Une bonne petite série B qui se permet quelques petits coups de griffe sur le fonctionnement tout en inégalités sociales de la société américaine. Ca ne se limite pas à "ouais comment c'est trop des racistes les méchants, ils veulent tuer le gars JUSTE PASKIL EST NWAR ! Oh mais je suis révoltée !" contrairement à ce que semblait penser une petite collégienne venue dans la salle avec ses potes qui n'ont pas arrêté de bavasser à voix haute pendant tout le film, ce qui m'amenait à espérer que La purge existe vraiment, et que ça se passe justement ce jour-là... Enfin si ça avait été le cas, j'étais mal barré, à une heure en transport de chez moi, et sans arme...
S'il ne s'agit pas d'un chef d'oeuvre, American Nightmare est un bon petit thriller en huis-clos qui ne se limite pas à son point de départ, le scénario proposant une évolution sympa qui creuse un peu le terrain de la satire sociale. Ainsi, la première heure est centrée sur le siège de la maison (uh uh uh, pendant une heure, on voit un fauteuil...) met en avant à travers le principe de la Purge les dérives du soi-disant "rêve américain" où tout le monde à sa chance. En gros, si tu n'as pas réussi socialement, si tu n'as pas les moyens de te payer ta tour d'ivoire perso, alors tu peux disparaître, ça ne dérangera personne. Donc s'il y a une critique du racisme dans le film, c'est moins dû au côté "ils veulent le tuer parce qu'il est noir" qu'au fait tout le monde n'est pas égal face à la réussite et ça peut se jouer sur la couleur de peau. Mais le film ne le dit jamais ouvertement et c'est à chacun de décider si la couleur de peau du personnage traqué a une importance ou pas.
Par la même occasion, le principe de Purge est discuté tout au long du film au sein même de la famille où chacun a sa propre opinion (même si ça ne dépasse jamais le stade du "oui", "non" ou "ni oui ni non"). Mais dès le départ, il y a une vraie et bonne tension dans le film. En quelques scènes, tout le cadre du film est posé. Ca se joue par des plans de la rue, des petites phrases échangées machinalement comme on se dirait "au revoir" et c'est surtout bien rendu dans les dernières minutes avant le début de la Purge, où règne véritablement un silence de mort. A ce moment, la mise en scène du film est surtout centrée sur le personnage de Ethan Hawke, plein de contradictions, à la fois impossible à aimer et impossible à détester. Il synthétise un peu les pensées de toute la famille et pose le problème du film : oui, le principe de purge est barbare mais ça a considérablement fait chuter la criminalité, mais c'est barbare, mais ça a fait chuter... La limite du concept tient au fait que rien ne dit que ça marcherait dans la vraie vie.
C'est dans les vingt dernières minutes que le film prend une autre dimension. C'est pas forcément finaud vu qu'on avait vu venir ce retournement dès les cinq premières minutes via le personnage de la voisine qui fait ouvertement remarquer qu'Ethan Hawke étale aux yeux de tous les richesses qu'il a accumulées sur leur dos. On sait que ça ne va pas en rester là donc on sait que le massacre des premiers assaillants est forcément du fait des voisins qui ne viennent pas que pour rendre service. Donc s'il était nécessaire de présenter les voisins dès le début du film pour pas qu'ils arrivent trop en mode Deus Ex Machina à la fin du film, une entrée en matière un peu plus subtile aurait été préférable. Ceci dit, ce retournement de situation est plutôt bien amené dans le film et justifie un visionnage au cinéma ou tout du moins une séance dans un lieu sans "repères temporels". (combien de surprises, de retournements de situation ou de quatrième acte sont gâchés simplement par le fait que le décompte des minutes sur le lecteur dvd nous informe qu'on n'est pas à la fin du film et qu'il va forcément se passer encore quelque chose alors qu'on croyait que le film allait se finir avec la scène qu'on est en train de regarder?).
Donc avec l'arrivée des voisins, le scénario glisse plus sur le terrain de la satire sociale, cette critique à la Desperate Housewives des banlieues riches bien tranquilles et proprettes qui cache rancœur, coups bas et persifflages. On imagine comme un prequel au film les ragots entre voisins qui ont aboutit à ce projet de se venger de la famille de Hawke lors de la Purge. Et si cette rancœur s'exprime d'abord de façon simple lors de la Purge "ils voulaient vous tuer mais on veut pas qu'ils nous privent de cette joie", une scène comme celle des dernières minutes de Purge rend très bien cette tension entre voisins, ces pulsions meurtrières et ces psychopathes ayant l'air d'abord bien sous tout rapport.
Au final, s'il n'est ni révolutionnaire ni super original dans les thèmes abordés, American Nightmare/The Purge a le mérite de ne pas se reposer sur son postulat de départ et de proposer un scénario ou plusieurs sujets sont abordés et ce de façon relativement fluide, sans influer sur la tension de l'intrigue. Les thèmes ne sont pas très originaux mais au final ça fonctionne et l'histoire en elle-même est assez prenante, construite sur un bon huis-clos qui refuse toute aération ou intrusion de personnages parasites. On a même droit ça et là à des pistes de réflexion supplémentaires comme lors du générique où l'on entend des témoignages post-purge avec ce personnage déclarant "j'ai perdu mes deux fils. Avant j'étais fier d'être américain, maintenant je ne le suis plus". Encore une fois, on peut prendre ça comme un aveu de scénariste concernant la prolifération des armes et la culture de la violence ou se dire que la Purge a encore de beaux jours devant elle puisqu'il faut attendre d'être soi-même touché par cette nuit de meurtre pour remettre en question sa légitimité.
_________________ Lawrence Woolsey, précédemment connu sous le pseudonyme de deathtripper21...
"Godfrey Ho a beau avoir trouvé des Kickboxeurs américains, le duel entre la mariée et la robe restera LA baston du film." Plissken
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