Pim, Pam, Poum
Ca faisait depuis longtemps qu'une séance de cinéma ne m'avait tant dérouté sans savoir si je me trouvais en face d'un grand film ou d'une expérience de cinéma passionnante mais quelque peu infructueuse. Je vais devoir laisser vieillir Gomorra avant de le voir une seconde fois et d' y apporter mon jugement définitif.
Gomorra (fusion des mots Gomorrhe et Camorra, la mafia napolitaine) est l'anti-parrain et l'anti-Scarface. Là où les deux films hollywoodiens proposent une vision romancée de la mafia, la caméra de Matteo Garrone s'infiltre dans la réalité d'une cité dortoir de la Camorra en suivant cinq destins isolés. Cinq tranches de vies qui confinent avec le naturalisme et un souci du réalisme poussé. On sent derrière tout ça l'hyper-documentation de Garrone qui confine à un sentiment de vérité intense.
Anti-spectaculaire et sobre au possible, le film décrit l'organisation des clans de la Camorra et de ses divers "marchés" sans tourné à l'étalage d'effets chocs. Ce parti-pris de simplicité dans la narration et d'absence de rééls rebondissements est un choix fort et débouche sur un sentiment d'immersion intense. On a l'impression de voir un film de mafia "nouveau" tellement Garrone tourne le dos au folkore Cosa Nostra hollywoodien et tente de s'en éloigner le plus possible. C'est justement quand deux jeunes voyoux se prennent pour Scarface ou dans la tuerie très scorcesienne du début que le film faiblit. Quand il y tourne le dos, Garrone débouche sur des séquences incroyables. Il faut voir la scène sidérante où Don Ciro sauve sa peau en devenant complice d'une fusillade puis part de l'appartement du meurtre, marche entre les cadavres dehors et arrive à une autouroute voisine où la vie redevient "normale".
Un mot sur la mise en scène. Très forte et très belle. Sobre évidemment mais impressionnante dans sa maitrise de l'espace. Il faut voir de la manière dont est filmé la cité-dortoir et l'exécution de la femme vers la fin : un modèle de découpage. A la lecture de ce qui précède, on pourrait croire que le film m'a véritablement emballé. Pas totalement. Les partis pris radicaux de Garrone débouchent sur un style sec et très froid qui m'ont beaucoup déroutés. Je ne m'attendais tellement pas à ce genre d'anti-drama et le côté radical du film m'a tellement surpris que j'ai un peu de mal à juger de la force et la véritable pertinence de l'ensemble. La proposition cinématographique du cinéaste est passionnante, je demande juste à la laisser vieillir. On pourra tout de même regretter un manque de contexte au début. On est un peu balancé dans le film sans beaucoup d'éléments explicatifs.