NIGHT TRAIN TO TERROR : TRAIN EXPRESS POUR L’ENFER
Séance chez le psychanalyste.
- Entrez jeune homme, installez-vous….
- Bonjour, Docteur Glützenbaum. Hé bien, voyez-vous, je dois vous faire un aveu. Je…j’aime les nanars ! Je ne peux pas m’empêcher de regarder des films pourris en espérant chaque fois trouver pire ! *fond en larmes*
- Ha-ha, voilà qui est original. Et selon vous, d’où vous vient cet étrange masochisme ?
- Hé bien…Ce fut dans la profonde horreur d’une nuit d’été. J’étais jeune, j’étais beau, je rêvais. Avec des amis, nous louâmes au hasard une VHS dans un vidéo-club pourri. Ca s’appelait «Night train to terror – Train express pour l’enfer ». On s’était dit qu’on allait voir un chouette film d’horreur. *se tape la tête sur l’accoudoir du canapé*
- Et après ?
- Et après…Mou ha ha ha ! Je n’ai plus jamais été le même, et depuis je gâche mon temps et ma jeunesse sur des sites internet malsains. Tenez, pour vous raconter ça, je préfère encore vous faire une chronique de film. Je ne sais plus m’exprimer que comme ça….
- Mais faites donc.
- Bon, vous l’aurez voulu…
«Night train to terror – Train express pour l’enfer » est un film très original. Car il ne s’agit pas d’un film. Il s’agit de trois film et demi. Trois longs-métrages complets, coupés en tranche, jetés dans un mixer et mélangés au hasard avec des bouts de séquences de raccord. Une moussaka de morceaux de daube vérolés et inconcevables, liés entre eux par la sauce la plus frelatée qui soit et servie encore fumante sur l’assiette du consommateur inconscient. Une abomination lovecraftienne !
Prenons le film tel qu’il se présente, «brut de décoffrage ». Un train roule dans la nuit. A l’intérieur d’un compartiment de ce train, une sorte de salon. Dans ce salon, un groupe de rock teenager années 80 de la pire espèce, avec bandanas mauves fluos. Ils chantent un machin abominable , dont les paroles suivent : ‘’Dance, come on, dance with me ! YEAH ! Dance, come on, dance with me !” ABDOMIBLATOIRE! “Mais au fait, où va ce train?” demandent-ils à un contrôleur noir aux allures de zombie. «Chacun arrivera à la destination prévue. » répond le contrôleur avec un sourire satanique. «Ouah, t’en fais pas, il est cool, ce train ! »
Dans le compartiment à côté, deux vieux schnocks discutent. Il s’agit de Dieu et de Satan. On les reconnaît car Dieu est une sorte de Père Noël habillé de blanc, et le Diable un sous-Jack Palance habillé en noir. Nous apprenons que le train va dérailler à minuit. Il s’agira alors de déterminer si les passagers (les p’tits djeunz qui braillent) iront au paradis et en enfer. A mon avis, rien que pour leur production musicale, ils méritent l’enfer, mais bon…. «Peuh ! », s’écrie Satan, «Je suis sûr qu’ils ne prient jamais ! » « C’est que vous n’écoutez pas leurs chansons. », répond Dieu. (NDR : ‘’Dance, come on, dance with me ! YEAH !”) Tout à leur discussion pour déterminer le sort des New Kids on the Block dans l’au-delà, Dieu et Satan décident de passer le temps en se racontant des histoires où il s’agira à la fin de déterminer si le protagoniste ira au Paradis ou en Enfer. (NDR : au générique de fin, Dieu est crédité comme jouant son propre rôle et Satan comme étant joué par "Lou Siffer")
C’est ici que le film démarre vraiment, et que sa vraie nature nous saute aux yeux : il s’agit d’un film à sketches, le train n’étant qu’un prétexte pour lier entre elles des histoires horrifiques sans aucun rapport. Mais la vraie originalité du film tient dans sa nature profondément branque et malhonnête, qui surpasse de loin Godfrey Ho et ses montages bidouillés. Il s’agit ici non pas d’un «deux en un » mais d’un «trois en un », voire d’un «quatre en un » si l’on compte les scènes de raccord. Le plus horrible étant encore que la nature de l’arnaque saute aux yeux du premier spectateur venu, les « styles » de mise en scène et la photographie étant radicalement différentes d’un sketch à l’autre. Différentes, mais constantes dans la nullité : le film garde du début à la fin une réalisation oscillant entre l’apathie et le parkinson et une photo cra-cra à faire honte au premier réalisateur philippin venu.
La VHS française
Les trois longs-métrages utilisés pour le montage existent bel et bien en version complète et purent naguère se trouver dans certains vidéo-clubs anglo-saxons. Il s’agit de films d’horreur minables dont chacun, pour simplifier les choses, porte plusieurs titres différents : le premier s’intitule alternativement «The Case of Harry Billings » et «Scream your head off ». Le second, "Carnival of Fools” et “Death Wish Club", le troisième, “Cataclysm” ou “The Nightmare never ends". Les deux premiers furent tournés par le même cinéaste, John Carr, le troisième, par Tom McGowan, Gregg Tallas, et Philip Marshak (ils s’y sont mis à trois, ce qui explique peut-être que ce sketch semble le plus «professionnel » des trois). Le tout fut bidouillé et recousu ensemble par un certain Jay Schlossberg-Cohen, producteur-Frankenstein qui sortit ensuite le film à sketches en le signant de son nom comme réalisateur.
Le résultat est un véritable choc esthétique qui explore les tréfonds de la nullité, en en redéfinissant la profondeur à chaque millimètre de pellicule. Déjà mauvais au départ sous leur forme de long-métrages, les sketches sont rendus totalement incohérents par un montage à la tronçonneuse qui rend leur récit haché et brumeux. De plus, leur intégration au film définitif ne se justifie en aucun des cas, le rapport avec la discussion entre Dieu et Satan étant plus que difficile à établir (on ne comprend souvent même pas qui est censé aller au Paradis ou en Enfer à la fin, malgré les efforts des deux acteurs qui en débattent à la fin de chaque histoire !)
La première histoire nous montre le pauvre John Phillip Law, qui dort debout dans le rôle d’un homme enfermé dans un asile psychiatrique dont les patrons font du trafic d’organe. Tourné pour trois dollars et demi dans des décors misérables, le film n’est qu’un prétexte pour des effets gore en Giclorama â dont l’outrance ne cache pas l’amateurisme. Totalement nul, anémique, lamentable, le sketche se laisse voir pour la nullité du jeu des acteurs, renforcée par un doublage français abominable et pour son côté «on n’a rien à montrer, alors on fait dégouliner des tripes partout histoire de ressembler à un vrai film d’horreur ». Détail gouleyant : le film existe sous une version radicalement différente, bidouillée par le réalisateur original, John Carr : "Marilyn Alive and Behind Bars". Cette fois, Carr a récupéré son métrage original et tourné de nouvelles séquences, pour faire une nouvelle "histoire dans l'histoire", avec un subplot impliquant que dans la clinique des horreurs se trouve une patiente célèbre (et prisonnière), Marilyn Monroe, incarnée par Francine York. Il semble que John Phillip Law n’ait pas tourné de scènes supplémentaires. (NB : cette version avec Marilyn n’est pas incluse dans « Night train to terror »)
John Phillip Law a du être mis en camisole de force pour l'obliger à rester sur le tournage
Otto (Richard Moll), le sbire des méchants toubibs.
Ouéééé! Plan nichon!
Rebelote, notre ami Otto, grand prix du tueur sadique nanar.
La seconde va déjà plus loin dans le psychotronique : une jeune fille tombe sous la coupe d’un dangereux individu qui fait partie d’un club de dingues qui jouent à des sortes de roulettes russes élaborées dont le but est de savoir qui va mourir à la fin de la séance. Les modes de suicides sont d’une débilité qui nous vaut des effets spéciaux nanars tout à fait délectables : on se fait piquer par un moustique géant (animé image par image en pâte à modeler), on grille sur une chaise électrique qui nous transforme en Evil Dead fumant, etc. Mais le vrai intérêt tient dans une mise en scène totalement non-professionnelle incohérente, la caméra étant secouée de convulsions que n’arrangent pas un montage à la serpe et une photo hideuse. Ajoutez à cela des dialogues débiles et un doublage français qui en rajoute une couche, et vous aurez un bon morceau de barbaque nanarde servie à point. Aimable facétie du remontage sauvage des sketches, on nous prive même de la fin de l’histoire, que les acteurs jouant Dieu et le Diable se chargent de nous résumer.
Incroyable ! Jimi Hendrix est vivant et joue incognito dans des séries Z !
Immense réplique du noir sur la chaise électrique : « excusez-moi si je fume ! »
La troisième et dernière histoire bénéficie, comme il a été dit plus haut, d’une mise en scène légèrement plus «pro ». Un ancien nazi, toujours vivant de nos jours et ayant conservé sa jeunesse, se révèle être un agent de Satan destiné à la destruction du monde. Une femme va essayer de contrecarrer ses plans, dans un très mauvais pastiche de «Holocaust 2000 » et «La Malédiction finale ». Le professionnalisme de la mise en scène est hélas ici une notion toute relative qui ne sauve guère les meubles : ce sketche est en effet celui qui nous sert, en quantité astronomiques, les effets spéciaux les plus outrancièrement lamentables jamais vus sur un écran, grand ou petit : masques de démons caoutchouteux, explosions en stock-shots intégrées par des cuts nanars, et surtout, une scène indescriptible qui voit un démon géant (en pâte à modeler) s’avancer pour écraser un homme….lui aussi figuré par une figurine animée en pâte à modeler, alors que le plan précédent nous montrait un vrai acteur ! La «suspension temporaire de l’incrédulité » demandée par tout film fantastique en prend un mauvais coup. A noter également la présence du pauvre Cameron Mitchell (le seul acteur connu du film, avec John Phillip Law), qui traîne les pieds, bouffi et démotivé, dans un rôle de flic particulièrement inutile.
« M’est avis qu’on a affaire à un gros nanar, lieutenant Jones ! »
Graouuu !
Il va de soi que, pour un nanardeur novice, «Night train to terror » représente un spectacle particulièrement hard, tant le moindre plan, le moindre acteur, le moindre dialogue, suinte de l’incompétence la plus intense. Pour tout dire, ça fait même peur. C’est là que l’on se dit que, finalement, les scènes de Richard Harrison dans «Ninja Terminator » se tiennent plutôt bien. Sans que l’on puisse parler vraiment de «rythme », le film n’est pas ennuyeux, tant les morceaux de bravoure aberrants se succèdent à une allure d’enfer, avec une violence qui explose les rétines. C’est du très, très, très, costaud. Une sorte de retranscription en images de l’indicible lovecraftien. Inimaginable.
Fin de la séance. Le patient fond à nouveau en larmes sur le divan.
- Voilà, Docteur, vous connaissez ma triste histoire. Que me conseillez-vous ?
- Ggghh…Mrpltk…Il...
- Docteur ?
- IL ME LE FOOOOOOOOOOOOOOOO !
Yeah, wock n'woll!
NIGHT TRAIN TO TERROR – TRAIN EXPRESS POUR L’ENFER
Réalisateurs : Jay Schlossberg-Cohen, John Carr, Tom McGowan, Gregg Tallas, Philip Marshak
Pays : USA
Année : 1985
Durée : 1h38
Genre : Un ou deux rails, et le film déraille!
Catégorie : Horreur
Avec : John Phillip Law, Cameron Mitchell, Richard Moll, Eva Hesse, Marc Lawrence, J. Martin Sellers.
Nikita : 4,5
Merci à Fantomas2 pour ses lumières.
Cote de rareté : 3 (rare) En France, le film ne se trouve plus pour le moment qu’en VHS d’occasion. Friands de cinéma trash, les américains l’ont réédité discrètement en DVD que l’on trouve sur des sites de vente en ligne.
Sources iconographiques :
http://www.brainsonfilm.com http://www.80sreborn.com