Bon, bon, je vois qu'il y a eu un débat un peu houleux sur ce thread (en même temps, comparer "First Blood" à du Luc Besson, ça a de quoi soulever une légitime indignation). Je viens de lire le roman, dont j'ai fait un compte-rendu rapide dans "En décembre, j'ai lu", excellent thriller captivant d'un bout à l'autre, et avec effectivement un body-count impressionnant. Le film prend donc des libertés avec le livre, sans la jouer à la sauce hollywoodienne pour autant. Car un grand reproche qui a été fait au film à l'époque par des critiques ne l'ayant pas vu, c'est de prétendre que le film était "un massacre", une boucherie qui faisait l'apologie de la violence. Alors qu'au contraire, on voit bien qu'il n'en est rien, ce alors que la logique commerciale aurait voulu que Rambo tue tous les méchants, comme ce sera le cas dans les suites. Donc, premier point, on a un film d'action qui, bien que spectaculaire et dur, se refuse à se complaire dans la violence gratuite et bourrine. Le film condamne au contraire l'intolérance.
La principale différence avec le livre, c'est que le film prend parti pour Rambo (bien qu'on soit à des années lumière de la caricature belliciste qui suivra). Mais le film ne se range pas du coté des militaires ou des républicains, mais juste d'un opprimé. Comme dans le roman, Rambo est un marginal, un vagabond, d'apparence très hippie, et c'est cette apparence qui lui vaudra l'hostilité de la police. Rien d'invraisemblable là-dedans. David Morrell, l'auteur du roman, s'était d'ailleurs inspiré d'un fait divers réel (et il y a dû y avoir de nombreux cas similaires) : un groupe de hippies auto-stoppeurs avaient été arrêtés par la police d'une petite ville du sud-est US, qui les avaient déshabillés, arrosés au jet d'eau et avait rasé tous leurs poils (dans le roman, Rambo est tondu violemment), puis les flics les avaient conduits sur une route déserte et abandonnés à une cinquantaine de kilomètres de marche d'une autre ville. Donc, les flics bouseux "nazillons" du film devaient se trouver dans la réalité _ et d'ailleurs, des flics qui appréhendent quelqu'un uniquement sur son apparence, ça n'a rien d'exceptionnel. Manque de bol, le hippie SDF est en fait une machine de guerre, un expert en guérilla qui va renverser les rôles en opposant toutes ses ressources, son courage et sa force à la mentalité réactionnaire et à la veulerie de ses concitoyens. Il y a dans "First Blood" un coté "Rambo contre l'Amérique" bien éloigné du conservatisme dont on l'a accusé.
Maintenant, Rambo 1 est-il une œuvre subversive ? Je n'irai pas jusqu'à dire ça. Car le film glorifie également la fraternité d'armes ("Où ils sont tous, mes amis ?" dit Rambo à la fin du film) et la figure paternaliste de Trautman (la seule famille de Rambo, c'est l'armée) a été récupéré par Ronald Reagan par la suite (sans que ça ait été l'intention des auteurs du film, d'ailleurs). Cela a-t-il de l'importance ? Je ne crois pas non plus. (Et même, ON S'EN BAT LES COUILLES ! pour citer Le Patron
) En fait, Rambo s'inscrit simplement dans un processus d'acceptation de la guerre du Vietnam. Jusqu'à la fin des 70's, le Vietnam était un sujet tabou à Hollywood, du fait de la grande contestation qu'avait engendré ce conflit. Puis, avec "Voyage au bout de l'enfer", on a commencé à voir des héros de films et de séries TV vétérans du Nam (jusque là, seules quelques rares séries B avaient osé aborder ce thème, on peut aussi mentionner "Le merdier" de Ted Post, film mainstream de 1977 mais qui n'eut pas le même impact que le film de Cimino sorti l'année suivante). Donc, le roman First Blood de 1972 a mis dix ans à être adapté au cinoche, alors que le projet d'un film trainait depuis des années, adaptation simplement rendue possible par ce changement des mentalités et des gouts du public. Il a au moins permis au vétérans du Viet', qui était très mal vus de la population jusque là, d'être enfin acceptés par leurs concitoyens, ce qui n'est pas en soi une mauvaise chose.
Pour autant, "First Blood" est-il un film manichéen et militariste ? Ben, pas du tout, vu que Rambo est un paumé complètement perturbé mentalement, et le film montre bien toutes les conséquences dramatiques que la guerre peut avoir. Rambo c'est le résultat du sacrifice d'une génération par sa propre nation. Une nation qui rendait le troufion de base responsable d'une guerre "qui n'était pas la sienne".
Chose curieuse : le film a redéfini les codes du "film commando" alors qu'il n'en est pas un. Point de mission suicide ou de lutte anti-terroriste ici, mais juste l'histoire d'un homme qui veut sauver sa peau.
Quand j'ai découvert le film, j'ai été agréablement surpris, bien que mon père m'ait dit que c'était un bon film, je ne m'attendais pas à une œuvre aussi sombre et réussie. On est loin de l'image du gros bourrin bodybuildé et invincible beuglant en secouant sa mitrailleuse au ralenti qu'on verra dans le deux.
Quand à savoir si Trautman est un salaud, à mon humble avis, il est plus sympathique dans le premier, où il veut sauver Rambo, alors que dans les suites (le 3 surtout) il l'utilise en se servant de l'affection que Rambo éprouve pour lui. Dans Rambo 3, il y a un point de départ intéressant où Rambo a réussi à se réinsérer au sein d'une communauté, mais Trautman vient perfidement casser son nouvel équilibre, en l'embarquant dans une nouvelle guerre, lui disant qu'il n'a pas sa place parmi les bouddhistes mais uniquement en tant que machine à tuer au service de la CIA. Bon, malheureusement, toute cette relation ambigüe entre Trautman et son poulain n'est guère exploitée par la suite et on se retrouve avec une grosse bourrinade dénuée de profondeur.
Dernier point : STALLONE JOUE BIEN, NA !
Et la BO de Jerry Goldsmith déchire tout !