CYNTHIA ROTHROCK
Parmi toutes les vedettes de la série B américaine et du film d’action beauf, il en est au moins une qui aurait mérité d’être mieux employée, tant sa présence à l’écran et surtout ses capacités martiales sont de loin plus cinégéniques que celles de ses collègues. La « Blonde fury » Cynthia Rothrock, vedette de deux mondes (d’abord Hong Kong puis son pays natal), malgré sa filmographie fort médiocre en qualité, est l’une des personnalités les plus sympathiques du B-movie et du « direct-to-video », ce qui lui vaut encore de nombreux fans malgré une carrière aujourd’hui un peu ralentie.
Cynthia Ann Christine Rothrock est née le 8 mars 1957, dans le Delaware (Etats-Unis). Grandissant à Scranton, petite ville de Pennsylvanie, elle commence à pratiquer les arts martiaux à l’âge de treize ans. Les parents d’une de ses amies pratiquaient le Tae Kwen Do ce qui suscita rapidement son intérêt. Tout d’abord intimidée par l’atmosphère très macho des cours d’arts martiaux, Cynthia se révèle rapidement très douée et participe à des compétitions qui lui donnent l’occasion de battre des ceintures noires et d’obtenir rapidement la sienne. La petite demoiselle (1m60) est énergique comme pas deux : Cindy Rothrock (comme elle se fait alors appeler) ne va pas tarder à faire son chemin. Sa carrière dans la compétition d’arts martiaux va en effet être rapide : maîtrisant de nombreux sports de combat, quintuple ceinture noire, Cynthia va devenir en 1981 championne du monde du karaté. Elle sera particulièrement fière d’avoir, en 1982, remporté une compétition mixte en battant tous les athlètes mâles. Double championne invaincue du monde en Karaté (Karaté à mains nues et armé) de 1981 à 1985, record inégalé à ce jour, Cynthia Rothrock remporte de très nombreux trophées, ce qui lui vaudra d’être la première femme à figurer en couverture de magazines d’arts martiaux américains comme «Inside Kung Fu» et «Black belt magazine».
Sa notoriété naissante lui vaudra une première expérience d’actrice…dans une publicité pour Kentucky Fried Chicken ! En 1984, Cynthia apprend qu’une compagnie de production hong-kongaise souhaite embaucher un artiste martial américain pour un film d’action tourné dans la colonie britannique. Passant à tout hasard l’audition pour ce qui devait être au départ un rôle masculin, elle va être embauchée par le producteur Ng See Yuen pour le tournage du film «Yes, Madam !» (Rebaptisé pour l’exportation «In the line of duty 2», titres français «Sens du devoir 2» ou « Superflics à Hong-Kong»).
Avant de débarquer à Hong-Kong, Cynthia n’a aucune idée sur son rôle ni sur le film, et ne se doute pas qu’elle va se retrouver catapultée au rang de vedette. Dans ce mélange typiquement hong-kongais d’humour pataud et d’action pure et dure, Cynthia Rothrock partage la vedette avec Michelle Kahn, nouvelle star du film d’action de HK, qui reprendra plus tard son vrai nom de famille pour se faire appeler Michelle Yeoh. Tourné sur plus de sept mois (!) dans des conditions assez éprouvantes, le film est un carton absolu. Au point, que, le duo Michelle Kahn/Cynthia Rothrock ne se reformant pas pour la suite, les producteurs lanceront une nouvelle vedette en lui donnant le pseudonyme de Cynthia Kahn.
Michelle Yeoh empêche Cynthia Rothrock de tabasser Tsui Hark dans "Superflics à Hong Kong".
Cynthia Rothrock impressionne fort le public local, qui n’a l’habitude de voir une artiste martiale blanche aussi douée. Elle n’a cependant guère d’expérience d’actrice et doute encore de sa vocation quand Sammo Hung l’engage en guest-star dans «Shanghai Express», expérience qui la convaincra de persévérer dans le cinéma. Promue curiosité de l’année à Hong Kong, elle va devenir une vedette et tourner dans la colonie pendant six ans. Contrairement à la quasi-totalité des acteurs blancs de Hong-Kong, Cynthia Rothrock tient essentiellement des rôles principaux, souvent en partenariat avec une vedette chinoise. Il ne s'agit pas de 2 en 1 minables comme ceux où se compromit Richard Harrison, mais bien de vrais films d'action de Hong-Kong, qui squattent le haut du box-office local. On la voit ainsi aux côtés de Yuen Biao dans «Un flic de choc» (Righting wrongs), considéré comme son meilleur film. Elle rate hélas l’occasion d’affronter Jackie Chan dans «Mister Dynamite», le planning du tournage étant chamboulé par une blessure de la star.
Handicapée au départ par sa méconnaissance de la langue cantonaise, Cynthia se trouve ensuite fort bien dans le cinéma chinois, au point de prendre un passe-port hong-kongais. Elle reste encore aujourd’hui admirative devant le style des films de Hong Kong et la qualité de leurs scènes d’action. Artiste martial de haut niveau, comme il a été dit plus haut, Cynthia Rothrock a en outre un style de combat particulièrement cinégénique : sa capacité à assurer sans doublure des scènes d’action des plus mouvementées, son coup de pied merveilleusement élastique en font une kung-futeuse autrement plus convaincante que Jean-Claude Van Damme. Plutôt mauvaise comédienne au départ, Cynthia fait des progrès et, sans atteindre des niveaux shakespeariens, pourra faire preuve à l’occasion d’un certain talent d’actrice (en tout cas, elle est souvent meilleure que ses partenaires masculins).
Mais ses rôles demeurent assez peu variés (flic de choc, en général), et les conditions des tournages chinois sont souvent éprouvantes. Cynthia Rothrock va progressivement opérer un retour vers son pays d’origine, notamment par le biais de co-productions entre Hong Kong et les USA, qui la rendent plus familière du public américain : on la voit ainsi dans «Karaté Tiger 2», où elle donne la réplique à Loren Avedon et au grand Max Thayer.
Mais son confinement au domaine du film d’action est à l’origine de la future stagnation de sa carrière. Sans être une si mauvaise actrice que cela, Cynthia restera toujours davantage une artiste martiale qui joue la comédie qu’une comédienne pratiquant les arts martiaux. Si sa filmographie hong-kongaise compte de réels bons films, son retour aux USA va insensiblement faire dériver sa carrière vers une certaine médiocrité, la série B d’action US n’ayant pas les qualités de fantaisie et de pittoresque que son homologue chinoise.
Le retour de Cynthia aux Etats-Unis se fera à cheval entre la fin des années 80 et le début des années 90 : continuant de travailler en parallèle en Asie, elle tourne en 1990 «China O’Brien», sous la direction de Robert Clouse, film qui doit assurer le vrai lancement de sa carrière américaine. Le film marche suffisamment bien pour assurer le tournage d’une suite, mais pas assez pour faire de Cynthia Rothrock une star grand public comme le fit «Bloodsport» pour Jean-Claude Van Damme. C’est le début, pour Cynthia, d’une prolifique carrière de «vedette des vidéo-clubs». Tournant jusqu’à trois, quatre films par an, elle devient l’un des visages les plus récurrents du film d’action à deux balles. «Dans les griffes du tigre», «Lady Kickboxer», «Rage and honor» et autres «Irresistible force» : Cynthia Rothrock est une affaire qui roule ! Gestionnaire plutôt avisée de son image, elle est occasionnellement sa propre productrice.
Cynthia, sexy à l'occasion.
Mais la carrière de notre amie ne passera jamais à la vitesse supérieure, demeurant toujours sur la ligne rouge qui sépare la série B de la série C, voire du Z. Cynthia tourne à la vitesse grand V, sans être trop exigeante sur la qualité de ses films. Les réalisateurs sont souvent médiocres et la «Lady Dragon» partage régulièrement l’affiche avec des musclés de seconde ou de troisième zone (Jalal Merhi, Don «The Dragon » Wilson, Jeff Wincott…) qui ne rehaussent pas le niveau général.
A force de n’être pas regardante, Cynthia se retrouve même à fricoter avec cette vieille crapule de Godfrey Ho, qui tente au début des années 90 de se reconvertir aux USA. Connaissant l’industrie du cinéma de HK, ignorait-elle pourtant la réputation du bonhomme ? Toujours est-il que leur collaboration donnera lieu à trois films, dont «Undefeatable», nanar atomique chroniqué en ces lieux.
Lassant le public à force de se commettre dans trop de bourrinnades décérébrées, Cynthia a également tendance à jouer des seconds rôles dans des série C, D, E, etc… qui utiliseront ensuite sa présence comme argument commercial principal, l’annonçant en vedette alors qu’elle n’est visible que durant la moitié du métrage (on citera parmi ces arnaques «Honor and glory», de l’ami Godfrey).
Cynthia Rothrock, Loren Avedon (à sa droite) et Godfrey Ho (deuxième en partant de la droite) sur le tournage de "Manhattan CHase".
Compromise dans trop de produits bas-de-gamme, Cynthia Rothrock est au final présente dans davantage de navets que de nanars, ses films étant souvent trop pauvres en imagination pour amuser l’amateur de cinéma déviant. Sa filmographie compte néanmoins quelques perles, qui justifieront sa présence ici. Mais force est de se rendre compte que Cynthia, sans être une grande comédienne, n’est tout simplement pas assez mauvaise pour susciter la même hilarité qu’un Van Damme. Actrice moyenne, combattante exceptionnelle, elle ne réussira jamais à sortir de l’ornière de l’action basse du front, si l’on excepte quelques rares apparitions clin d’œil dans des films de prestige.
A la toute fin des années 90, le filon de la série B kickoxeuse s’épuise un peu. Van Damme et Seagal commencent à faire n’importe quoi; Chuck Norris, confortablement reconverti à la télévision, prépare sa retraite; les stars asiatiques comme Jackie Chan et Michelle Yeoh réussissent enfin leur percée dans la série A hollywoodienne, coiffant au poteau tous les musclés de second rang. C’est dans ce contexte d’assèchement du marché que Cynthia Rothrock, la quarantaine venue, va donner un petit coup de frein à sa carrière pour se consacrer à sa vie de famille. Maman d’une petite fille, elle va se consacrer à l’éducation de cette dernière et cesser pour un temps de hanter les rayon «action » des vidéo-clubs.
Cynthia et sa fille Skye.
Damned, la relève est prête!
Revenue aux affaires, Cynthia, qui désire privilégier sa vie de famille, tourne désormais à un rythme moins soutenu, apparaissant dans des téléfilms d’action destinés aux chaînes câblées américaines, ou partageant l’affiche avec d’autres musclés de seconde zone comme Lorenzo Lamas.
Elle donne également des cours d’arts martiaux et d’auto-défense, ouvrant une école en Californie. Gérant plutôt intelligemment sa reconversion, Cynthia reste une légende pour un cercle d’aficionados. Faute d’avoir trouvé d’écrin cinématographique à sa mesure, ce joyau des arts martiaux n’aura jamais brillé sur l’écran comme il le méritait. Plus sympathique que Steven Seagal, plus crédible que Jean-Claude Van Damme, Cynthia était finalement plus à sa place dans l’action déjantée de Hong-Kong que dans les bastons trop calibrées des séries B de l’arrière-ban hollywoodien. Dommage qu’elle ait eu le mal du pays… Tant pis, Cynthia, on t’aime quand même ! N’oublie pas de nous saluer Godfrey Ho la prochaine fois que tu le verras !
Nikita
1985
Sens du devoir 2 / Superflics à Hong Kong (Yes, Madam! / Super Cops / Police Assassins / In the line of duty 2) de Corey Yuen
24 hours to midnight de Leo Fong
1986
Shanghai express (Millionaire express) de Sammo Hung
Un flic de choc (Above the law / Righting wrongs) de Corey Yuen
Magic Crystal de Wong Jing
1987
Fight to win / Eyes of the dragon
1988
Rapid fire
Jungle heat
1989
The Inspector wears skirts / Lady enforcer de Jackie Chan
Karaté Tiger 2 / La Panthère du kickboxing (No retreat no surrender 2 : Raging thunder) de Corey Yuen
Blonde Fury / Above the Law 2 / Righting wrongs 2 / Lady Reporter de Corey Yuen
1990
Le Prince du Tibet (Prince of the sun), de Wellson Chin et I-Chung Hua
China O’Brien, de Robert Clouse
La Loi des arts martiaux (Martial Law), de Steve Cohen
Free fighter, de Chia Yung Liu
1991
China O’Brien 2, de Robert Clouse
Fast Getaway, de Spiro Razatos
1992
Angel of fury / Triple Cross, de Ackil Anwary
Dans les griffes du tigre (Tiger claws) de Kelly Makin
Rage & Honor, de Terence H. Winckless
Honor & Glory (id. / Angel the Kickboxer, de Godfrey Ho
City cops, de Chia Liang-Liu
Karaté cop / Jaraté cop 2 (Martial Law 2 : Undercover), de Kurt Anderson
Lady kickboxer (Lady dragon) de David Worth
1993
Rage & Honor 2, de Guy Norris
Lady dragon 2, de David Worth
Irresistible force, de Kevin Hooks
1994
Undefeatable, de Godfrey Ho
L'ange de la violence / La tigresse sort ses griffes / L'ange gardien (Guardian angel), de Richard Munchkin
Les Kamikazes de l'arnaque (Fast Getaway 2), de Oley Sassone
1995
Yes, Madam!, de Chung Leung Chan
Portrait in red, de T. L. Lankford
1996
Au-delà des lois / Oeil pour oeil (Eye for an eye), de John Schlesinger
Sworn to justice, de Paul Maslak
Deep cover / Checkmate, de Nicholas Chelozzi
1997
Shérif fais-moi peur (The Duke of hazzard : the reunion), de Lewis Teague
L’Empreinte du tigre (Tiger claws 2), de J. Stephen Maunder
Night vision, de Gil Bettman
1998
The Hostage, de Brian Todd
1999
Tiger claws 3, de J. Stephen Maunder
2000
Manhattan chase, de Godfrey Ho
2001
Une femme traquée (Never say die / Outside the law), de Jorge Montesi
2002
Lost bullet, de Pau Martinez
2003
Redemption (id.), de Art Camacho
2004
Sci-fighter, de Art Camacho