ne pas être né 20 ans plus tôt parce que ça devait être trop bien d'avoir 18 ans en 1981.
Sérieusement, ce film est une sorte d'aberration filmique, effectivement un instant movie que Friedberg et Seltzer auraient dû visionner avant de se lancer dans leur Disaster Movie tant il leur aurait paru évident qu'avant de faire un film s'inspirant d'une actualité (politique ou cinématographique) brûlante, il vaut mieux attendre un peu de voir comment les choses vont tourner.
Car force est de constater que les réalisateurs eux-mêmes n'ont pas la plus petite idée de ce que le fameux "changement" promis par Mitterrand peut bien être. Alors, comme leur personnage, ils ont sans doute amené à eux investisseurs et (semi) pros du cinéma en leur répétant à l'envi : ça sera un film sur le changement, le tout premier film sur le changement, le scénario du film? LE CHAN-GE-MENT ! ! ! Seulement au moment d'écrire le scénario (sans doute au matin du premier jour de tournage), les choses se sont un peu compliquées et ils ont tourné un peu ce qui leur passait par la tête, le changement devenant un leitmotiv, puis une des pires illustrations du fameux McGuffin hitchcockien.
Mais on peut également se dire que ce film démontre à sa façon (et à son corps défendant) que les slogans politiques c'est bien beau mais que ça ne veut au final pas dire grand chose alors que c'est sensé faire tenir tout un programme en quelques mots bien agencés. Alors qu'est ce qui relève de la politique mitterrandienne dans ce film? Bah rien, si ce n'est qu'on voit des jeunes trouver du boulot sans même le chercher et s'en désintéressent dès qu'ils l'ont obtenu, à croire que les auteurs du film sont en fait des giscardiens déguisés. Parce que franchement, tous les adeptes du Changement sont des incompétents notoires (le facteur funky, les livreurs de frigo...) tandis que les réfractaires à la politique de gauche n'ont la plupart du temps que le tort d'avoir fait confiance à cette jeunesse irresponsable et irrespectueuse...
Prenons notre héroïne, une soit-disant surdouée dont le niveau est "dix fois supérieur à n'importe qui d'autre de son école" (ce qui revient à dire que les plus sérieux des élèves "normaux" ont une moyenne de 2/20). De tout le film, elle passe son temps à multiplier les gamineries les plus immatures, au point que dans la vraie vie des gens, elle se serait pris une baffe dans la gueule toutes les trente secondes. Mais au lieu de ça, et sans rien faire de spécialement fou ou révolutionnaire (à part échouer lamentablement à esquisser le plus petit pas de danse funky lors de sa loooooooooongue distribution de courrier), elle se voit confier trois nouveaux jobs par jour et se retrouve propulsée Voix Officielle de la Jeunesse en Quête de Changement. Mais tout ça c'est rien puisque de toute façon, un peu à la manière d'un Jean Sarkozy, elle va se retrouver catapultée dans les cimes par l'opération du saint esprit.
Encore un mot sur le casting, composé d'un gars qui joue un italien sans prendre la peine de faire au moins semblant d'essayer d'avoir le plus petit accent transalpin, d'un Daniel Darnault qui a moins le temps que dans On L'appelle Catastrophe de montrer à quel point il sait bien jouer comme de Funès mais qui s'en tire quand même avec les honneurs (sérieux, je deviens super fan de ce type, mon avatar en témoigne) ou encore de Roger Trapp, qui en avait visiblement marre d'attendre que Pierre Etaix l'appelle pour lui proposer un rôle et a accepté de livrer des frigos gratos (au passage, franchement, le rire final de Bigotini me rappelle celui de Thriller).
Bref, un bon gros nanar comme la France savait si bien en faire sous Giscard et au cours du premier septennat de Mitterrand. Comme quoi, le changement, ben il s'est quand même pas manifesté partout...
_________________ Lawrence Woolsey, précédemment connu sous le pseudonyme de deathtripper21...
"Godfrey Ho a beau avoir trouvé des Kickboxeurs américains, le duel entre la mariée et la robe restera LA baston du film." Plissken
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