KALIDOR, LA LEGENDE DU TALISMAN
(Red Sonja)
Dans les années 1980, l’heroic-fantasy avait de beaux jours derrière elle. Après le succès de «Conan le barbare » de John Milius, la planète cinéma avait vu défiler un nombre assez considérable de piètre pitres candidats à la couronne de rois des warriors hyperboréens. «Ator », «Barbarian Queen », «Sangraal», «Kaine le mercenaire », «Thor le guerrier », et autres apprentis Connard le Barbant. Avec ce «Red Sonja », nous traitons du dessus du panier du genre : «Red Sonja » n’est pas issu des arrière-cuisines des plagiaires de Cinecittà, mais bien de la boîte à idées de Dino De Laurentiis, l’heureux producteur qui avait lancé la mode avec Conan. Ayant déjà produit un deuxième Conan, «Conan le destructeur », avec toujours Arnold Schwarzenegger, mais sous la caméra de Richard Fleischer, Dino décide d’exploiter le filon plus avant en allant chercher plus loin dans l’œuvre de Robert E. Howard.
Plutôt que les écrits de Howard eux-mêmes, précisons que le film s’inspire d’une BD de Marvel, elle-même lointainement inspirée d’une œuvre de Howard. Si le personnage de l’aventurière «Sonja la rousse », dans la nouvelle de Robert Howard où elle apparaît, n’est nullement un personnage d’heroic-fantasy, Marvel avait décidé d’en faire une version féminine de Conan, évoluant dans le même univers. L’héroïne de Marvel étant très appréciée des fans pour son design pulpeux et ses tenues légères (un célèbre bikini en pastilles de métal), son passage sur grand écran était assez prévisible.
L’histoire est assez classique : dans un univers d’heroic-fantasy des plus basiques, la méchante reine Gedren (interprétée par Sandhal Bergman, la valkyrie de «Conan le barbare ») occit la gardienne d’un talisman super-puissant qui pourrait bien lui permettre d’accéder à la maîtrise du monde. Sonja, la sœur de la gardienne (qui a également refusé les avances de cette lesbienne mal léchée de Gedren), jure de se venger et devient une farouche guerrière, amazone d’autant plus sévèrement burnée qu’un serment initiatique lui imposer de ne se livrer qu’à l’homme qui saurait la vaincre en duel.
Sonja à la fin de sa formation : "Tu as acquis la maîtrise de la maîtrise!"
Ca tombe bien, puisque le prince Kalidor (Arnold !), sorte de Conan en mieux élevé, arrive dans les parages et engage lui-même le combat contre la méchante Gedren. Accompagnés d’un prince en bas âge et néanmoins batailleur, nos héros vont aller tailler dans la viande des méchants. Sonja et Kalidor parviendront-ils à réduire la méchante en confettis et tomberont-ils dans les bras l’un de l’autre sans se hacher menu au préalable ?
Hélas, les aventures de Sonja sont un tel gadin artistique que la mode de l’heroic-fantasy, déjà passablement mal en point, se trouve ramenée au rang de moribonde. Le film se révéla en effet si peu convaincant qu’Arnold Schwarzenegger, qui interprète ici un second rôle, se retrouva propulsé en tête de générique en lieu et place de l’héroïne Brigitte Nielsen, son personnage devenant même le rôle-titre dans certains pays (la France, notamment). Il fallait bien essayer de sauver les meubles en mettant la guest-star du film en valeur…
Mais pourquoi un tel échec ? Les raisons en sont multiples. Tout d’abord, il y a Sonja elle-même. Comment le dire sans goujaterie…Brigitte Nielsen est une véritable insulte au métier d’actrice. Cette femme ne sait absolument pas jouer.
Dès qu’elle ouvre la bouche, c’est une véritable calamité, une bérézina d’inexpressivité passée à la moulinette d’un non-talent aussi artistiquement destructeur qu’une explosion d’anti-matière. Avant ses implants mammaires et son mariage avec Sylvester Stallone, la grande Brigitte s’affirmait comme l’une des vedettes les moins prometteuses de l’histoire du cinéma. Là où la Red Sonja du comic-book est une amazone éclatante de vie et d’énergie, Brigitte Nielsen n’exprime, malgré ses charmes, qu’une froideur de poisson pané surgelé.
Passé cette légère défaillance du rôle principal, on constatera hélas que les autres interprètes ne se foulent pas énormément pour compenser. Arnold Schwarzenegger semble ici s’ennuyer, et ne nous livre qu’une version un peu molle de Conan. Il semble que l'acteur n'ait été prévu, à l'origine, que pour quelques jours de tournage. Mais Dino de Laurentiis s'arrangea pour le garder sur le plateau et, sous prétexte de "scènes à retourner" et de "scénario légèrement remanié", engrangea assez de métrage pour augmenter l'importance de son personnage, voire pour le faire passer le héros du film. Schwarzy, bonne pâte, n'avait pas oublié que de Laurentiis avait lancé sa carrière avec Conan et ne protesta pas, mais cela pourrait expliquer son air accablé.
Parmi les autres acteurs, il n’y a guère que Ronald Lacey en fourbe conseiller de la reine, qui tire plus ou moins son épingle du jeu à force de cabotinage.
Mais la cerise confite qui achève de donner à ce gâteau un peu mou le goût sucré du nanar, c’est Ernie Reyes Jr, dans le rôle d’un jeune prince. Vous vous souvenez du gamin asiatique rigolard et agité d’«Indiana Jones et le temple maudit» ? Hé bien, les auteurs de «Kalidor….» s’en sont souvenus aussi, au point de vouloir faire à peu près pareil, mais en plus forcé. Ernie, surtout connu pour la série "Le Chevalier lumière" et qui aggrava par la suite son cas en exhibant son faciès poupin dans "Les Tortues Ninja II" et "Surf Ninjas", est sans doute l’un des sidekicks enfantins les plus crispants jamais vus dans une super-production hollywoodienne. Gigotant, grimaçant, simiesque, Ernie Reyes Jr nous ferait presque trouver sympathique Christophe Leroux dans "La Nuit du risque" !
Les faiblesses de l’interprétation ne seraient rien sans l’accumulation de ringardise qui plombe d’un bout à l’autre le projet. Malgré une mise en scène soignée (Richard Fleischer, même en fin de carrière, n’était pas non plus n’importe qui) et une certaine recherche dans les costumes, le film dégage un délicieux parfum de carton-pâte.
Les effets spéciaux sont pour le moins approximatifs par rapport à ce que l’on pourrait attendre d’une production relativement riche, le point d’orgue étant atteint avec une sorte de dragon semi-mécanique sans doute joli sur le papier mais parfaitement ridicule à l’écran.
L’approximation se ressent également dans la figuration, l’armée de la méchante reine se faisant dessouder par trois ou quatre héros déterminés. On aura beau dire, il y a quand même eu des menaces plus redoutables sur la liberté du monde !
Sandahl Bergman, prévue au départ pour le rôle de l'héroïne, préféra jouer la méchante pour ne pas être "cataloguée" : elle en fut quitte ensuite pour jouer dans "She" et "Hell comes to Frogtown".
«Kalidor » n’est pas crédible une minute, et se laisse au contraire apprécier comme un authentique dérapage artistique. Dénué de la puissance qui faisait du premier «Conan…» une vraie réussite, «Kalidor, la légende du talisman » échoue tout autant à restituer la vigueur des comics de Marvel, dont il n’est qu’une adaptation délavée. La richesse et l’opulence de l’heroic-fantasy se heurtait encore au manque de conviction des professionnels du cinéma…
D’aucuns contestent cependant à «Kalidor » le qualificatif de nanar, arguant qu’il y a bien pire dans le genre. Certes. Mais «Ator » ou «Thor le guerrier» n’avaient pas pour atout d’être des super-productions biberonnées aux dollars par des nababs pleins de brouzoufs : nous sommes ici bel et bien en présence d’une kitscherie atomique qui, si elle est loin d’atteindre les trésors de mauvais goût de «Flash Gordon» (tiens, une autre production Dino De Laurentiis !), n’en atteint pas moins une moyenne très honorable sur l’échelle du nanar. Sans être de la trempe d’un space-opéra turc et malgré quelques longueurs, «Kalidor » contient suffisamment de moments grotesques ou tous simplement kitsch pour faire passer un moment tout à fait agréable sans être inoubliable. Recommandé pour nanardeurs débutants !
KALIDOR, LA LEGENDE DU TALISMAN
Pays : Etats-Unis
Réalisation : Richard Fleischer
Année : 1985
Genre : Féminisme en peau de bêtes
Catégorie : Heroic-fantasy
Avec : Brigitte Nielsen, Arnold Schwarzenegger, Sandahl Bergman, Ernie Reyes Jr, Paul L. Smith, Ronald Lacey
Nikita : 2
Cote de rareté : 1 (courant)
Le type même de film accessible à tous. Eminemment trouvable en DVD dans de nombreux magazins.