le film est bien en couleurs.
sinon je suis très surpris que quelqu'un aie eu besoin de t'expliquer pourquoi les situations et les images sont poignantes. à moins que ce soit les explications de ton copain qui t'aient gâté la découverte de ce film. dans ce cas, il aurait peut être mieux valu le voir seul. c'est normalement un film que tu te prend en pleine tronche et c'est voulu ainsi:
attention, spoilers:
le parti pris du réalisateur est d'adopter le point de vue du candide, Fliora, qui s'engage pour jouer au soldat alors qu'il ignore tout de la réalité brutale de la guerre. le spectateur non prévenu se retrouve dans la même situation d'ignorance et ressent le crescendo avec la même intensité que le jeune acteur.
le bunker te paraît invisible? c'est ce qu'en voit fliora : quelques traçantes qui seraient jolies si elles n'étaient si meurtrières. au spectateur d'imaginer le tireur appliquant à la lettre l'ordre reçu de tirer au moindre mouvement, même sur une vache, si toutefois il sait qu'il s'agit d'une vache.
n'importe quel réalisateur aurait cédé à la dramatisation en intercalant un plan du guetteur derrière sa mitrailleuse avant le déclenchement du tir. elem klimov ne montre que ce que Fliora peut ou pourrait voir et cueille tout le monde de la même surprise. c'est ce qui fait la force de ce film.
quant à dire que la séquence du ravitaillement est lourde, c'est justement ce que les autres films ne te montrent jamais. des gens qui se cachent et qui ont besoin de se nourrir. ils ont absolument besoin de la vache pour survivre dans le marais, pas pour la bouffer, mais pour son lait bien sûr. tu vois là des paysans dont la nourriture de base est la soupe de légumes et la viande est réservée aux repas de fête.
reste le dernier point, quelle est la responsabilité de Fliora dans la disparition de sa famille et le massacre de son propre village? a-t'il attiré l'attention sur eux en cherchant une arme sur le champ de bataille proche comme le vieux du début le lui disait? la scène est particulièrement forte : lui est encore très innocent et offre à son amie un bol de la soupe de sa mère encore tiède, quand le charnier refroidit contre le mur d'une grange. il ne les verra pas car il ne peut imaginer une telle horreur. à la fin du film c'est un garçon vieilli, hanté par des fantômes pour le reste de sa vie et nul doute qu'il imagine le pire sans problème, car il l'a vécu. et le spectateur a suivi le même chemin grâce à la réalisation d'Elem KLimov.
le titre est d'ailleurs assez clair, tiré du chapitre 6 de l'apocalypse de jean, il invite à la fois Fliora et le spectateur à la même découverte, la même initiation:
Jean a écrit:
je regardai, quand l'agneau ouvrit un des sept sceaux, et j'entendis l'un des quatre êtres vivants qui disait comme d'une voix de tonnerre: Viens et vois. je regardai, et voici, parut un cheval blanc. Celui qui le montait avait un arc; une couronne lui fut donnée, et il partit en vainqueur et pour vaincre. Quand il ouvrit le second sceau, j'entendis le second être vivant qui disait: viens et vois. Et il sortit un autre cheval, roux. Celui qui le montait reçut le pouvoir d'enlever la paix de la terre, afin que les hommes s'égorgeassent les uns les autres; et une grande épée lui fut donnée. Quand il ouvrit le troisième sceau, j'entendis le troisième être vivant qui disait: viens et vois. Je regardai, et voici, parut un cheval noir. Celui qui le montait tenait une balance dans sa main. Et j'entendis au milieu des quatre êtres vivants une voix qui disait: Une mesure de blé pour un denier, et trois mesures d'orge pour un denier; mais ne fais point de mal à l'huile et au vin. Quand il ouvrit le quatrième sceau, j'entendis la voix du quatrième être vivant qui disait: viens et vois. Je regardai, et voici, parut un cheval d'une couleur pâle. Celui qui le montait se nommait la mort, et le séjour des morts l'accompagnait. Le pouvoir leur fut donné sur le quart de la terre, pour faire périr les hommes par l'épée, par la famine, par la mortalité, et par les bêtes sauvages de la terre. Quand il ouvrit le cinquième sceau, je vis sous l'autel les âmes de ceux qui avaient été immolés à cause de la parole de Dieu et à cause du témoignage qu'ils avaient rendu. Ils crièrent d'une voix forte, en disant: Jusques à quand, Maître saint et véritable, tardes-tu à juger, et à tirer vengeance de notre sang sur les habitants de la terre? Une robe blanche fut donnée à chacun d'eux; et il leur fut dit de se tenir en repos quelque temps encore, jusqu'à ce que fût complet le nombre de leurs compagnons de service et de leurs frères qui devaient être mis à mort comme eux. Je regardai, quand il ouvrit le sixième sceau; et il y eut un grand tremblement de terre, le soleil devint noir comme un sac de crin, la lune entière devint comme du sang, et les étoiles du ciel tombèrent sur la terre, comme lorsqu'un figuier secoué par un vent violent jette ses figues vertes. Le ciel se retira comme un livre qu'on roule; et toutes les montagnes et les îles furent remuées de leurs places. Les rois de la terre, les grands, les chefs militaires, les riches, les puissants, tous les esclaves et les hommes libres, se cachèrent dans les cavernes et dans les rochers des montagnes. Et ils disaient aux montagnes et aux rochers: Tombez sur nous, et cachez-nous devant la face de celui qui est assis sur le trône, et devant la colère de l'agneau; car le grand jour de sa colère est venu, et qui peut subsister ?
il y a certes des plans symboliques, assez représentatifs du cinéma soviétique, comme le maquillage de viellard du Fliora final qui tire sur le portrait d'Hitler, ou la marche des partisans sur un chemin tortueux où les saisons se succèdent pour suggérer le temps qui passe. mais je n'y ai rien vu de lourd et rien qui fasse décrocher mon attention. ce n'est pas un film de guerre, c'est
la guerre de Fliora. et le carton final qui annonce que des "oradours" il y en a eu 600 en bielorussie à cette époque, enfonce le clou et replace l'histoire que l'on vient de voir dans la perspective de la 2ème guerre mondiale.