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CADENCE DE COMBAT
(No Holds barred)
Les spectateurs du Canal + des années 1980 se souviennent sans doute de l’émission “Les Superstars du catch”, qui fit découvrir au public français les vedettes de la lutte américaine au zénith de leurs exhibitions ultra-bourrines. Le Guerrier ultime et le Honky Tonk man baladaient sur nos écrans leurs tenues bariolées et leurs numéros de cirque dans des chorégraphies de combats aussi spectaculaires que bidonnées. Le plus connu de tous était certainement Hulk Hogan, star du catch américain, promu au rang de vedette grâce à son apparition dans «Rocky III ».
Grâce à son physique de viking, son talent de cabotin du ring et son personnage bien rodé de gentille brute, Hulk Hogan, de son vrai nom Terry Bollea, est l’homme qui permit au catch américain de devenir un divertissement de premier plan. Le cinéma, habitué à propulser devant les projecteurs n’importe quelle célébrité (la Princesse Soraya se retrouva ainsi comédienne) ne pouvait pas manquer d’exploiter son potentiel. Le résultat, «No holds barred », devait être à la fois le lancement de Hulk Hogan comme acteur (Mr T. avait bien réussi) et le film-locomotive de la mode du catch. A l’arrivée, ce fut un désastre commercial et surtout artistique, qui n’intéressera que les amateurs d’accidents industriels : c’est dire s’il a sa place sur Nanarland !
Un film vraiment réussi peut se deviner dès les premières minutes : en l’occurrence, la première image de «Cadence de combat » donne le ton, avec une réplique qui fera date.
OUAAAAAAAAAAAAAAAAAAARRRRRRRRRGHH ! Hulk Hogan, en gros plan, hurle sa joie en projetant au ralenti des filets de bave dans tous les sens. Il se dirige ensuite vers le ring sous les applaudissements de la foule en hurlant «Ca va saigner ! ». Oui, car Hulk Hogan joue un catcheur, grande gueule mais gentil, et star absolue des médias. Un vrai rôle de composition, quoi ! Notre héros se nomme Rip (il ne semble pas avoir de nom de famille) : malgré ses airs de brute bornée, il a un cœur gros comme ça et un jeune frère qu’il adore, et dont la seule présence dans le public le motive pour gagner les matchs (qui ne sont bien sûr jamais truqués : pas de ça dans le vrai catch ricain !!).
Rip est sous contrat avec une chaîne de télévision, qui retransmet tous ses matchs et crève l’audimat grâce à lui. Cela n’est pas du goût d’un certain Brell, PDG d’une chaîne concurrente et requin sans scrupules, que plus méchant que lui, tu es PDG de TF1 (un truc qui n’existe pas dans la réalité, c’est pas possible) ! Ledit Brell (tout le monde, dans la VF, prononce son nom « brèle » mais je n’ose y voir malice) tente de débaucher Rip en lui proposant un pont d’or. Mais Rip, auquel son vieil entraîneur noir (quota ethnique) a appris le sens du mot fidélité, envoie paître le vil malandrin. L’appât du gain, le merchandising, le spectacle pour le spectacle, ce n’est pas pour Hulk Hogan, car le catch est un art noble !
Quoi ? Qui ose dire que je joue mal ???
Furieux, l’infâme Brèle (je ne l’écrirai plus que comme ça) décide de battre Rip à son propre jeu en proposant sur sa chaîne de télé un spectacle brutal et sans merci, appelant aux bas instinct de la foule, à la différence du catch qui, lui, élève l’esprit du public ! Brèle et ses deux assistants se rendent au spectacle d’un match clandestin sans aucune règle, dans l’arrière-salle d’un bar poisseux. Conclusion du méchant PDG devant les empoignades d’une bande de soulards des cavernes : VOILA ce que veulent voir les spectateurs ! Des combats BESTIAUX, IGNOBLES, d’une BASSESSE INOUÏE ! Grâce à sa trouvaille, Brèle commence de percer dans l’audimat. Et sans doute plus encore, car voici que surgit la vedette idéale de son émission de catch mutant : un nommé Zeus, un énorme noir reconnaissable au «Z » sur son crâne chauve, méchant comme Dolph Lundgren dans «Rocky IV » et qui roule des yeux comme un figurant de «White Fire ». Un vrai fou, quoi, il semble sorti d’un mauvais clip de gangsta rap ! Entre le bon Rip d’une part, la brute Zeus et le truand Brèle d’autre part, l’affrontement est inévitable…
Arrêtons les frais, le scénario de «Cadence de combat / No Holds barred » est à peu près du niveau d’un mauvais épisode de dessin animé. Totalement simpliste et manichéen, le film semble s’adresser à des enfants de huit ans pas particulièrement éveillés. A ceci près qu’il inclut des gags et des dialogues extrêmement vulgaires qui feraient plutôt penser qu’il vise un panel d’adultes et adolescents amateurs de bibine et de blagues tendance fête du slip. Les personnages sont réduits à des clichés beuglards, et ne peuvent pas passer une minute sans hurler ou sortir des insanités. La palme absolue revient à Zeus, interprété par le colosse Tom «Tiny» Lister Jr comme un cocaïnomane halluciné, bourré de produits dopants pour chevaux de course. Le manichéisme n’épargne pas les personnages féminins : Brèle envoie ainsi une espionne (la belle brune Joan Severance) pour séduire et surveiller Rip. Conquise par la bonté d’âme de ce dernier, elle va finalement «devenir gentille » et Rip lui pardonnera aussitôt, en lui faisant toute confiance, comme dans un comic-book de dernière catégorie !
Joan Severance tente de s'échapper du plateau de tournage
Le film abonde en situations totalement grotesques, Rip se comportant comme une espèce de super-héros à la
Santo. On le voit ainsi interrompre un hold-up dans un restaurant en affrontant à main nues deux gangsters armés, qu’il va mettre en fuite en les bombardant d’assiettes. Une autre scène, au potentiel hautement comique, le voit affronter les sbires de Brèle : ayant estourbi toute la bande, il saisit le dernier en poussant des grognements de rottweiler en chaleur, et le méchant se fait littéralement dessus de peur.
Le dialogue, de mémoire :
Hulk Hogan : “GRRRRR ! GRRROUMMPF! GROUAAARRGH! Mpfff…. Mais…Qu’est-ce qui pue comme ça ???”
Le sbire : «Ha…Gheu…Le…le caca !! »
Hulk Hogan : «GRRRRRRRR !!!! Le....CACAAAAAA??!!?”
Oscillant sans cesse entre bouffonade vulgaire et spectacle de catch pour mômes précocement bourrés à la bière, «Cadence de combat » connaît son ultime échec dans sa tentative de faire de Hulk Hogan un vrai comédien. Car, comment le dire avec tact…notre catcheur hyperboréen joue réellement comme un pied. Dès qu’il s’agit de quitter son personnage de brute braillarde qu’il interprétait habituellement sur le ring, le sympathique Hulk Hogan n’existe plus : il nous livre un festival de regards de chien battu, se montrant aussi expressif qu’une vieille serpillière. En comparaison, Richard Harrison dans «Ultime mission » paraîtrait presque crédible et motivé ! Le contraste est d’autant plus cruel avec l’autre brute du casting, car Tiny Lister, pour ridicule et cabotin qu’il soit dans ce film, est tout de même un comédien professionnel, capable d’assumer des expressions à l’écran. Hulk Hogan, lui, ne ressemble plus à rien dès que l’image le montre en train de faire autre chose qu’estourbir un adversaire sur le ring. Sa scène de drague avec Joan Severance mérite de figurer dans les annales du mauvais jeu d’acteur !
Un doute m’étreint : se pourrait-il que je ne sois pas fait pour être acteur ?
Pardon, mon Dieu, j’aurais dû prendre des cours de comédie !!
«Cadence de combat » atteint son point d’orgue quand Zeus, face au refus de Rip de l’affronter, s’en prend au jeune frère de ce dernier et l’envoie à l’hôpital. Que va faire Rip, alors que son frangin, gravement blessé, risque de finir sa vie sur une chaise roulante ? Décrocher son téléphone, appeler la police et porter plainte contre Zeus ? Vous avez oublié que nous sommes dans un nanar de catch ! Rip va évidemment accepter le challenge de Zeus et l’affronter en direct, dans l’émission de Brèle, dans le but de confondre les deux ignobles. Evidemment, Brèle ne respecte pas les règles (du jamais vu dans le catch !) et kidnappe les amis de Rip, menaçant de les tuer si notre héros ne se couche pas lors du match. Rip va-t-il céder à l’odieux chantage et se laisser battre par Zeus ? Comme je suis méchant, je ne vais évidemment pas me priver de vous révéler que Rip va botter le cul des vilains et rendre la justice, restituant au monde du catch sa pureté originelle, dans un final constituant un véritable feu d’artifice de connerie !
D’une bêtise épaisse et grasse comme une tranche de lard de baleine, «Cadence de combat » est une authentique aberration issue d’un briefing de producteurs aussi idiots que sans scrupules, qui nous prouvent une fois de plus que ce n’est pas avec une mode barbouillée à la va-vite sur un écran que l’on fait de bons films. Si vous aimez voir l’affrontement de montagnes de barbaques en sueur, vêtues de slips multicolores, ce film est pour vous ! Mais si vous aimez également les nanars sportifs, les acteurs en roue libre, les dialogues stupides et le hard-rock FM, votre bonheur ne connaîtra plus de limites ! Quant à Hulk Hogan, ce film devait marquer le véritable début d’une carrière d’acteur génialement nulle, qui le virent passer d’un caméo pas drôle dans «Gremlins 2 » à la série télé magnifiquement pourrave «Caraïbes Offshore », sorte de croisement entre «GI Joe » et «Alerte à Malibu ». Un vrai roi de la daube! A noter cependant que Hulk Hogan ne fut pas dans la vie aussi incorruptible que son personnage, puisqu'il quitta le service la World Wrestling Federation pour une fédération concurrente. De quoi désespérer des héros nanars...
CADENCE DE COMBAT
Réalisation : Thomas J. Wright
Année : 1989
Pays : USA
Genre : Quartiers de boeuf en furie
Catégorie : Sportif
Avec : Hulk Hogan, Joan Severance, Kurt Fuller, Tom «Tiny » Lister Jr, Mark Pellegrino
Nikita : 2,25
Icono :
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