Kobal a écrit:
Si je m'en sens le courage et que tu me donnes ton autorisation, je te proposerais bien de développer certains aspects que j'aurais plus mis en avant si je m'étais moi-même lancé dans ce périlleux périple rédactionnel. Comme le rôle de petit galérien blessé par la vie que Morsay semble vouloir mettre avec une certaine authenticité dans son film (son père décédé jeune, son sentiment de rejet par la société, d'absence de reconnaissance), qui génère une forme d'empathie pour lui... jusqu'à s'esclaffer devant le paradoxe complet que représente son attitude de crevard profiteur et ses grandes déclarations sur ses valeurs de self-made man qui ne demande rien à personne (sauf le RSA et de quoi s'acheter un Grec).
Pourrait également être développé les interrogations qui existent sur le recul que Mohammed peut avoir vis-à-vis de son personnage de Morsay. Je trouve qu'il y a un côté auto-mystificateur, genre Klaus Kinski, où l'authentique se mélange à la récupération dans un tel fourre-tout que même le principal intéressé doit s'y perdre.
C'est personnellement ce que je retiendrai de
La Vengeance. De base, Morsay est un personnage trop improbable pour me paraître antipathique. Et je ne peux qu'avoir une fascination malsaine pour lui quand je réalise que Morsay est une version corrompue de Mohammed Mehadji, esquissée chaotiquement au fil des vidéos Dailymotion, pour finir gravée dans le marbre du cinéma. Que se passe-t-il dans la tête de l'homme, Mohammed, quand il imagine son double fantasmé, Morsay, faire des trucs invraisemblables comme lever des grosses en les invitant dans leur voiture ou proposer à n'importe quel quidam de monter avec lui ? Il y a un côté psychanalytique dans
La Vengeance qui me laisse pantois. Sans parler des scènes sans Morsay : des petites filles qui jouent à la poupée ?
What is wrong with this man ?
Un autre décalage qui nous a bien fait marrer (il nous a fallu être 3 devant le film) et que je n'ai pas vu relevé dans ce topic, se situe dans le montage de la fameuse scène du parking. Je m'explique : on a un empilement de scènes avec Zehef se faire tranquillement une tea-party avec son copain en se lamentant sur son frère (il ne manque qu'
une musique mignonne), intercalées avec Morsay en roue libre qui
moleste un inconnu, pendant que son copain, le "putain de blanc de merde collabo" (dixit le gros skin, lors de son debriefing façon légionnaire d'Astérix : "ils étaient supérieurs en nombre chef"), se tient prostré à l'arrière, le regard brisé,
forcé de tenir le flingue, se demandant sans doute ce qu'il fout là oh putain oh putain il est taré ce mec je voulais juste un bout de shit. Je sais pas vous, mais j'ai trouvé cette succession franchement comique. Surtout lorsque juste après survient le nervous breakdown : le comparse va jouer le jeu (contraint ?) et s'allonger accablé aux côtés de Morsay le Dangereux Psychopathe, ne pouvant réprimer un rire nerveux de profond désespoir, tel un otage au bord de la démence, en écoutant son bourreau lui reprocher que ses pieds puent. Une scène qui vue sous un certain angle (je devais me tenir très penché sur le moment), est presque digne d'un thriller psychologique coréen.
Pour finir sur une légère sodomie de drosophiles, je voudrais préciser la chro qui parle de "camescope de papi". En fait, Yatta-man l'a sans doute remarqué, le film (bien qu'hideux nous sommes d'accord) semble plutôt être tourné avec un gros reflex récent, avec des grands angles et de la profondeur de champ, et une copieuse dose d'étalonnage des couleurs, ce qui lui donne une image qui accomplit l'exploit d'être plus travaillée que celle de
Tha Eastsidaz ou
Kill for Love tout en étant très moche quand même.
(quelqu'un a mentionné le passage avec l'américain ? j'ai trouvé ça dingue que Morsay se dégote un anglophone aussi aisément, d'autant plus qu'il n'a pas davantage l'air de savoir ce qu'il fout là)