DRÔLES DE ZEBRES
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A ceux qui veulent se rassurer en vérifiant que n’importe qui est capable de tourner un film, on conseillera de vérifier une liste des long-métrages tournés par les cinéastes les plus improbables : Jacques Martin («Na !»), Jean-Marie Bigard («L’Âme sœur »), Marguerite Duras (l’intégralité de sa filmographie) et…Guy Lux avec «Drôles de zèbres ». Autant de réalisateurs à qui leur notoriété et/ou de bonnes connexions dans le show-biz permirent de tenter leur chance.
Dans quelques années, les plus jeunes ne se souviendront peut-être plus de la gloire universelle qui fut celle de Guy Lux, à l’échelle de la télévision française. Méga-star de l’animation télé, turfiste légendaire, Guy Lux mettait ici à profit sa renommée et son sens de l’humour pour nous offrir une comédie délirante au casting exceptionnel, destinée à révolutionner la rigolade à la française ! Enfin….révolutionner, peut-être, mais pas dans le sens escompté. Car le résultat final est une espèce de bérézina du comique, une enfilade de gags tellement ratés que ça en donne le vertige. Ou plutôt, si, c’est drôle : suivant l’étrange phénomène constaté avec certains films d’exception comme «Le Führer en folie », l’inanité même de «Drôles de zèbres » finit par en constituer l’essence même de sa qualité. Aucun gag de ce film ne fonctionne au premier degré, mais l’accumulation de n’importe quoi finit par créer une sorte de vertige qui emporte le spectateur bien disposé dans une sorte de ravissement béat. C’est du beau, c’est du bon, c’est du Guy Lux.
Le film semble d’ailleurs avoir été une œuvre très personnelle, puisque les courses de chevaux – le dada de Guy Lux – y tiennent un rôle important. Les deux héros, interprétés par Patrick Préjean et Jean-Paul Tribout sont deux chômeurs calamiteux qui viennent de perdre leur chemise en misant aux courses. Ils décident de se refaire en cherchant du travail, et son embauchés par Napoléon Simfrid (Sim), empereur de la diététique, qui souhaite racheter un grand hôtel à bas prix.
Sim, le génie du mal, et son assistante Alice Sapritch.
Le super-ordinateur grâce auquel Sim met au point ses plans diaboliques.
Pour ce faire, les deux zouaves devront tout mettre en œuvre pour faire fuir les clients de l’hôtel. Mais nos héros ne tardent pas à découvrir que le directeur de l’hôtel (Jacques Legras), lui-même passionné de courses de chevaux, a mis au point une formule inédite pour booster les performances des équidés et ramasser le pactole aux courses…
La formule miracle est notamment à base de cellules de zèbre !
La logique qui sous-tend «Drôles de zèbres », c’est l’accumulation : un empilement de gags sans queues ni tête et d’apparitions de vedettes venues rendre visite à Guy Lux sur le tournage et qui en ont profité pour faire coucou à la caméra. L’équipe semble avoir estimé que, quitte à faire rire, il valait mieux faire n’importe quoi et jouer la surenchère dans l’incongruité : tout le film est rempli d’apparitions complètements dénuées de sens, de personnages qui vont et viennent dans le décor sans avoir aucune utilité.
Les amoureux de Peynet
Tiens, il y a un gaulois sur le banc ?
Les amoureux de Peynet, Charlie Chaplin, Adolf Hitler, un cardinal, un gaulois, Polichinelle….les voix de Titi et Gros Minet, un singe qui parle sans qu’aucune explication ne nous soit donnée, des chiens qui parlent anglais (idem), des gendarmes qui dansent, des serveurs de restaurant acrobates…On pourrait faire apparaître un éléphant, des martiens, Mickey Mouse, Tintin, Barbe-bleue et le manège enchanté, ça n’étonnerait pas plus que ça. Pour savoir en quoi ces apparitions sont drôles au premier degré, il faudrait invoquer l’esprit de Guy Lux pour lui en soutirer le secret, ce dont je ne me sens pas capable.
Pour résumer un scénario plus que nébuleux et désordonné, les deux héros vont décider d’aider le directeur de l’hôtel à gagner sa course plutôt que d’exécuter les plans de Sim, lequel va venir lui-même essayer de mettre la panique dans l’hôtel, tandis que l’Emir du Chokoweït, accompagné de son harem (Aïcha la reine du couscous, Naïma la reine des boulettes, etc…) est pourchassé par un terroriste arabe qui tente de le tuer à coups de cimeterre en carton, que Coluche salope les cuisines, que Michel Leeb repousse les avances d’une cliente et d’un client et que Claude François donne un concert dans la salle de spectacle de l’hôtel. Tout ça plus ou moins en même temps.
Un arabe tente de tuer l’Emir du Chokoweït…
…que voici…
…avec Zoubida, la reine du Loukoum. (et Mario David en sbire).
Je ne sais pas ce que Guy Lux fumait, mais ça devait être de la bonne. Son film nous offre à un rythme d’enfer une sorte de comique de l’absurde digne d’un Jacques Tati sous acide, mêlé à une parodie absurde rappelant vaguement l’humour des Marx Brothers et même, avant la lettre, les films des ZAZ. Les Marx sont a priori la référence la plus pertinente pour tente de définir cet objet unique, qui ressemble issu de l’esprit d’un cinéaste amateur qui aurait tenté de reproduire l’esprit des Brothers sans en avoir le quart du début du talent ni la moindre idée directrice. On y ajoutera un humour voisin de celui de Philippe Clair (période «La Brigade en folie »), mais avec moins de vulgarités.
Le tout donne un film tellement stupide qu’il laisse littéralement sans voix et agresse l’intelligence à chaque instant, sans pourtant ennuyer ni insupporter, pour peu qu’on soit bien disposé : à force d’entasser absolument n’importe quoi devant sa caméra, Guy Lux empile pêle-mêle des gags consternants et d’autres plus inventifs sur le papier, dans une sorte de tourbillon inepte. Un certain nombre de scènes semblent conçues comme des mini-sketchs, greffés sur le film et sans aucun rapport avec le récit. Dans la même logique du « on fait n’importe quoi, de toutes façons ce sera drôle », les acteurs cabotinent tous comme des psychopathes, semblant se livrer à un concours pour voir qui en rajoutera le plus.
Une des grandes forces du film est son casting, que Guy Lux semble avoir constitué en rameutant toutes ses connaissances du ban et de l’arrière-ban du show-biz.
On compte ainsi :
Alice Sapritch dans le rôle de l’âme damnée de Sim
…et Patrick Topaloff dans celui de son sbire.
Coluche dans le rôle d’un chef cuisinier qui mange tous les plats et ne laisse rien pour les clients..
Michel Leeb dans le rôle d’un laveur de carreaux…
…qui doit subir les avances de Katia Tchenko….
« Ben quoi, vous n’avez jamais vu un laveur de carreaux ?»
….et celles d’un client homosexuel joué par Max Montavon (spécialiste de ce genre de rôles).
On notera également les participations d’Annie Cordy…
…de Claude François dans son propre rôle…
L’Emir du Chokoweït, appréciant les charmes des Clodettes.
…de Raymond Bussières et Annette Poivre, couple de comiques vedettes des années 1950 (qui ne font ici strictement rien)
….et d’André Pousse (célèbre second couteau du polar français) dans le rôle d’un turfiste aux tuyaux crevés.
La vedette étant ici volée par Sim, qui se taille la part du lion en multipliant les travestissements, reprenant notamment le personnage de la Baronne de la Tronchembiais, qu’il interpréta de nombreuses fois au cabaret. Complètement déchaîné dans son rôle de méchant machiavélique grotesque tout droit sorti de «Satanas et Diabolo», Sim bouffe littéralement l’écran, se permettant au passage de jouer les Tarzan dans une scène où son personnage pète les plombs après s’être fait injecter le sérum dopant par le chimpanzé parlant.
Tiens, le gaulois est de retour ?!
L’acteur le plus sobre du film.
Le terrible trio de méchants. On tremble !
Après un enchaînement de retournements de situation pataphysiques et de poursuites échevelées dont Benny Hill aurait eu honte, l’action ô combien désordonnée du film trouve sa conclusion logique ( ?) dans une course de chevaux qui restera dans les annales du n’importe quoi et à laquelle Léon Zitrone s’efforce de donner une cohérence par un commentaire tout simplement magistral.
La confusion générale du film, qui enchaîne à une rythme frénétique des épisodes plus débiles les uns que les autres, est encore renforcée par une mise en scène tellement brouillonne qu’on a parfois du mal à comprendre ce qui se passe. Mais y-a-t-il vraiment quelque chose à comprendre ???Pas vraiment, si ce n’est que Guy Lux, sans été vraiment fait pour le métier de cinéaste, aura eu bien raison de tenter sa chance derrière la caméra : «Drôles de zèbres» est l’un des objets non identifiés les plus magnifiquement débiles de toute l’histoire du cinéma français. Idiotie assumée que celle de ce film qui révolutionne sans en avoir l’air le comique ringard français en y ajoutant une grosse louche d’absurde anglo-saxon délicieusement mal maîtrisé.
Tel Hitchcock, Guy Lux s’offre sa petite apparition surprise.
Mauvais de bout en bout, le film de Guy Lux n’en distille pas moins une folie contagieuse, et finit par emporter l’adhésion par sa pure démence : plus drôle que certains pastiches surestimés, «Drôles de zèbres » est un pur nanar comique pouvant faire au spectateur réceptif l’effet d’une décharge électrique ! Un film oublié à redécouvrir d’urgence !
On peut regretter en tout cas que le plus beau projet des 70's n'ai jamais abouti faute d'accord entre producteurs : "Les Charlots dans l'espace" scénarisé et réalisé par Guy Lux ! La rencontre de tels genies de l'humour aurait sans doute produit le film comique ultime.
DRÔLES DE ZEBRES
Année : 1977
Réalisateur : Guy Lux
Pays : France
Genre : Equitation sous psychotropes
Catégorie : Comique
Avec : Patrick Préjean, Jean-Paul Tribout, Sim, Alice Sapritch, Coluche, Patrick Topaloff, , Corinne Le Poulain, Jacques Legras, Michel Leeb, Katia Tchenko
Nikita : 3,5
Catégorie : 5 (pièce de collection)
Une seule édition VHS connue pour ce film, celle de «MPM Production », qui rebaptisait le film «Drôle de zèbre », au singulier, et mettait l’accent sur la participation de Coluche. Ooooh, les malhonnêtes ! Le film est par contre régulièrement diffusé sur les chaînes câblées, notamment «Equidia ».
Et un remerciement à ROTOR, pour m'avoir refilé ce film dont j'ignorais tout.