L’HUMANOÏDE
(L'Umanoide/ The Humanoid)
Les italiens sont tous machos et dragueurs.
Les italiens sont des voleurs.
Les italiens exercent tous la profession de mafieux.
Les italiens font rien qu’à copier sur leur voisin.
L’un au moins de ces clichés est vrai. Du moins, la quatrième de ces assertions était parfaitement vraie dans le contexte du cinéma de divertissement italien des années 70-80. «L’Humanoïde » est ainsi une aberration typique de cette période où le cinéma de genre jadis le plus vivace d’Europe bascula irrémédiablement dans le nanar. Réalisé par Aldo Lado, auteur compétent de quelques thrillers appréciés des amateurs, cette pantalonnade galactique tente avec une réjouissante incompétence de surfer sur deux modes à la fois : la vogue «Space-opéra », sur laquelle s’étaient rués comme des hyènes tous les filous du cinéma après le triomphe de «La Guerre des étoiles » ; et, plus modestement, la mode Richard Kiel.
Le gentil géant venait en effet de devenir une star en tenant le rôle de «Requin », le tueur aux dents d’acier adversaire de James Bond, dans «L’Espion qui m’aimait ». Il devait d’ailleurs reprendre son rôle dans «Moonraker », tourné à la même époque que «L’Humanoïde ». Après avoir brillamment piqué la vedette à Roger Moore, Richard Kiel ne pouvait qu’attirer l’attention des producteurs. Malgré toute l’affection qu’inspire notre ami, autant dire que son passage au rang de protagoniste est un véritable désastre, qui renforce encore le plaisir que l’amateur de nanar prendra à ce film.
Affiche turque
«L’Humanoïde », contrairement à
«Starcrash » de
Luigi Cozzi(autre space-opéra spaghetti de l’époque), se distingue par un démarquage appuyé de l’univers de Lucas. Là où Cozzi créait un univers somme toutes original, Aldo Lado multiplie les emprunts à la limite du viol de propriété intellectuelle, reprenant des plans entiers du film de George Lucas, et copiant le look de plusieurs personnages de manière éhontée. Ajoutons au passage que, malgré son absence de scrupules dans le plagiat, le film bénéficiait d’un certain budget. Au contraire, par exemple, de
«La Bataille des étoiles » d’Alfonso Brescia, «L’Humanoïde » avait pour lui des moyens relativement conséquents, des acteurs plutôt connus, un metteur en scène capable, et trois vétérans du cinéma italien dans les coulisses : Ennio Morricone à la musique,
Antonio Margheriti, alias Anthony M. Dawson, à la supervision des effets spéciaux et
Enzo G. Castellari comme réalisateur de seconde équipe. Autant d’atouts qui partent en fumée devant le ridicule du scénario, l’inconsistance des personnages, et la panade artistique générale d’une production que l’on devine aussi mal contrôlée que celle de
«Flash Gordon ».
Barbara Bach et Arthur Kennedy, les vilains pas beaux.
L’histoire vaut pourtant ce qu’elle vaut : dans un futur lointain, la planète Terre a été rebaptisée «Métropolis » (ça me dit quelque chose…). Ayant pour toujours renoncé aux conflits, ladite Métropolis vit heureuse sous le règne bienveillant d’un sage souverain, «Le Grand Frère ». Or, le frère de ce dernier (je ne sais pas si c’est le petit frère du Grand Frère ; en tout cas c’est le frère du Grand Frère !), l’affreux Lord Graal (Ivan Rassimov, vétéran du bis italien), a tenté de le détrôner. En exil, il rumine sa vengeance. Aidé de l’affreuse Lady Agatha (Barbara Bach), comtesse-vampire de l’espace qui maintient sa jeunesse grâce au sang de jeunes filles immôlées, et du Docteur Kraspin (Arthur Kennedy), savant fou radié de son ordre, Graal a ourdi un PLAN MACHIAVELIQUE pour CONQUERIR METROPOLIS et d’ici là, LA GALAXIE ENTIERE !!!! MOUHAHAHAHA ! (Qu’est-ce que j’ai à m’énerver comme ça, moi ?)
Disons simplement au passage que les premières scènes du film entament d’emblée sa crédibilité en se livrant à une véritable photocopie de «Star Wars » : plan appuyé sur un vaisseau traversant l’espace, texte défilant avec effet de perspective, et surtout, apparition sublime, un Lord Graal au costume ENTIEREMENT recopié sur celui de Dark Vador, à l’exception de vagues motifs en forme de décapsuleurs sur les côtés du casque et d’un masque qui laisse voir une partie du visage, comme dans une soirée SM ! (il ne lui manque plus que la boule dans la bouche)
Au centre de l’affiche, le terrifiant Lord Graal. (Heu, oui, enfin...)
Bref, le Docteur Kraspin a inventé une machine infernale qui pourra lui servir à transformer quiconque en un humanoïde invincible et invulnérable, dans le but de créer une armée que Lord Graal pourra lancer à l’attaque en la commandant à distance. Pour tester son invention, Kraspin choisit un brave pilote de vaisseau spatial, nommé Golob, qui se prépare à rentrer à Métropolis avec son chien-robot.
Affiche espagnole : ce visuel servit à certaines jaquettes de «La Bataille des étoiles » d’Alfonso Brescia.
C’est ici qu’entre en scène Richard Kiel, interprète de Golob : affublé d’une barbe rousse, il a du texte durant sa première scène, et fait preuve d’une présence à l’écran assez sympathique. Mais, une fois frappé par les radiations de la machine du Docteur Ecrase-pine (pardon…), Golob se transforme en terrifiant HUMANOÏDE !!! Heu…en fait, non, il se transforme en Richard Kiel, à qui on a simplement enlevé sa fausse barbe ! Devenu un soldat du mal, Golob va marcher sur la ville en cassant tout sur son passage. Le film avait déjà un pied dans la fosse du ridicule, il va maintenant y sauter à pieds joints, car Richard Kiel nous refait EXACTEMENT le même numéro que pour jouer Requin dans les James Bond, en y rajoutant simplement davantage de grimaces. Et comme on le voit presque constamment à l’écran, la vérité finit par se faire jour : notre ami ne sait absolument pas jouer, c’est désormais quelque chose d’officiel !
Il n’est cependant pas le seul protagoniste du film, car nous faisons également la connaissance des héros, qui vont s’opposer aux vils plans de Lord Graal et achever de nanardiser impitoyablement le film. Passons sur Nick, aventurier de l’espace et héros viril de service, sorte de sous-sous-sous Han Solo joué par Leonard Mann (de son vrai nom Leonardo Manzella), insipide jeune premier rescapé du western spaghetti. C’est bien simple, on le remarque à peine : Leonard Mann fait preuve d’un tel non-charisme qu’il impressionne négativement la pellicule !
Autre héroïne, une jeune et belle scientifique nommée Barbara Gibson : ancienne assistante du Docteur Kraspin, elle est à l’origine de la disgrâce de ce dernier pour pratiques douteuses. Dans le rôle de Barbara, Corinne Cléry (vive la France !), révélée par «Histoire d’O » et reléguée ensuite en Italiea ("Yor, le chasseur du futur" et autres merveilles) et, fait preuve d’une compétence de comédienne inversement proportionnelle à la rondeur de son fessier. Absolument pas dirigée, elle semble en permanence sous tranquillisants.
Barbara s’occupe d’un mystérieux orphelin asiatique, étrangement savant, et affublé du surnom hilarant de «Tom-Tom». J’avais gardé ce dernier pour la bonne bouche car il constitue l’un des principaux moteurs nanars du film. Joué par le petit Marco Yeh, hideux petit gnome italo-asiatique dont ce fut heureusement le seul rôle à l’écran, Tom-Tom est l’une des plus horripilantes têtes à claques qu’il m’ait jamais été donné de détester au cinéma. On me chuchote que le gamin de
«Gamera et les 3 Super Women» serait encore pire dans ce registre ; je demande à voir. Evidemment, je ne vous révèlerai pas que cette petite ordure est en fait une sorte de Little Buddha de l’espace et que ses pouvoirs surnaturels contribueront à vaincre le mal, en rendant notamment à Golob la conscience de son humanité, ce qui amènera le géant à se retourner contre les méchants. Ce serait vraiment salaud, d’autant qu’on le devine au bout d’une dizaine de minutes.
Leonard Mann, le pizzaiolo du cosmos, et cette crevure de Tom-Tom.
Malgré quelques baisses de rythme au début, «L’Humanoïde » est un nanar d’une excellente cuvée, qui mérite, autant que «Starcrash », d’être redécouvert. Moins candide et sympathique que le film de Luigi Cozzi, le film de Lado le bat sur le terrain du ridicule. Pour l’avoir vu dans une salle pleine et entendu les rires gras qui ponctuaient chaque apparition de Lord Graal et chaque mimique simiesque de Richard Kiel, j’ai pu tester en direct la puissance comique de la chose.
Le film se distingue par un scénario très simpliste, visiblement destiné à un jeune public assez peu mature, mais confond naïveté et niaiserie. Je passe sur le chien-robot de Golob, mélange insane de Milou et de R2D2. Les méchants croulent sous le ridicule : outre Lord Graal, le Vador de chez Prisu, on notera le peu de crédibilité des deux autres grands méchants. Dans le rôle de Lady Agatha, Barbara Bach fait le minimum syndical. Par contre, l'interprète du Docteur Kraspin, Arthur Kennedy (honorable acteur hollywoodien, qui donna la réplique aux plus grandes vedettes avant d’échouer en Italie) cabotine comme s’il postulait à une apparition dans un Blake Edwards.
Les représentants des forces du mal semblent s’appliquer à illustrer le cliché du méchant qui agit le plus stupidement possible de manière à favoriser sa propre défaite. Vous avez à l’esprit l’image du méchant qui explique son plan au héros au lieu de le tuer ? Hé bien ici, c’est tout le temps comme ça, mais en pire. Les troupes d’élite de Lord Graal donnent l’exemple en constituant la plus belle bande de losers jamais vus à l’écran. Rarement vit-on des figurants aussi désordonnés et aussi pressés d’aller se faire étendre par le héros! Avec une telle troupe de minables, Lord Graal n'est pas près de devenir maître de la galaxie. Il ne pourrait même pas conquérir Ploumizolin-sur-Orge !
Malgré la belle équipe de professionnels du cinéma présents au générique, tout le monde semble avoir baissé les bras devant le ridicule de la chose. Enzo G. Castellari, responsable des scènes d’action (on reconnaît quelques ralentis, sa marque de fabrique), semble être allé roupiller dans un coin du studio en attendant que ça se passe. Anthony Dawson n’a sans doute été présent que par intermittence pour superviser les effets spéciaux : certains sont relativement réussis, d’autres (transparences barbouillées au crayon, incrustations de vaisseaux spatiaux à hurler de rire) auraient semblé un peu vieillots en 1950.
Mais la plus grosse déconfiture artistique est encore la musique d’Ennio Morricone, qui livre ici ce qui doit être la plus belle ratatouille de sa carrière. Amorphe, discordante, la B.O. de «L’Humanoïde » conviendrait mieux à une émission de plateau ou de télé-achat qu’à un space-opéra. Le maestro a dû encaisser son chèque et faire composer le bouzin par un stagiaire. Ou bien, il avait oublié le boulot à faire, s’en est souvenu la veille du tournage, et a mélangé au hasard des bouts de partitions inachevées. Deux explications qui sauveraient au moins l’honneur…
A noter une curiosité du casting : deux des actrices principales partagent par ailleurs l'affiche avec Richard Kiel dans ses deux James Bond. Barbara Bach était l'héroïne de "L'Espion qui m'aimait" et Corinne Cléry tenait un petit rôle dans "Moonraker".
Perle inestimable du nanar kitsch italien, «L’Humanoïde » est une véritable friandise. Destiné à un jeune public (malgré les gros plans qu’Aldo Lado n’a pu s’empêcher de faire sur les formes de Corinne Cléry), sa naïveté un peu sucrée ne fait pas oublier une profonde bêtise qui en fait un spectacle à ne pas rater ! Et vive Tom-Tom !
Addendum
L'éminent nanardeur Dryke réclame l'insertion de ces quelques lignes :
N'oublions pas la scène HOT du film.
Imaginez la hutte de Corinne Clery cernée par les soldats de Lord Graal. La peur au ventre, elle court dans la demeure, qui vue d'exterieure ne paraissait pas si grande, elle fuit, elle court et PLAF!, en traversant une piéce vide de tout mobilier elle tombe dans une baignoire creusée là au milieu de la pièce...
Elle ressort trempée, les vêtements lui collant à la peau, dévoilant chacun de ses reliefs; une sensualité et un érotisme torride s'installent fugitivement.... Toujours poursuivie par les hommes de main de Lord "Bondage" Graal (ah, ce masque...) elle se remet à courir. Sa robe trempée épouse harmonieusement ses contours, dans un délicat effet de transparence.
Magnifique image de sensualité, en effet! Et pas du tout déplacée dans le récit... Aldo Lado, déprimé par le tournage de son nanar S-F pour jeune public, a-t-il voulu se lâcher? En tout cas, gloire à Corinne Cléry et à son fessier intergalactique, et vive la S-F érotomane!
L’HUMANOÏDE
Réalisation : Aldo Lado (sous le pseudo de George B. Lewis)
Année : 1979
Genre : On croyait faire un sous-Star Wars, on a fait un sous-Starcrash!
Catégorie : S-F fauchée
Avec : Richard Kiel, Leonardo Manzella (alias Leonard Mann), Corinne Cléry, Marco Yeh, Ivan Rassimov, Barbara Bach, Arthur Kennedy, Massimo Serato
Nikita : 4
Icono :
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