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Roman Polanski avec ce pitch:



et ces acteurs: John C.Reilly, Kate Winslet, Christoph Waltz et Jodie Foster.

Je ne connais pas du tout la pièce de théâtre originale, alors pour moi Wait and see!

Si c'est aussi palpitant que Ghost Writer, ce sera sans moi.

Allons allons...

Amis des effets spéciaux et des mouvements de caméras audacieux, passez votre chemin. En tant qu'adaptation d'une pièce de theâtre, "Carnage" se prive de toute forme de fioritures pour se concentrer sur les bases de la mise en scène et de la direction d'acteur. Défi plutôt complexe lorsqu'on y réfléchit, tant il est délicat de tenir le rythme pendant un peu plus d'une heure lorsqu'on a que quatre acteurs et trois décors (un couloir, un salon et une salle de bain et rien d'autre, nada, niet, des prunes!). Le résultat est d'ailleurs un peu destabilisant même lorsqu'on est prévenu. Ne voulant sans doute pas dénaturer le matériel de base, Polanski fait donc du thêatre filmé et on se retrouve à subir les tics du genre, au point de se poser des questions sur l'endroit où a été tourné le long-métrage. Je veux dire, l'expérience cinématographique nous a appris qu'on pouvait assister à certains phénomènes pas trop normaux, surtout dans des demeures construites sur des cimetières indiens. Or, ici on se demande si l'appart du film n'a pas été bati sur la tombe de Georges Feydeau, tant voir les acteurs cabotiner de la sorte semble vouloir en appeler à une séance d'exorcisme. Dans cette foire au surjeu, c'est sans aucun doute Kate Winslett qui se fait le plus remarquée, prenant sa prestation comme une douce récréation où elle pourrait en faire des tonnes, loin de ses partitions plus sobres. Jodie Foster et John C. Reilly ont aussi tendance à partir en vrille, surtout vers la fin. Seul Christoph Waltz reste mesuré et ça convient très bien à son personnage de connard prétentieux, jamais le dernier pour placer une remarque assassine mais se cachant toujours derrière son statut ou son téléphone dès que ça chauffe un peu trop.

En attendant, ce bruit et cette fureur sont surtout là pour combler une peur du vide présente aussi dans les dialogues. Tout du long, on ne retrouvera en effet aucun silence, le film ayant conscience que son peu de personnages et de lieux ne lui permettront pas d'abuser d'artifice pour meubler. Du coup les personnages parlent, de tout, de rien et surtout passent du coq à l'âne sans aucun préambule. On discute du gamin qui en a frappé un autre, puis d'un hamster, d'une recette de crumble, d'un médicament, de la faim dans le monde... . Mais il est évident que l'auteur a conscience du problème. A un moment, l'un des personnage s'exclamera, excédé "mais de quoi on parle ?" et c'est assez difficile de ne pas y voir une forme d'aveu. Après, c'est aussi une façon de montrer la superficialité des rapports entre les deux couples, qui ne se connaissent pas, sont aussi mal à l'aise que l'autre et se mettent à aligner les banalités pour se faire la conversation. Mais cela donne aussi une impression d'irréalité, comme si la temporalité des actions d'une après-midi avait été écrasé en une heure, cela expliquerait les multiples faux départs de l'appartement au début du film (un couple se sentant visiblement coupable et essayant de rentrer chez lui le plus tôt possible) mais aussi le fait que les personnages deviennent saouls après une seule gorgée d'alcool. De ce point de vue, les incessants changements de comportements des personnages deviennent plausibles. Mais si on s'accroche à une chronologie normale, où une seconde fait bien une seconde, c'est autre chose et on ne s'explique pas que deux individus puissent se traiter d'hypocrites, se réconcilier devant un cigare puis de nouveau s'engueuler comme du poisson pourri en l'espace de seulement trois minutes.

Pour autant, et malgré une certaine gêne devant certains excès et situations, je ne dirais pas que le film est raté. Si le surjeu est de rigueur dans la deuxième partie, la première est beaucoup plus subtil. Polanski arrive à montrer tout ces petits détails qui vont faire déraper la situation, ses mots utilisés par rapport à d'autres, la façon de prononcer certaines phrases ou de prendre une cafetière étant autant d'indices qui vont amener à l'explosion. En ce sens, le film dresse un portrait de la bêtise, de personnes prêtent à se battre pour des faits qui n'ont aucune importance ou simplement parce que l'autre pense différemment. Il s'agit aussi de mettre en lumière l'hypocrisie de l'espèce humaine, de souligner que si on cherche à désamorcer une situation c'est surtout pour amener à quelque chose qui nous sera favorable, pas pour la paix universelle entre les ménages, qu'un acte n'est jamais totalement désintéressé, le faire pour se sentir mieux étant déjà une preuve d'égoïsme. Certains diront que c'est un peu léger et d'une banalité absolue, que faire croire à une certaine profondeur en se basant sur presque rien a toujours été un bon moyen de se tripoter la nouille et nul doute que certains critiques professionnelles ont dû bien se faire plaisir en analysant ce film pour partir dans des surinterprétations encore plus fumeuses que la mienne. Néanmoins, l'oeuvre a de cela d'intéressant qu'elle revient aux bases du jeu d'acteur et de mise en scène, mais aussi des sentiments. La complexité, l'excès revenant toujours à des notions simples de colère, de joie, de tristesse faisant de ce "Carnage" un objet un peu éprouvant mais qui vaut le coup d'oeil dans sa volonté d'aller à l'essentiel.