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Le Poing Vengeur de Bruce a.k.a. La Vengeance du Dragon a.k.a. La Vengeance du Ninja (Bruce's Fist of Vengeance) :
Philippines. 1984. 80 mn. De Bill James, avec Bruce Le, Jack Lee, Romano Kristoff, Ken Watanabe, Don Gordon, James Gaine…
Le genre : doubleurs cherchent 1ère expérience (catégorie : pur et dur)
Avant d’évoquer le contenu de ce film, un petit éclairage s’impose concernant ses différentes éditions en vidéo :
--> On le trouve sous le titre
La Vengeance du Ninja chez l’éditeur Atlantic Home Video, avec une illustration au dos de la jaquette, un résumé et une fiche technique sommaires mais qui correspondent bien au film qui nous intéresse.
--> On le trouve sous le titre
La Vengeance du Dragon chez l’éditeur Initial (collection Full Contact), avec des illustrations, un résumé et une fiche qui ne correspondent pas, le film étant crédité « Bruce Li ».
A noter pour les acheteurs éventuels que la pellicule présente les mêmes détériorations dans ces deux versions, qui ont donc vraisemblablement pour origine la même matrice cradingue. Ce film ayant par ailleurs bénéficié d’une petite exploitation en salles chez nous sous le titre
Le Poing Vengeur de Bruce (traduction fidèle de son titre international
Bruce's Fist of Vengeance), c’est sous ce nom que nous le désignerons ici.
Séquence d’intro : Bruce Le exhibe sa plastique nerveuse sur une excellente zique de Totoy Nuke (arf, paye ton nom). Le reste de la BO se permet quelques emprunts directs, du côté de James Bond notamment (Les Diamants Sont Eternels).
Ceci étant dit, parlons maintenant de la bête : tourné à Manille par un certain Bill James (pseudo !?),
Le Poing Vengeur de Bruce réunit du beau monde. Le fringuant Romano Kristoff tout d’abord – grand habitué des productions locales – dans le rôle du méchant Miguel, mais également pas moins de deux clones de Bruce Lee : Jack Lee et surtout Bruce Le qui, bien que seulement crédité en tant que « fight director », demeure le véritable héros du film,
Le Poing Vengeur de Bruce s’inscrivant sans complexe dans cette lignée des « sous Bruce Lee », dont il est l’un des derniers rejetons.
Bruce Le n’hésite pas à citer sa seule et unique référence
Bruce Le & Jack Lee. Le premier a le bon prénom, le second le bon nom de famille mais côté charisme c’est encore un peu juste d’un côté comme de l’autre.
L’histoire présente ainsi les habituelles références fallacieuses au petit dragon : Peter (Bruce Le), maître d’une école de kung fu à Manille, reçoit un coup de fil de Hong Kong de la part de son vieil ami Jack Lee (dans son propre rôle), qui lui annonce son intention de venir participer à un tournoi local. En fait, Jack Lee n’est ni plus ni moins que le frère de Bruce Lee qui, à sa mort, lui a légué son précieux livre de techniques secrètes. Un ouvrage que convoite avidement le fourbe Miguel (Romano Kristoff alias Ron Kristoff), lui aussi maître dans l’art de tatanner la gueule à autrui en hurlant…
Séquence nostalgie : lors de la scène où Jack Lee consulte le livre de techniques secrètes de son défunt « frère » Bruce, le spectateur a droit à une succession de photos du petit dragon façon économiseur d’écran (c’est-à-dire en longs plans fixes) sur fond de musique d’Opération Dragon !
Le figurant le plus drôle du film…
Composante nanar n°1 : les doublages. On en parle souvent mais là, la barre est placée particulièrement bas : aucun souci de coordination (laissons ça aux professionnels, voyons), intonation zéro – ce doublage là est à la musicalité de la langue ce que le rap est à la mélodie – blancs en milieu de phrases, hésitations, accentuations aléatoires de « e » muets (ainsi on découvre un peu perplexe que la capitale des Philippines n’est plus « Manille » mais « Manilleuh »)… c’est un véritable festival. Il faudrait interroger des gens du milieu un jour, je ne serais guère étonné d’apprendre qu’à l’époque l’usage était de refiler les films de kung-fu aux petits nouveaux pour qu’ils puissent se faire la main. A ce titre, l’
extrait vidéo disponible sur le site depuis déjà un moment illustre parfaitement l’étendue du carnage.
Des acteurs d’exception relayés par des doubleurs pleins d’avenir… Bouleversant !
Provoqué par un élève de Bruce Le un peu trop fanfaron, Jack Lee lui donne une bonne leçon : il baisse agilement le pantalon de son adversaire dont l’arrière-train est immédiatement percuté par un sac de sable. C’est l’hilarité générale dans la salle d’entraînement, Bruce Le applaudit à tout rompre. Il s’agit probablement d’une des précieuses techniques secrètes contenues dans le livre de Bruce Lee.
Composante nanar n°2 : la réalisation – dont j’anticipais certes l’académisme tout juste fonctionnel mais pas le degré d’amateurisme – et, globalement, tout l’aspect « technique » du film : cadrage approximatif, raccords je-m’en-foutistes, montage à l’aveuglette, éclairage fluctuant, emploi du zoom intempestif et au final parfaitement ridicule… une litanie de fautes de débutant qui rapproche plus
Le Poing Vengeur de Bruce de la vidéo pédagogique pour apprentis cinéastes que du 7ème Art.
Grosse exclue Nanarland : l’analyse des secrets de réalisation de Bill James ! Ici c’est un splendide zoom, marque du génie du cinéaste, qui est décomposé en quatre plans pour bien décortiquer le mouvement.
Là c’est une dramatique prise de menton filmée sous pas moins de trois angles différents – avant d’être ponctuée par un zoom, cela va de soi – pour permettre au spectateur de mieux appréhender l’action. Les producteurs auraient paraît-il émis quelques réserves concernant cette scène, craignant qu’un traitement aussi résolument moderne du récit ne déroute quelque peu le public mais Bill James, en authentique artiste, a tenu bon et su imposer sa vision de l’œuvre, obtenant un director’s cut gage d’intégrité.
Là encore, l’extrait vidéo illustre bien cet aspect du film : subtile ouverture de la séquence sur un bon gros plan (un joli nunchaku rouge, mais ça pourrait tout aussi bien être un pigeon sur le rebord de la fenêtre ou une tâche de vin sur la moquette) --> zoom arrière --> déroulement de la séquence --> zoom avant et gros plan de clôture (sur les petits yeux plissés de Romano Kristoff en l’occurrence, effet dramatique garanti). C’est bon coco, c’est dans la boîte.
Parallèle tragique : alors que son ami Jack Lee est séquestré par le vil Miguel dans une posture peu confortable, Bruce Le, insouciant, se détend avec sa petite amie en regardant des combats de coq. Les plus grands dramaturges peuvent aller se rhabiller !
Bien qu’on ne s’ennuie jamais vraiment, à la fois grâce aux défauts évoqués plus haut et aux combats assez honnêtement réglés, le rythme du film demeure néanmoins très… philippin (on navigue péniblement entre la chambre d’hôtel de Jack Lee, le hall dudit hôtel, la salle d’entraînement de Peter / Bruce Le et la baraque de Miguel / Ron Kristoff via des allers-retours incessants des uns et des autres entre ces quatre lieux stratégiques qui rendent bien compte de la maigreur de l’intrigue), quelques touches d’humour elles aussi garanties
appellation d’origine contrôlée venant ça et là saupoudrer l’ensemble jusqu’au combat final opposant Romano Kristoff à Bruce Le.
Miguel a assassiné son meilleur ami, tué tous ses élèves et kidnappé sa fiancée. Se retrouvant seul et au chômage technique, Bruce tient désormais un solide alibi pour parodier son modèle et pousser des hurlements suraigus en sautillant d’un pied sur l’autre.
GRAND FESTIVAL BRUCE LE !!!!!!
Un affrontement au cours duquel monsieur Le nous sort son grand numéro d’hystérie martiale directement inspiré par qui vous savez. Poussés dans un registre très précis (entre le chat écartelé et le bébé torturé au fer rouge, je dirais), ses hurlements sont, à l’instar des doublages et autres bruitages de coups de latte, visiblement placés sans grand souci de coordination avec les images qui les accompagnent… à moins que Bruce Le soit un merveilleux ventriloque !
Affrontement final entre Bruce Le et Romano Kristoff
Romano nous fait une démonstration de nunchaku mais Bruce, moyennement impressionné, le nargue en se frottant le nez comme qui vous savez.
Pas de tromperie sur la marchandise :
Le Poing Vengeur de Bruce est un bon petit film de kung fu période Bruceploitation. De quoi passer un moment agréable, ni plus ni moins.
Ha!Ha! Quand même, ce coup du pantalon baissé…
John Nada 2,75/5