Ah tiens, le premier Wes Anderson que j'apprécie vraiment.
Au risque de me faire crucifier, j'avoue que jusque là, pour moi, Wes Anderson, c'était du cinéma d'auteur clef en main, qui avait de vrais fans, sensibles à son univers et sa vision du cinéma mais également une pelletée de suiveurs qui, passé le sempiternel "c'est trop bien parce ses personnages sont habillés comme dans les BD pour enfants mais ils disent des gros mots donc décalage, donc subtilité donc je trouve ça drôle car je suis un être subtil et pas un bouffeur de pop-corn" n'ont strictement rien à dire sur son travail mais ne se privent pas de te regarder de haut quand tu avoues n'avoir pas spécialement jubilé devant La famille Tennenbaum ou La vie aquatique, répondant laconiquement "mais c'est fait exprès !" chaque fois que tu pointes du doigt ce que tu considères comme un défaut du film. Tout le monde n'est pas obligé d'avoir sous la main un exposé en trois parties trois sous-parties trois exemples quand tu leur demandes de te parler de leur film ou réalisateur préférés mais j'ai eu tellement souvent l'impression de parler à un mur quand une conversation commençait par "toi qui aimes bien le cinéma, J'ESPERE que tu as été voir le dernier Wes Anderson...", que ça a très vite joué sur ma façon d'appréhender chaque nouveau film du monsieur.
Pourtant, cette fois, j'ai vraiment beaucoup aimé ce film, passée une certaine méfiance durant les dix premières minutes. Ce qui me gênait dans les précédents Anderson que j'avais vu et qui m'empêchait de les apprécier vraiment, c'était une certaine approximation dans la mise en scène des séquences d'action. Les scènes de dialogues ou les scènes calmes en général étaient très réussies mais dès que ça s'emballait, qu'il y avait de l'action ou un plan ambitieux, il y avait un côté bricolé, inachevé, non maîtrisé qui m'irritait un peu. Et on me rétorquait soit "c'est fait exprès" soit "non mais c'est parce que Wes Anderson, c'est pas ça qui l'intéresse, il s'en fout de l'action...". Je dois être un peu coincé de ce côté-là mais j'ai quand même tendance à croire que quand tu fais un film (et encore plus quand tu l'as écrit toi-même), tu dois l'assumer de A à Z et faire chaque scène de ton mieux. Je conçois tout à fait que pour les fans d'Anderson, ces scènes (comme par exemple les gunfights dans La vie aquatique) s'insèrent parfaitement dans son univers, mais pour moi, ça détonne et ça me fait sortir du film.
Donc dans ce film là, ça fonctionne et j'ai même l'impression que pour la première fois, Anderson trouve vraiment le juste équilibre dans tous les éléments qui constituent son style. Chaque scène est réussie, l'intrigue est un modèle de narration, il y a un humour absurde cartoonesque qui ne se limite pas à quelques cadrages ou effets sonores mais se construit constamment sur la durée (la scène avec les moines, l'évasion de prison). Je ne dis pas qu'Anderson a été jusqu'ici surévalué mais de mon point de vue, c'est avec ce film qu'il est vraiment parvenu à faire exactement le cinéma qu'il voulait faire, c'est maintenant que son oeuvre a trouvé une unité, que tout fonctionne vraiment parfaitement. Du coup maintenant je vais revoir tous ses autres films et peut-être que je deviendrai fan à mon tour, ce film ayant constitué la clef ouvrant la porte d'entrée vers l'univers andersonien. Enfin on verra.
Après, il y a bien sûr quelques excès, quelques effets un peu faciles qui virent un peu à la démonstration de force. je pense notamment à certains caméos qui font sourire mais n'apportent finalement pas grand'chose comme l'apparition de Bill Murray. La scène est drôle dans sa construction, dans son comique de répétition et je ne pense pas que Murray et ses potes y apportent vraiment quelque chose, même si ça fait quand même bien plaisir de le voir. Et puis au final, c'est bien dans le ton du film, où se croisent certains des plus grands comédiens de notre époque, parfois pour un grand rôle, parfois juste pour une scène. Mais ça n'est que rarement gratuit, la plupart du temps, le comédien est vraiment parfait pour le rôle, qu'il s'agisse de Willem Dafoe en bras droit psychopathe à Adrien Brody en héritier lésé fourbe en passant par Jeff Goldblum, Edward Norton (tiens, y avait longtemps...) Jude Law, Ralph Fiennes et le génial F. Murray Abraham... Voir un casting pareil donnerait envie de lancer un "Top 5 des personnages de Grand Budapest Hotel".
Au final, avec ce film, Wes Anderson a parfaitement réussi à restituer l'univers des films, serial et bandes dessinées d'aventure tout en l'adaptant à son propre univers, à son propre style. On ne s'ennuie pas une seule seconde, chaque séquence contient son lot de trouvailles, d'humour, de grands numéros d'acteurs et on est porté par l'histoire comme on l'est dans un album de Tintin, à savoir autant par le côté vaguement désuet et kitsch de certaines séquences que par le rythme et le souffle de l'aventure qui nous est racontée.
//SEQUENCE LANGUE DE PUTE//
Ah oui sinon... Il y a aussi l'apparition de Léa Seydoux...
Plus ça va, plus j'ai l'impression que ses caméos deviennent une sorte de Wilhelm Scream de directeurs de casting. Premier rôle, second rôle, caméo, figuration intelligente... J'ai l'impression qu'elle vit mal le fait qu'on pense qu'elle a réussi grâce à l'aide de sa famille et qu'elle cherche donc à montrer qu'elle a du talent et du goût en apparaissant dans les films des plus grands. Alors elle profite de sa notoriété, du fait d'avoir ses entrées dans le milieu du cinéma pour courir après lesdits réalisateurs et jouer dans leurs films, même un petit rôle, même deux répliques et trois plans chez Tarantino (alors que le même rôle aurait sacrément boosté la carrière d'une comédienne moins en vue). Elle, ça lui donne une impression de légitimité, le réalisateur, ça le flatte de voir une jeune actrice en vue prête à jouer deux lignes pour presque rien dans son film mais non seulement ça ne fait pas taire le comité anti-Seydoux, mais ça renforce cette image de fille à papa qui a déjà une carrière dont rêverait toutes les comédiennes de son âge mais qui en veut toujours plus, tant est insatiable son besoin de reconnaissance. Et puis, comme n'importe quelle comédienne rêverait d'un CV comme le sien, le fait qu'elle seule y ait droit ne fait que renforcer ce sentiment que si elle y arrive et pas les autres, c'est pas grâce à son talent (réel mais pas non plus transcendant) mais grâce à son nom...
//SEQUENCE LANGUE DE PUTE//
_________________ Lawrence Woolsey, précédemment connu sous le pseudonyme de deathtripper21...
"Godfrey Ho a beau avoir trouvé des Kickboxeurs américains, le duel entre la mariée et la robe restera LA baston du film." Plissken
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