Grand fan du Clint, je me suis lancé dernièrement dans une petite retrospective à la maison. L'occasion de revoir certains de ses films et surtout de découvrir enfin ceux qui manquaient à ma culture, en respectant l'ordre chronologique.
Suite à une suggestion du post-it des films matés, je poste ici une sélection de quelques avis un peu rédigés :
Kelly's heroes (De l'or pour les braves), Brian G. Hutton, 1970
Un film étonnant qui semble échapper à tout étiquettage. L'aspect mission commando, et les présences de Telly Savalas (que j'ai rarement vu aussi bon) et Donald Sutherland (hilarant en chef de tank illuminé) rappellent sans doute volontairement
Les Douze salopards. On peut ainsi dire qu'on a affaire à un film de guerre redoutablement efficace, disposant de moyens souvent impressionnants. Andrew Marton assure la réalisation de seconde équipe, et les scènes de destruction et d'explosion sont particulièrement spectaculaires, en plus d'être visuellement très réussies. Le duel entre les deux tanks dans le village est un pur morceau d'anthologie.
Mais
Kelly's heroes est également une comédie irrévérencieuse, décrivant une campagne militaire en totale déliquescence, avec une armée américaine minée par la confusion (l'artillerie qui tire sur ses propres troupes, un capitaine pistonné pressé d'arriver à Paris pour faire du shopping). L'appât du magot semble soudain donner une bonne raison de se battre, jusqu'à ce que cette opération qui devait etre secrète dégénère en impliquant les plus hauts gradés de l'état major. Et ce qui est vraiment balèze, c'est que ce mélange des tons se fait de façon très harmonieuse. Les situations peuvent tout à fait être excessives, elles ne sont jamais irréalistes ou cartoonesques (on pense inévitablement aux
Rois du désert). Le summum de l'audace étant sans doute atteint lorsque les héros parviennent à associer le soldat nazi à leur combine pour faire sauter la porte de la banque ! Et la scène qui parodie les duels à la Leone lorsque Clint, Telly et Donald marchent de front vers le tank, est juste tordante. Bref, j'ai été bluffé. Ça me donne envie de réévaluer
Quand les aigles attaquent du même réalisateur, qui m'avait semblé un peu molasson.
DVD Warner vraiment magnifique.
The Beguiled (Les Proies), Don Siegel, 1971
Magnifiquement introduit de manière faussement doucereuse par la comptine chuchotée par Clint et la photographie qui passe du sépia à la couleur (sublime travail de Bruce Surtees qui me fait dire que ce film se doit d'être vu en salle), on plonge dans ce film comme dans un songe qui nous ferait basculer à l'improviste dans le cauchemar. On est baladé dans un monde déchiré qui tente de sauvegarder les apparences d'une bonne société alors que tout respire la frustration, le désir et le vice.
Don Siegel filme le trouble à l'état pur, Clint joue encore avec son image. D'une audace assez étonnante, le film s'avère incroyablement dérangeant (notamment la représentation des fantasmes) et très ambigü (la vérité des personnages nous échappe jusqu'au final). Et
c'est peu de dire que la scène de l'amputation m'a complétement retourné...
Un diamant noir, une oeuvre unique et marquante.
Dirty Harry (L'Inspecteur Harry), Don Siegel, 1971
Si
Dirty Harry a certainement redéfini pour longtemps le film policier, ce statut de film-fondateur ne le rend pas pour autant dépassé. Sa violence n'a rien perdu de son impact aujourd'hui, à la fois par l'intermédiaire de plans chocs et de situations malsaines, mais aussi grace à la caractérisation de Scorpio, psychopathe tout à fait terrifiant car imprévisible. Siegel et Eastwood s'attaquent à un problème complexe affronté tous les jours par de simples flics sur le bitûme, sans forcément prendre parti. Dirty Harry doit moins son surnom à son non-respect de la loi qu'au fait que c'est lui qui est chargé des basses besoignes du genre nettoyer les ordures de la ville. On voit très bien qu'à la fin il sort dégoutté de cette expérience.
J'ai été vraiment frappé de l'élégance et du soin apporté à la mise en scène. La caméra est très souvent en mouvement, et Siegel exploite de façon véritablement splendide les décors naturels de Frisco, avec une photographie de Bruce Surtees qui oscille entre l'éclatante luminosité et l'obscurité la plus effrayante. Je retiens entre autres cette séquence superbe et tendue de la remise de la rançon, course dans la nuit épuisante et sordide, puisqu'il s'agit aussi d'une course contre la mort. Et comment ne pas évoquer le score de Lalo Schifrin, qui semble imposer un style désormais indissociable avec le polar urbain.
Play Misty for me (Un frisson dans la nuit), Clint, 1971
Sa première réalisation. C'est juste génial. Un pitch du tonnerre, remarquablement traité grâce à une caractérisation très subtile des personnages, qu'il s'agisse du DJ Dave Garver en homme pas toujours capable d'agir comme il le souhaiterait, ou d'Evelyn, campée par l'impressionnante Jessica Walter, dont la possession psychotique est rendue de façon terrifiante, certes, mais aussi pathétique. On partage tout à fait l'angoisse du protagoniste, du jour au lendemain complétement paniqué et ne sachant plus comment il a fait pour en arriver là. Eastwood filme ça admirablement, avec une grande liberté, un rythme qui sait se montrer nonchalent à l'occasion (ballades dans la forêt, descente au Monterey jazz festival, discussion avec le barman, malicieusement interprété par l'ami Don Siegel).
J'applaudis des deux pieds à cette réussite.
Breezy, Clint, 1973
Pour sa troisième réalisation, Eastwood laisse de côté le cinéma de genre et livre une oeuvre magnifique et profondément personnelle, qui semble ne rien devoir à personne, tournée manifestement loin des studios. Je lis souvent que la reconnaissance critique du réalisateur en France est arrivée à partir d'
Honkytonk man. Mais où étaient-ils ces critiques dix ans plus tôt à la sortie de
Breezy, qui témoigne incontestablement une démarche d'auteur ? La superstar reste derrière la caméra et nous propose une histoire d'amour d'une tendresse et d'une émotion rare. En vieux cabot, William Holden, qui ne cesse de me donner des raisons de l'aduler, est incroyablement touchant en homme mûr et solitaire. Il s'est efforcé de garder l'amour à distance pour s'épargner la souffrance, perdant du même coup le goût du simple bonheur de l'instant. Et que dire de Kay Lenz, qui s'approprie son personnage corps et âme, fraîche, légère et en même temps parfaitement lucide ? C'est un sujet franchement osé qu'aborde Eastwood et il le fait avec autant de franchise que de pudeur (magnifique plan des deux corps qui s'enlacent dans l'ombre). Clint semble vouloir ici peindre le portrait d'une certaine jeunesse de l'époque, avec respect et honnêteté (la triste dégradation de la copine de Breezy à cause de la drogue).
On y retrouve tout le talent d'écriture de Jo Heims, qui avait déjà signé pour
Play Misty for me des dialogues pleins de justesse sur la passion. On pourra trouver un peu facile le rebondissement mélodramatique de la fin, mais en même temps on est tellement pris d'empathie pour les personnages qu'on ne peut que souhaiter leur réunion. Et puis la
Breezy's song de Michel Legrand (que je connaissais déjà) apporte une dernière touche à la fois mélancolique et sereine sur ce très beau portrait de couple.
The Enforcer (L'Inspecteur ne renonce jamais), James Fargo, 1976
Je ne comprends pas la faible côte d'amour pour ce film. J'ai beau le revoir, je trouve ce 3e volet des aventures de Dirty Harry toujours aussi épatant. Clint donne sa chance à Jim Fargo, qui fut son assistant, et celui-ci signe une mise en scène parfaitement maîtrisée et énergique. Mention spéciale à une course-poursuite sur les toits de Frisco, assez génialement soutenue par le score jazzy de Jerry Fielding. Les répliques laconiques de l'inspecteur sont toujours aussi percutantes, on s'indigne avec lui du comportement de ses supérieurs, bien plus irresponsables que lui. Une des cibles du film, c'est le politiquement correct de la société américaine de cette époque : quotas arbitraires pour laisser place, par exemple, aux femmes dans la police sans forcément tenir compte de leurs compétences, groupuscules afro-américains forcément considérés comme des terroristes, tandis que les vrais terroristes dissimulent leurs motivations pécuniaires derrière une façade de révolutionnaires.
Et puis la relation entre Callahan et sa partenaire est retranscrite avec chaleur et justesse. On devine leur attirance et en même temps leur réserve. Le final, chargé d'une tragique ironie, est particulièrement fort.
Pour Frazzetta, Conan le Barbare/Clint Eastwood = même combat.
The Gauntlet (L'Epreuve de force), Clint Eastwood, 1976
Voilà un film d'action incroyablement bourrin, tant dans ses situations que dans ses dialogues pas vraiment châtiés, et qui profite du statut de pute du personnage de Sondra Locke pour en rajouter dans le vulgaire. Le couple qu'elle forme avec Eastwood prendra le temps de s'apprivoiser, jusqu'à véritablement s'apprécier. Le titre VF aurait pu être Le Canardé, tellement Clint s'en prend plein la gueule. Malpaso devait manifestement posséder un stock de munitions en passe d'être périmées qu'il fallait utiliser au plus vite.
La mise en scène est parfois un peu torchée, on sent que Clint n'est pas toujours très inspiré dans les scènes de poursuites (la course entre l'hélico et la moto aurait pu être plus palpitante). Le pitch est assez génial dans son épure, où les deux héros se retrouvent la cible de la mafia et de la police de deux États. Le climax anthologique est complétement absurde par sa démesure et sa résolution, mais c'est un vrai bonheur d'assister à ce genre de spectacle aux ambitions ouvertement commerciales mais dont on sent bien que les participants y ont pris un intense plaisir. Eastwood prolonge sa collaboration avec Fielding qui atteint ici une liberté d'inspiration qui aboutit à un score absolument sublime.
Every which way but loose (Doux, dur et dingue), James Fargo, 1978
Scenario timbre-poste en forme de road-movie. Après une présentation pépère des personnages très pittoresques et attachants, Philo Beddoe le bagarreur et ses potes prennent la route à la recherche d'une chanteuse country (Sondra Locke, absolument craquante). A leurs trousses, leurs ennemis ne s'avèreront jamais vraiment menaçants, traités plutôt sous l'angle comique : flics pourris et gang de motards plus bêtes que méchants qui enchaîneront les catastrophes. Les divers affrontements seront souvent prétexte à des gags irresistibles, avec notamment un clin d'oeil aux duels à la Leone. C'est cette légereté assumée qui fait qu'on suit leurs aventures avec beaucoup de plaisir. On devine une évidente complicité entre Eastwood et Clyde l'orang-outan, et toujours cette thématique qui est chère à l'acteur de recomposition d'une famille un peu bordélique mais chaleureuse. La baston finale se charge même d'une inattendue mélancolie avec ce vieux champion qui perd les faveurs de son public, ce qui montre bien que derrière le côté divertissement sans prétention du film, il y a une vraie humanité.
Cette ballade dans le Sud profond baigne dans une excellente bande son aux accents country western, et James Fargo livre une mise en scène énergique mais qui sait également se faire plus posée lors des scènes intimistes et musicales. J'adore.
Any which way you can (Ça va cogner), Buddy Van Horn, 1981
Clint confie cette fois la mise en scène à son chef cascadeur qui s'acquitte de sa tâche sans réel génie. Dans mon souvenir je trouvais cette suite plus réussie, or j'ai constaté que les personnages étaient moins bien écrits, Sondra Locke joue les utilités, et si quelques gags font toujours mouche (Clyde défonçant les bagnoles, le gang des Black Widows toujours aussi rigolo), le film se vautre quand même souvent dans la vulgarité, parfois réjouissante c'est vrai, mais souvent abusive aussi. Il y a en particulier cette infâme nuit au motel où tous les personnages semblent soudain pris d'une frénésie sexuelle, y compris Clyde et cette bonne vieille Ma. Clyde est d'ailleurs ici beaucoup plus souvent à l'avant-plan. Et puis il y a ce court pastiche de la scène de course sur la plage de Bo Derek dans
"10" qui m'a d'autant plus révulsé que j'avais découvert le brillant film d'Edwards quelques jours auparavant (genre "non ?! ils ont osé !").
L'aspect le plus réussi du film, selon moi, réside dans la confrontation entre les deux champions du film, Philo Beddoe et son adversaire Wilson. Relation faite de respect de l'autre et de fair play, malgré la présence de mafieux en organisateurs de combat. La baston finale demeure un moment d'anthologie avec toute la région qui se presse auteur d'eux pour y assister. Ça en devient burlesque.
Musicalement, ça reste toujours aussi agréable, avec notamment le morceau d'ouverture,
Beers to you interprété par Clint et Ray Charles. En définitive, le film est quand même bien bâclé et n'égale pas le premier.
Techniquement, c'est du Warner bien solide, avec une image propre de bien meilleure qualité que ce à quoi nous avaient habitués les diffusions télé et leur grain très 70's. J'aurais tendance à trouver un poil supérieur le DVD de Doux, dur et dingue, au niveau du son notamment. La bande annonce originale pour tout bonus.
Firefox, Eastwood, 1982
Revu ce super souvenir d'enfance que je trouve toujours très sympa. C'est certainement l'un des moins intéressants et les moins personnels de Clint, mais sa présence et son talent de réalisateur en font un divertissement efficace. La photo de Surtees est superbe, le scope est géré avec élégance.
La première partie joue la carte de l'espionnage et de l'infiltration. Clint reprend du service pour aller dérober un avion top secret au coeur même du territoire ennemi. La tension est alors permanente, le héros ne cessant de voir son identité contrôlée par la police moscovite ou le KGB, traqué dans le métro, aidé par une organisation redoutablement efficace. On a vraiment le sentiment que la moindre erreur peut être fatale. Clairement, le régime soviétique nous est montré comme un état policier où même les touristes américains sont suspects et où le délit d'opinion existe et peut priver un homme de son épouse pendant des années. Les militaires sont du type bien droit dans mes bottes et ont toujours un train de retard sur la stratégie des américains. Et si leur Firefox est effectivement d'une technologie supérieure, ils le doivent en grande partie aux scientifiques juifs qu'ils détiennent prisonniers et qu'ils obligent à collaborer. Heureusement, les autorités russes n'ont pas su éteindre le sentiment d'injustice et les scientifiques se sacrifieront pour la cause américaine. Parmi les points vraiment faibles, on sourira de l'inévitable trauma vietnamien, qu'Eastwood ne fait pas beaucoup d'effort pour rendre convaincant (flashback aux effets de montage paresseux, frémissement de narine).
La dernière partie du film vire au spectaculaire avec cette longue fuite à bord du Firefox et ce déploiement d'effets spéciaux plutôt sympathiques même si mal vieillis au niveau des incrustations (signées John Dykstra). Le Firefox file en rase mottes, créant derrière lui un souffle qui retourne les forêts et soulève les océans. En parallèle, on a droit aux réunions stratégiques il est vrai peu palpitantes de l'état-major soviétique, face à la coolitude des ricains. Le duel entre les deux avions sera le clou du film.
Voir le film en VO change pas mal la personnalité du héros. La voix de Clint semble beaucoup moins assurée que celle de son doubleur, rendant donc son personnage bien plus vulnérable. J'ai vu le film un paquet de fois en VF et je m'étais au contraire habitué à un héros plutôt décontracté, notamment sur quelques répliques que j'adore mais qui n'ont plus du tout le même ton en VO :
Un espion demande à Clint :
— T'es sûr de pouvoir piloter le Firefox ?
— Ouais... Je suis le meilleur
Après un insoutenable suspense, Clint pose le Firefox sur la banquise et lâche dans un souffle : « facile ».
« Think in russian. »
Honkytonk man, Clint, 1982
Maîtrisé, profondément humain et bouleversant. Je trouve le film riche et émouvant dans son portrait d'une certaine Amérique avec une ambiance très John Ford au début, dans sa peinture d'une relation adulte/gamin (qu'Eastwood abordera sous un angle nouveau avec
Un monde parfait). Le film me semble vraiment passionnant parce qu'il autorise plusieurs approches, la musique n'en étant pas la moindre.
Le film est touchant parce qu'il pose un juste regard sur ses personnages, humaniste et modeste. Et puis il y a de vrais moments de drôlerie picaresques. Et puis cette thématique récurrente de famille recomposée, avec notamment ce grand-père et son magnifique monologue devant les barbelés, dernier témoin d'un monde révolu. Et même si on peut trouver ça prévisible, la fin du film m'a vraiment bouleversé par sa simplicité (l'idée que la musique rend l'homme éternel est toute con, mais c'est amené sans prétention et je trouve ça beau).
Sudden impact (Le Retour de l'inspecteur Harry), Clint, 1983
On retrouve cette bonne vieille trogne d'inspecteur, plus rentre-dedans que jamais. Ses méthodes filent des sueurs à ses supérieurs, il embarasse tout le monde, et sème les cadavres partout où il passe. Le film semble atteindre un point-limite sur cette caractéristique du personnage. Il est alors temps de changer d'atmosphère, et voilà qu'on quitte San Francisco pour la petite ville portuaire de San Paulo. Évidemment les ennuis lui tombent très vite dessus (au passage, très amusante séquence des pseudos-vacances de l'inspecteur, qu'il passe à tirer avec un gros flingue sur des cibles en campagne). Les punchlines sont toujours aussi irrésistibles, mais l'enquête principale qui l'a mené ici révèle un drame bien malsain qui finit par largement prendre le pas sur cette apparente légereté.
Ça en devient même assez irréaliste avec une bande de tarés congénitaux, un décor de fête foraine, et toute une série d'images bien symboliques. En ange exterminateur, Sondra Locke est excellente, entre froide détermination et vraie félure (terrifiant autoportrait peint). Harry lui-même devient inhumain, sortant miraculeusement indemne des nombreuses tentatives d'assassinat (allant jusqu'à surgir d'une poubelle), et revenant quasiment d'entre les morts à la fin.
Eastwood donne l'impression de s'autoriser toute latitude pour ne pas sombrer dans la facilité de la redite. Tout n'est pas toujours inspiré : l'utilité douteuse du pote d'Harry, là juste pour se faire buter, le clébard pêteur. Au final, c'est un polar assez destabilisant.
City heat (Haut les flingues), Richard Benjamin, 1984
Le duo Reynolds/Clint aurait pu fonctionner davantage. Comme souvent, Clint conserve son attitude stoïque et mutique. Il reste passif durant les bagarres, jusqu'à ce qu'un coup qui ne lui était pas destiné l'atteigne. Il voit alors rouge et sort de ses gonds, c'est très drôle. Mais c'est vraiment Reynolds qui emporte le morceau. Son personnage de détective privé fanfaron a finalement bien plus de présence à l'écran et mène véritablement l'action. Ils se réunissent vraiment dans la dernière demi-heure, avec de bons moments assez loufoques comme lorsqu'ils font face à l'un des big boss avec une malette prétendument piégée, où lorsqu'ils vont libérer une amie retenue prisonnière dans un bordel. Reynolds visite alors les chambres déguisé en loup, et chaque ouverture de porte recèle un gag complétement cartoonesque. Je retiens également le personnage de la secrétaire, réussi et intéressant, ainsi qu'un happy end exemplaire.
La mise en scène de Benjamin est la plupart du temps impeccable, alerte dirais-je même. Les quelques gunfights m'ont malheureusement semblé assez confus. Sympathique reconstitution d'époque, avec ses vieilles bagnoles, ses mafieux, l'alcool de contrebande, le jazz et les speakasy, le tout enjolivé par une très belle photo aux teintes sepia.
On devine ce que Blake Edwards, qui était engagé au départ pour le réaliser, aurait pu faire d'un tel cocktail, lui qui a toujours su mêler avec une grande élégance les atmosphères retro et la comédie. Il est crédité au scénario sous le pseudo Sam O. Brown (S.O.B.).
Tightrope (La Corde raide), Richard Tuggle, 1984
Excellent film où Clint interprète avec talent un flic particulièrement ambigü, à côté duquel Harry fait figure de mormon. Il explore ici son côté sombre et c'est pas très reluisant. Divorcé et père de deux enfants, son personnage est habité par certaines obsessions que son travail et cette enquête en particulier lui permettent de concrétiser. Bref, ça suinte pas mal le sexe. Le pétage de plomb de Clint après que ses filles se soient faites aggresser montre un visage jusque là inédit de l'acteur.
L'ambiance de la Nouvelle-Orléans rend tout ça encore plus fascinant, avec ces scènes de carnaval, ces masques et tous ces bars louches. Si le mot "interlope" a un sens, c'est bien ici qu'il le trouve. Étonnante scène de la visite de la fabrique de bière, remplie de symboles sexuels. La photographie de Bruce Surtees fait souvent des miracles.
On est agréablement perdu par une intrigue et des effets qui multiplient les parallèles entre le serial-killer et celui qui le traque. Très chouette présence de la toute jeune Alison Eastwood. Le rôle de Genevieve Bujold est intéressant, mais sa relation avec Clint m'a parue un peu forcée. La psychologie du tueur échappe à toute logique, et sa capacité à apparaître n'importe où et à maîtriser une patrouille entière de police est peut-être aussi un poil abusive, ou en tous cas demande beaucoup de crédulité au spectateur. On se rend alors compte que le flic précède systématiquement le tueur. Le face à face final est assez horrible.
À suivre...