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ROMANO KRISTOFF (Alias RON KRISTOFF)
Si l’histoire du cinéma en général s’apparente à un travail de bénédictin, celle du nanar recèle en particulier d’effrayants casse-têtes, à mesure que les objets d’étude sont obscurs. Le cinéma de genre est en effet rempli de figures retournées à une parfaite obscurité après leur quart d’heure de célébrité. Mais rares sont les personnages aussi méconnus que Romano Kristoff (alias Ron Kristoff, ou Rom Kristoff, en fonction des génériques), vedette du cinéma de série B philippin dans les années 80.
Un nombre appréciable de séries B et Z mettant en vedette ce beau ténébreux, sorti de nulle part, envahirent alors le marché de la vidéo ringarde et encombrèrent les programmes des chaînes de télé nécessiteuses (En France, on vit ainsi Romano Kristoff en prime time sur la 5…) Puis, le néant. Romano semblait avoir disparu avec l’industrie du nanar philippin destiné à l’exportation. Intrigué par le peu de notoriété d’un acteur pourtant hyper-présent dans un certain cinéma des années 80, j’ai voulu en savoir plus et reconstituer sa trajectoire. Autant avouer tout de suite que je n’ai qu’imparfaitement réussi dans ma tâche, le parcours de Romano Kristoff conservant encore de très grandes zones d’ombres que lui seul, sans doute, pourrait éclaircir. J’aurai cependant tenté de dissiper l’obscurité entourant l’un des héros les moins mauvais du cinéma d'action de série Z.
Romano Kristoff est parfois pris pour un acteur américain égaré dans le cinéma philippin, à l’image de certains de ces occidentaux que l’on voyait jouer les baroudeurs dans bon nombre de films produits dans l’archipel (Bruce Baron, Max Thayer, Richard Harrison…) Il ressort au contraire des quelques informations sur le personnage que Romano est un ressortissant espagnol. Installé aux Philippines depuis au moins la fin des années 70, notre ami est un polyglotte distingué, parlant couramment le tagalog (idiome philippin), l’anglais et l’italien. Il est également doué en arts martiaux, et l’a prouvé dans plusieurs films. Les causes de son expatriation aux Philippines sont inconnues ; l’homme semble d’ailleurs être un personnage discret et réservé, conservant certaines zones d’ombre, même auprès de ses amis. Selon certaines informations, il aurait fait partie de la Légion Etrangère, ce qui laisse supposer une vie quelque peu aventureuse et expliquerait son installation aux antipodes.
«Romano est un mec super sympa », se souvient Sebastian Harrison, le fils de Richard Harrison, «Mais je l’ai toujours perçu comme quelqu’un d’assez mystérieux, bien que ma famille l’ait bien connu quand il est venu en Italie. Je me suis toujours demandé ce qu’il faisait aux Philippines, à tourner des films où il était payé des clopinettes. J’ai supposé qu’il avait fui quelque chose de lié à son passé, ou bien qu’il était tout simplement accro au mode de vie des Philippines, notamment en ce qui concerne les contacts avec les filles locales. En tout cas, on avait vraiment l’impression que quelqu’un comme lui perdait son temps à vivre là-bas.»
Romano Kristoff commence à apparaître à l’écran, dans de tout petits rôles, au début des années 80. Mais peut-être a-t-il tâté de la figuration auparavant. La vogue des films se déroulant au Viet-Nam, dont la plupart sont tournés aux Philippines, cause alors un fort besoin en visages occidentaux, disponibles sur place. On aperçoit très brièvement Romano dans un rôle de pilote d’hélicoptère dans
«Héros d’apocalypse » (ou "Les Héros de l'apocalypse") d'Antonio Margheriti alias Anthony M. Dawson. Il retrouvera ce metteur en scène pour «Ultime combat».
Une demi-seconde de présence à l'écran dans "Héros d'apocalypse"...
Au cours des années 80, Romano Kristoff commence à s’affirmer comme acteur occidental de service dans des films produits aux Philippines. Il s’illustre dans un rôle de grand méchant, qui contribue largement à sa notoriété, dans le fameux «Le Poing vengeur de Bruce » alias «La Revanche du ninja ». En karatéka ténébreux prêt à toutes les ignominies pour trouver le livre détaillant les techniques secrètes de Bruce Lee, Romano se déchaîne littéralement avant de se faire étendre par l’éternel imitateur Bruce Le.
Romano Kristoff contre Bruce Le !
Mais Romano Kristoff ne jouera pas longtemps le méchant blanc de service dans des productions asiatiques : il ne va pas tarder à trouver son véritable emploi, celui de héros sans peur ni reproche. On le voit apparaître dans nombre de films tournés aux Philippines en direction du marché occidental. Réalisés pour un coût minime avec les comédiens blancs présents sur place et quelques vedettes invitées, ces «faux films américains » sont achetés, distribués (et parfois co-produits) par divers producteurs américains spécialisés dans la série B, qui inonderont ensuite les bacs des solderies vidéo. Plutôt mauvais comédien dans ses premiers films, Romano Kristoff va faire des progrès et se montrera rapidement un acteur assez convaincant, malgré sa tendance à abuser de son jeu de sourcils.
Selon Sebastian Harrison, « Il se mélangeait peu avec les autres occidentaux expatriés aux Philippines, ce qui est compréhensible vu le niveau de la plupart de ces gens. Au contraire de la plupart [des comédiens occidentaux aux Philippines], il avait une formation d’acteur et il se passionnait vraiment pour ce qu’il faisait.» John Dulaney, américain globe-trotter et acteur occasionnel («Robowar »), se souvient quant à lui d’un Romano «bon artiste martial, très sûr de lui, avec un tempérament parfois explosif ». Tournant dans des imitations cheap de «Retour vers l’enfer » et «Portés disparus », notre ami ne va pas tarder à se faire remarquer et tiendra des rôles de plus en plus importants, jusqu’à devenir vedette à part entière. Il s’implique dans le scénario des films et co-réalise même avec Teddy Page (le réalisateur de «Laser Force »), l’assez indigent «Ninja Mission ».
C’est sur le plateau de l’un de ces films que Romano Kristoff fait la connaissance de Richard Harrison, que de vicissitudes de carrière ont conduit à tourner aux Philippines. Les deux hommes deviennent amis et Harrison invite ensuite Romano à venir travailler à Rome pour les besoins de
« Chasse à l’homme » («Three men on fire »),un thriller d’espionnage qu’il réalise et co-produit avec le camerounais Alphonse Beni. Romano Kristoff joue le méchant de service et se montre fort convaincant dans cet emploi.
Très impliqué dans le projet, il co-signe également le scénario avec Richard Harrison. Ce dernier encourage Romano Kristoff à se montrer plus ambitieux et sortir du cinéma philippin, en tournant en Europe et aux Etats-Unis. «Il a tenté de travailler en Italie », se souvient Sebastian Harrison, «mais selon moi, il n’a pas poussé assez loin ses efforts. » Romano jouera néanmoins dans deux films de Ferdinando Baldi, où il partage la vedette avec Mark Gregory : «Soldat maudit » et «Missione Finale », mystérieuse et improbable co-production italo-nord-coréenne !
Mais le cinéma bis italien est à l’agonie et Romano semble avoir eu le mal du pays : il ne tardera pas à retourner aux Philippines. «J’ai tenté de persuader Romano de quitter Manille, car il a un physique et du talent », nous a confié Richard Harrison, «mais il la vie qu’il menait là-bas semblait être à son goût.»
Revenu aux Philippines, Romano Kristoff est alors au faîte (très relatif) de sa carrière. Il joue les baroudeurs au Vietnam dans «Slash le découpeur », les aventuriers de la jungle dans «Sando and the diplomat’s daughter » et extermine les trafiquants de coke dans «Tough cops ». L'homme est un acteur courageux et très physique, qui n'hésite pas à payer de sa personne. Dans une scène, tournée au Cameroun, de "Three men on fire", il doit par exemple courir à travers un marché public, une arme à la main. "Il était filmé de loin, et les passants qui le voyaient courir avec son flingue ne savaient pas qu'on tournait un film. Du coup, ils lui jetaient des objets sur son passage. Il aurait pu prendre un mauvais coup!" (Sebastian Harrison).
Mais le caractère fondamentalement limité de ce cinéma le cantonne au quart-monde du divertissement : sous-Sylvester Stallone dans «Slash», sous-Michael Dudikoff dans «Ninja mission », Romano ne passera jamais à la vitesse supérieure.
Au tournant des années 80 et 90, les Philippines cessent progressivement de produire des films destinés au marché occidental, l’évolution des goûts du public aidant. Romano Kristoff disparaît corps et bien avec ce cinéma cheap et choc, sa filmographie s’interrompant à peu près au même moment que celle des Mike Monty et autres Jim Gaines.
Romano n’en a pas pour autant totalement renoncé au métier d’acteur : on le retrouve ainsi en 2000, après neuf ans d’absence, dans le médiocre «Doomsdayer », tourné aux Philippines avec l’androïde siliconé Brigitte Nielsen. Mais il s’est éloigné du cinéma et se serait, selon Mike Monty, reconverti dans la gestion d’un restaurant-night club à Manille.
Etoile filante des bas-fonds du septième art, Romano Kristoff aura contribué à donner un visage identifiable à la série Z philippine, dont il fut sans doute la vedette la plus valable. S’il méritait mieux, son destin étrange contribuera néanmoins à alimenter l’intérêt un cinéma obscur, exotique et à jamais disparu.
Nikita.
Remerciements : Sebastian Harrison, Richard Harrison, John Dulaney, Mike Monty.
Icono :
www.vhs-survivors.com www.cineexcel.com Contributions : John Nada, MrKlaus, Le Rôdeur.
Filmographie :
1980 – Héros d’apocalypse / Les Héros de l'apocalypse (L’Ultimo cacciatore / The Last Hunter)
198 ?? – Opération Cambodge
1983 – Ultime combat (Tornado)
1984 – Le Poing vengeur de Bruce / La Vengeance du ninja (Bruce’s fists of vengeance)
1985 – Opération commando (Warbus)
1985 – Ultime mission (Intrusion Cambodia)
1985 – Ninja warriors
1985 – Ninja mission (Ninja’s force/ Bushido’s force)
1985 – Black fire
1986 – Chasse à l’homme (Three men on fire)
1986 – Double edge
1987 – Ranger (Jungle rats)
1987 – Slash le découpeur (Slash)
1988 – Tough cops
1988 – Soldat maudit (Soldato maledetto / Just a damned soldier)
1988 – Sando and the diplomat’s daughter
1988 – Missione finale / Ten Zan – Ultimate mission
1990 – Crime stopper
1991 – Angel in the dark
2000 - Doomsdayer, l'apocalypse (Doomsdayer)