Amateurs du freakshow nanarlandais, bienvenue à vous. Vous qui venez vous repaitre des chairs difformes de nos atrocités filmiques, allez être bien servis aujourd'hui. Préparez-vous à être gavés d'horreur jusqu'à la régurgitation. Oui, nul besoin d'introduction inutile qui viserait à vouloir noyer le poisson, allons droit au au but : "The Amazing Bulk", c'est du gros nanar qui tâche que même un mélange K2R/Cilit Bang/Destop ne pourra rien faire pour vous et votre âme, souillés pour l'éternité.
En fait, la situation est plutôt simple : "The Amazing Bulk" est tout bonnement une révolution cinématographique qui amène le 7ème art vers une nouvelle étape de son existence. Il y eut le son, la couleur, la 3D et maintenant, il y a... ça.
Allons bon, même une jaquette aussi rentre-dedans ne dispense pas d'une mince trame scénaristique. En l'occurrence, nous nous intéressons au cas de Hank, un scientifique aussi malheureux dans ses expériences que dans ses amours. Passant ses nuits à injecter en vain des sérums colorés à des rats (ou à des plantes quand le budget animalerie est épuisé) pour le compte de l'armée, il se retrouve bien en peine d'obtenir la main de sa bien-aimée auprès du papa qui s'avère être le général à la tête du programme de recherche. Bref, Hank connait les affres de la confusion entre vie professionnelle et vie privée, ce qui entraine la complication inhérente à ce genre de situation : l'auto-expérimentation à la sauvage de substances inconnues qui vous transforment à l'insu de votre plein gré en bibendum violet, chauve et déficient mental nommé... Bulk. Enfin, selon le titre du film, parce jamais personne ne prononcera ce nom de tout le métrage. Il faudra se contenter d'un "
what the hell is that ?", ce qui est finalement plutôt honnête comme qualification.
Des locaux qui témoignent de l'importante manne financière dont dispose l'armée en matière de recherche scientifique. Même les rats sont à la diète, nourris avec des os !
Un espéré futur beau-père peu accommodant malgré sa belle cave à vins.
Je pressens que le plan de pharmacovigilance va être mis à rude épreuve.
Combien de hausse d'impôt pour financer ça ?
Mais pendant que Hank découvre avec horreur son nouvel alter ego, un autre obèse se morfond dans son château. En effet, le baron Von Kantlove, un méchant Allemand (pléonasme) à monocle, cherche à compenser son impuissance sexuelle en offrant à sa blonde et gourde amante un substitut orgasmique original : la destruction de monuments historiques de part le monde. Ah ça, c'est de l'amour. Ça doit d'ailleurs être pour cela que personne ne semble réagir à cette éradication culturelle. Il faudra attendre la fin du film et la décision de Von Kantlove de décrocher la lune à coups de missile pour les histoires se recoupent.
"On dirait Guy Carlier qui tenterait de refaire le Baron Harkonnen du Dune de David Lynch pour une fête de fin d'année d'école primaire...
...accompagné par Isabelle Alonso qui reprendrait le rôle d'Alice Sapricht dans le "Führer en Folie" " nous commente notre forumeuse Hermaniwy.
La destruction de tous les scientifiques allemands qui ont eu le malheur de moquer le génie de Von Kantlove (régulièrement ridiculisé par ses hommes de main qui le surnomment Kuntlove, mouarf, mouarf !).
Alors j'entends déjà les plus perspicaces d'entre vous s'interroger quant à un possible hommage de Bulk pour Hulk. C'est vrai que sur mon clavier, le B et le H sont assez proches, et sans cette faute de frappe, bien malin qui aurait pu, à l'écran, distinguer ces deux caractériels. Il faut dire qu'on ressent très fort l'envie de TomCat, la boite de production, de se positionner sur la niche marketing très sélect du mockbuster, division (36ème de)sous-Asylum. C'est dire l'ambition artistique.
Une ambition dont témoignent les étonnants placements produits du métro. De là à imaginer que les producteurs ont tenté d'escroquer les marques concernées en leur réclamant de l'argent sous peine de leur faire de la pub sauvage. De l'anti-sponsoring, quoi.
Et pourtant, j'osais dès le début de cette chronique attribuer à "The Amazing Bulk" le rôle de portier du nouvel âge d'or du cinéma. Le film a en effet déniché la pierre philosophale capable de transformer tout ce qu'elle touche en nanar de très haute volée, incarnée dans cette simple mais puissante idée : n'avoir aucun décor réel et tout miser sur des fonds bleus et des CGI. Mais attention, un certain niveau graphique est requis. Il importe qu'il soit d'une ignominie tout bonnement inimaginable, capable de s'auto-réenchanter de manière perpétuelle afin que le spectateur ne s'habitue jamais au carnage infographique qui l'éclabousse en permanence, il faut que cette laideur absolue fraie dans des abysses jamais atteintes où la lassitude ne peut en rien entamer les traumatismes visuels incessants qui balaient toute humanité chez sa victime impuissante. Les acteurs doivent donc évoluer dans un univers extra-dimensionnel qui subisse la domination tyrannique de Paint, ambiance économiseurs d'écran amateurs pour Windows 95 à même de choquer le Georges Lucas de la nouvelle trilogie. C'est bien simple, le film aurait dû pouvoir être chroniqué par Jean-Michel Blottière dans l'émission Micro Kid's.
Mise en abime du film : un grand 8. Commentaire de l'actrice : "I'm so scary". Et nous donc !
Tout chroniqueur qui se confronte au défi de coucher sur papier l'enfer bulkien se heurte bien vite aux limites de son champs lexical, ce qui l'empêche de pleinement partager son expérience. Comment réussir à dire quelque chose de ce vécu très intime qu'est l'effroi cinématographique ? Et pourtant, il faut s'accrocher, témoigner, ne pas avoir quasi-perdu la vue pour rien. La mise en concurrence simultanée et anarchique de plusieurs équipes de graphistes (13 selon le générique) permet en effet d'exploser toute prétention à une direction artistique unifiée, histoire de varier les plaisirs. Si certains décors numériques ne dépareilleraient pas trop sur une PS1 (avec une tolérance d'acier pour les mauvaises incrustations), d'autres sont indignes d'un enfant phocomèle de 4 ans armé d'une tablette tactile bon marché. Le summum est atteint avec cette voiture de policier dont les couleurs semblent être du 8 bits, avec son étoile de traviole et son gyrophare flottant dans les airs. Par ailleurs, certains designers ont l'air de s'être contentés de piquer un logiciel d'ameublement chez Ikea pour réaliser des pièces désespérément vides (ce qui en fait d'autant plus ressortir les détails les plus effarants),
Top crédibilité : les véhicules sont tous équipés de banquettes, avec parfois des accoudoirs qui débordent sur la largeur.
Et le plus fort, c'est qu'elles semblent avoir été ajoutées numériquement car elle disparaissent d'un plan à l'autre !
Magie du recyclage, le gyrophare est rouge, vu de gauche comme de droite.
Seule séquence non-numérique : l'utilisation de stock-shot de fête foraine. Mais rassurez-vous, c'est aussi mal intégré que le reste.
Les décors deviennent donc des acteurs à part entière, volant même la vedette au casting humain en amenant les spectateurs à longuement disserter sur les éléments qui les composent. C'est en effet la première fois de ma vie de cinéphage que je débats avec une ardeur digne du schisme Con/tiste sur la nature d'une commode (effet numérique ou incrustation de photo, la question reste ouverte). Et que dire du mélange non-sensique de ces combinaisons d'environnement, avec des champs/contre-champs qui se paient le luxe de sembler tout droit sortir d'un ninja-flick du père Godfrey Ho, tant rien ne les unit. C'est ainsi qu'une belle chambre à coucher peut faire face à un donjon avec des gladiateurs ! Sans parler des plans de transition d'un décor à l'autre qui n'hésitent pas à s'enchainer via un zoom dans un microscope, un dégueulis de sang rouge vif ou à un départ d'ambulance d'autant plus soudain qu'elle surgit de nulle part (oscar du souffle coupé pour cette dernière).
C'est la commode du fond. Si vous aussi avez un avis sur la question, envoyez-le à Nanarland, puis prenez d'assaut votre plus proche fournisseur de meubles pour protester.
Ketchup numérique powa !
Oui, ces gens se font face dans la même pièce.
On dirait le gag de Lancelot à l'assaut de Camelot dans "Sacré Graal".
Tous les bons marabouts du cinéma vous le diront : rien de tel que du mouvement dans un coin pour donner un peu de vie à un décor. Alors là, il y a plusieurs écoles et "The Amazing Bulk" les rassemble toutes. D'un côté, les adeptes du bon vieux gif des familles, celui qui se contente de 4 images pour tourner en boucle. De l'autre, les modernistes réformateurs qui n'hésitent pas bousculer les codes en casant des animations Clipart un peu partout, sans en parler à personne, et surtout pas aux acteurs... ce qui expliquerait peut-être pourquoi aucun personnage ne réagit à la présence d'un chimpanzé jouant avec une roquette dans un coin de la pièce. Et puis certaines innovations touchent soudain la grâce : il suffit de jouir béat de la beauté d'une fontaine d'eau, au rendu probablement inédit à ce jour. Faut dire que même à l'époque des prémices du numérique, on préférait sans doute ne rien faire plutôt que de tenter un tel résultat.
Selon Spinoza, toute l'idée de la fontaine est dans une goutte d'eau et cela peut se constater de visu.
Des animaux de compagnie aux comportements totalement prévisibles.
On se peut pas se lasser des voitures de "The Amazing Bulk", même en mouvement.
Mais bien entendu, l'autre grande star de l'animation à crédit reste le Bulk en titre. Un troll en caoutchouc violacé affublé de moonboots à la place des jambes, qui se déforme de manière obscène à chaque mouvement, et qui, cerise sur le gâteau, est le premier super-monstre à méchamment dandiner du cul dès qu'il court (ce qu'il fait durant 90 % de ses apparitions à l'écran). Il parvient même à cabotiner numériquement en grimaçant de manière ininterrompue, son visage s'approchant à quelques reprises de celui du Steven Seagal heureux. La classe. Ses mouvements sont tellement stéréotypés (cela se résume à être débout, à se pencher en avant en s'écrasant le ventre de manière incompréhensible, à avoir l'air malade ou triste, et bien sûr à se secouer le joufflu) qu'une scène d'attaque d'hélicoptère a nécessité l'emploi d'une doublure humaine peinte en violet, renforçant encore plus l'aspect nanar déjà terminal de la créature. On en viendrait presque à ressentir de la pitié pour un monstre aussi mal foutu si on n'était pas déjà plié en deux de rire.
Parle à mon cul.
La bedaine à la physionomie atypique du Bulk.
Le Bulk triste se reconnait à ses bugs de collision, quand sa main lui rentre dans le ventre.
Je soupçonne fortement Jed Rowen, qui interprète déjà un détective, de s'être prêté au sadisme du maquilleur.
Je pense que vous l'aurez compris, les décors sont fauchés, figés, bref minables. Mais attention car cela ne veut pas dire que le réalisateur n'a pas eu l'envie de tenter d'y introduire à coups de clé à molettes un peu d'action qui décoiffe. Et là, on entre encore une fois dans une nouvelle dimension du nanar... Si, si, c'est possible. Imaginez bien que la caméra étant fixe, c'est aux acteurs de mimer le mouvement tout en restant sur place, tandis que le fond bleu s'anime, pas toujours à la même vitesse qu'eux ni dans la même direction. Résultat spectaculaire garanti car on a droit à tous les effets sidérants possibles, des excès d'agitation ridicule d'une simple marche aux sautillages histrioniques d'une course supposée effrénée, en passant par l'immobilisme hypnotique qui donne l'impression que tout le monde se déplace sur un tapis roulant. Là encore, "The Amazing Bulk" plonge dans ses propres bas-fonds en renouvelant sans cesse le ridicule de cet effet, provoquant l'irrépressible hilarité de l'audience. Je pourrais regarder ça pendant des heures avec toujours le même ravissement. D'ailleurs, je suis sûr qu'on pourrait en faire des chorégraphies de Zumba (ou des cours d'aérobic en VHS, selon son âge).
Mais si l'on ne devait retenir qu'une scène du film, ce serait la séquence de la traque de Bulk par la police. Elle se permet en effet de rassembler en un seul segment de pur bonheur déviant l'ensemble des scories visuels décrits jusqu'à présent. Il faut voir notre géant violet courir sur les 3 mêmes avenues qu'il traverse en tout sens, un coup à gauche, un coup à droit, un coup dans le fond, dandinant son postérieur comme une lap danseuse en plein rut, croisant sans cesse les mêmes voitures, feux tricolores et cabines téléphoniques anglaises qu'il va, selon l'envie du moment, traverser, renverser, exploser en petits pixels, tandis que les deux policiers s'agitent sur place en tirant dans n'importe quelle direction et sur n'importe quel arrière-plan et qu'un duo de journaliste surjoue comme des damnés leur survol de la scène en hélicoptère. On se croirait par moment dans une bande-annonce ougandaise d'un remake de Scoobidoo ! Bref, voilà 5 minutes de must-see appelé à devenir un petit classique de la nanarophilie.
Pour réussir à surmonter l'épreuve de ce visionnage, il ne reste plus qu'à tenter de comprendre. Comprendre les raisons de cette insulte cinématographique crachée à la face du monde avec une violence jamais vue encore, comprendre pour mettre du sens sur un chaos inacceptable, comprendre pourquoi. Est-ce une équipe d'ILM qui a eu l'envie de décompresser un bon coup (encore que là, on parlerait plutôt de dégazage sauvage en haute mer) ? Est-ce TomCat qui a cherché à rendre hommage à Nanarland ? D'aucuns ont repéré de multiples références à Kubrick ("2001", "Dr Folamour"...), s'agissait-il d'entrainer le Maître dans la fange, de faire un doigt d'honneur au 7ème art ? Ou bien TomCat avait en tête de se lancer dans la parodie ? Mais alors quel type de parodie exactement ? De mockbuster ? Non parce que là, le second degré potentiel du film s'effondre littéralement sur lui-même, victime de sa propre incompétence tant ce n'est absolument pas lisible.
Quand hommage devient un gros mot. Pour donner le ton, il faut préciser que la première référence précède une très longue séquence de métaphore coïtale spatiale avec des va-et-vient d'arrimage de stations orbitales.
Je parie qu'ils ont pris le véritable permis de conduire de l'acteur, ce qui expliquerait le doigt qui s'évertue à masquer le nom.
Certes, il suffit de voir la conclusion du film avec son Bulk poursuivie par une armée de cliparts éparses se présentant n'importe comment à l'écran pour comprendre que pas un être cortiqué ne peut pondre ça sans ricaner doucement (ou alors les concepteurs ont réellement cherché à rentabiliser l'achat de leur CD-Rom 1000 animations pour 150 francs). Sans parler des faux génériques d'introduction qui moquent les plus grands studios d'Hollywood. Mais pour autant, le reste du film ne se présente pas comme une grosse farce à la Scary Movie. Il n'y a pas vraiment de gag, pas de tentative d'humour manifeste. La majorité des acteurs se contentent de cabotiner de manière raisonnable pour un tel naufrage. L'acteur principal, Jordan Jawson, interprète même plutôt sérieusement son personnage meurtri, tandis que sa compagne Shevaun Kastl en fait de même. Il faut dire que ces deux-là sont blindés niveau carrière dans le Z. Le seul qui en fait des tonnes, c'est Randal Malone, un habitué des productions Jeff Leroy, un mec capable de revenir de tout, donc. Faut dire que son personnage de
german villain est une porte ouverte à tous les excès.
Randal Malone est toujours généreux en acting.
Un indescriptible déferlement diarrhéique d'animations de tout genre.
TomCat paraissent donc œuvrer en petits malins sûrs d'eux-mêmes et de leur méfait, assumant pleinement racler les fond de tiroir du budget en pompant musiques et stock-shots dans des bases de données citées au générique. Il est vrai qu'à la vue de la jaquette d'un autre de leur film (PanMan, un tueur avec un seau sur la tête), on peut douter du sérieux de leur entreprise. Pourtant, leurs dernières productions paraissent bénéficier d'un soin plus poussé, avec une volonté probable de se rapprocher de leur idole Asylum (il suffit de voir les titres "Avatars", "Avenging Force", "Alien VS Titanic"). C'est un peu le phénomène Nu Image à l'échelle microscopique : commencer par des séries B (du Z foutage de gueule dans notre cas) pour ensuite s'essayer à du plus grand standing (du Z pro, chez eux). Enfin bon, je reste toujours étonné qu'on puisse générer de l'argent avec un tel magma informe dont aucune chaine du câble, même la plus miteuse, ne voudra jamais. Ou alors il s'agit de gonfler virtuellement le catalogue de vente et de négocier ainsi aux acheteurs des packages de plusieurs films.
Le stock-shot ultime que même Mattéi n'avait jamais osé : un doigt qui appuie sur un bouton !! Non mais personne n'était capable de tourner ça sur le plateau ??
Qui accepterait en effet d'acheter en toute connaissance de cause de la branlette de Bulk ?
Enfin bon, tout cela reste un maigre espoir d'intellectualisation d'un concept filmique qui échappe à toute rationalisation. Pas besoin d'y aller par quatre chemin pour résumer le bousin : "The Amazing Bulk", c'est du lourd, du très très lourd, du tellement lourd qu'on en ressort vieilli de quelques années. A ne consommer qu'avec la plus grande prudence, donc.
Titre original : The Amazing BulkPays : USA
Année : 2010
Durée : 1h15
Catégorie : Super-Héros
Genre : Vomi visuel
Réalisateur : Lewis Schoenbrun
Acteurs : Jordan Lawson, Shevaun Kastl, Terence Lording, Randal Malone, Jed Rowen, Mike Toto...
Note : 4.5/5
Cote de rareté : 4/Exotique"The Amazing Bulk" est disponible à la vente en DVD sur le continent américain. Comptez tout de même 20 $. Et pour ce prix, n'attendez aucun sous-titre français.