Un des plus grands polars jamais réalisés, tout simplement.
Un film qui démarre de façon relativement classique : un beau héros charismatique en relation fusionnelle avec une jeune fille magnifique, un méchant cinglé, un collègue flingué "à deux jours de la retraite", un nouveau coéquipier falot... Et pourtant, au fil du film, tout est totalement dynamité : la relation flic/copine de flic se révèle moins romantique que prévu puis totalement malsaine (ah, cette dernière scène de "sexe"...
), notre héros enfreint des lois au point d'en devenir en cours de métrage de plus en plus inquiétant. Et puis, comme il a souvent été dit dans ce topic, il y a cette manière unique qu'a Friedkin de donner à ses polars des allures de documentaire...
Pourtant le côté doc est moins marqué que dans French Connection, se mêlant admirablement avec une esthétique typiquement 80's qui devrait pourtant par sa nature même neutraliser d'emblée toute notion d'intentions réalistes. Mais ça passe. On a vraiment l'impression de voir les choses exactement comme elles se passent dans la vraie vie et petit à petit, on se retrouve face à un film dans lequel on sent que tout peut arriver, même le pire même si quelques notes d'humour désamorcent la tension comme par exemple cette poursuite dans l'aéroport où truand, flics en civil et flics en uniforme se retrouvent et s'entrebraquent jusqu'à l'arrivée d'un gars qui balance "moi, j'étais juste venu pisser".
De ce point de vue, la fin est vraiment remarquable, allant très loin dans le refus du happy end tout en étant totalement pertinente par rapport au reste du film. Il y a bien sûr
la mort de William Petersen, que non seulement on ne voit pas venir mais qui arrive brutalement, froidement, sans ralenti ni coéquipier désespéré qui hurle à la mort en tenant son pote dans ses bras. Et quand, au final, Willem Dafoe allonge John Pankow et pose une brassée de paille sur son corps afin de le faire brûler vif, on en est à se dire que le film pourrait très bien se finir comme ça, à la [célèbre western spaghetti] (évitons le spoil...). Mais, encore plus fort, quand on voit la scène finale, quand on comprend que
Debra Feuer va vivre avec le coéquipier de Petersen le même cauchemar qu'avec ce dernier, on en vient presque à regretter que John Pankow n'ait pas été tué dans la scène finale.
A ça, il faut ajouter une des plus grandes scènes de poursuite en voiture de l'histoire du cinéma, qui n'est pour moi dépassée que par celle de
French Connection et de
Bullitt. On retrouve cette même construction, cette même montée de tension de plus en plus crispante au fur et à mesure. C'est pas juste un morceau de bravoure, une séquence à la gloire des cascadeurs mais une vraie scène dans laquelle le duo de flic franchit un cap, un point de non-retour, un moment où tout commence à devenir totalement dingue et où ils savent qu'ils sont prisonniers d'une histoire qui ne va pas les lâcher (sentiment confirmée par la révélation concernant le personnage enlevé et tué). Sinon, j'adore un des tous premiers plans de la poursuite, ce travelling latéral longeant le pont révélant successivement les flics dans une ruelle en contrebas puis leurs poursuivants sur le pont avant que les deux voitures se rejoignent au bout du pont.