Bonjour (ou plutôt bonne nuit vue l'heure à laquelle je poste ce message
). Voilà un film jouissant en ces lieux d'une bonne réputation justifiée dans le domaine des "films qui étaient bien partis pour être de gros nanars qui tâchent et s'avèrent de surprenantes réussites". Comme je n'ai trouvé aucun sujet, j'en ouvre un ici et vous invite au passage à découvrir cette excellente bisserie si ce n'est pas déjà fait.
-_-
SATAN'S SADISTSTitre original : Satan's Sadists
Réalisateur : Al Adamson
Année : 1969
Pays : États-Unis
Genre : Sexe, drogue & rock'n roll (Catégorie : Bikesploitation)
Durée : 1h26
Acteurs principaux : Russ Tamblyn, John Bud Cardos, Gary Kent, Regina Carrol, Greydon Clark, Kent Taylor, Scott Brady, Jacqueline Cole
Encore un miracle sur pellicule ! Il arrive que même les pires tâcherons, que l'on croyait irrémédiablement voués à torcher les plus affligeants nanars par leur manque de talent, puissent se révéler capables de produire d'authentiques bons films, et cela alors que les conditions de tournage sont aussi misérables que d'habitude. Après Fred Olen Ray signant un très intéressant
"Scalps", c'est au tour d'Al Adamson d'être frappé d'un éclair de génie et de nous livrer une œuvre qui n'a pas volé son statut de culte. D'ailleurs, le fait que je prenne
"Scalps" en comparaison n'est pas fortuit, car j'ai personnellement trouvé des similitudes entre ce film et
"Satan's Sadists". Les deux films ont été faits à quinze ans d'intervalle et n'aborde pas du tout le même genre, mais ils possèdent un peu la même atmosphère délétère et claustrophobe et se déroulent tous deux en plein désert californien. Du moins, j'y ai vu une certaine ressemblance dans le ton (bien que la musique de
"Satan's Sadists" soit loin d'être aussi angoissante que celle de
"Scalps", et soit même pour tout dire assez ringarde, pas étonnant qu'elle ait fini sur le Radioblog).
Booorn to be wiiiiiiiild!"Satan's Sadists" est un film cru et cruel. Dès la séquence pré-générique, le ton est posé : un couple de jeunes roucoulent innocemment dans la campagne, quand soudain une horde de Hell's Angels dégénérés surgissent et violent la fille sous les yeux de son fiancé impuissant, avant de tuer les deux tourtereaux, sans remords ni égards pour la vie humaine, riant de bon cœur de leurs méfaits. Ce sont nos "héros", un gang de bikers ultra-violents semant la terreur sur les routes désertiques, s'en prenant à tout voyageur (et surtout voyageuse) isolé entre deux trips au LSD. Ils ne sont cependant pas si caricaturaux que ça, car tous ont des personnalités assez étoffées avec chacun leur part d’ambiguïté.
Bon, c'est vrai qu'il y a aussi du jeu d'acteur et des looks assez fendards.En premier lieu, leur chef, Anchor, joué par Russ Tamblyn. Sous son apparente tranquillité, il cache (à peine) une violence effrayante et une personnalité très tourmentée de psychopathe vicelard prenant un plaisir sadique à la souffrance d'autrui. Téméraire et même imprudent dans la violence, il tue sans motif apparent, juste pour rigoler, et n'hésite pas ainsi à terroriser les clients d'une station service jusqu'à commettre l'irréparable. Il y a cependant un cynisme désabusé et une révolte en lui, qui s'exprime par une tirade résumant la contestation de la jeunesse idéaliste de l'époque face à la vieille Amérique conservatrice et réactionnaire, lorsqu'il lance à un vieux policier tombé entre ses mains :
"Vous avez raison, je suis un sale bâtard. Et j'ai la haine en moi. Mais j'ai aussi des amis, qui eux n'ont pas de haine en eux, rien que de l'amour. Leur seul crime est d'avoir les cheveux longs, de vouloir vivre libres, faire l'amour et planer en regardant les étoiles. Et vous, les flics, qu'est ce que vous faites ? Vous défoncez tout, vous les tabassez, vous cassez leurs têtes à coups de matraque et vous les mettez derrière les barreaux. Et vous voulez connaitre la meilleure ? C'est qu'ils vous pardonnent." Et soudain, Anchor abat froidement le flic et tous les otages, avant de conclure :
"Moi pas."Russ Tamblyn, badass rigolard et flippant.Sa compagne Gina est jouée par Regina Carrol, épouse d'Al Adamson qui tournera à maintes reprises sous la direction de son mari. Elle hérite ici d'un rôle à la fois touchant et pathétique de femme désespérément éprise de son homme, supportant toutes les humiliations de la part d'Anchor et finissant même par se jeter d'un ravin avec sa moto lorsque l'amour de sa vie la rejette avec mépris. Un personnage complètement paumé et donc d'autant plus tragique.
Regina Carrol, femme bafouée.Parmi le gang, on trouve aussi Greydon Clark (futur réalisateur des navetons
Brigade des Anges et
Terreur Extraterrestre et du légendaire nanar
Le Clandestin ) dans le rôle d'Acide, un junkie moustachu accro au LSD, dont le comportement autodestructeur s'illustre parfaitement dans une séquence de roulette russe. John Bud Cardos, futur auteur des
"Bannis de Gor", incarne quant à lui Biture, un indien à crête d'Iroquois de nature plus humaine et moins enclin aux actes de violence, qui conteste à plusieurs reprises les décisions et même l'autorité d'Anchor (et il a bien raison, car leur taré de chef mène tous nos motards à leur perte). C'est sans doute le personnage le plus sympathique et humain, bien plus que le héros bien rasé et bien coiffé de service.
Greydon Clark, biker planant.
John "Bud" Cardos, la force tranquille.Ce héros, c'est Johnny (Gary Kent), un autostoppeur vétéran du Vietnam qui passait par là et qui va tenter de survivre face à la violence déchainée de la bande d'Anchor en s'enfuyant dans le désert avec la serveuse de la station service, suite au massacre des autres otages. D'apparence propret et vertueux, Johnny fera très vite preuve d'une brutalité égale à celle de ses ennemis lorsqu'il s'agira de sauver sa peau en tuant les membres du gang. Fracassant le crâne de l'un contre une vitre, noyant l'autre dans une cuvette de chiottes, Johnny n'est pas si net que ça. Bien qu'il répugne au meurtre (
"Au moins, au Vietnam j'étais payé quand je tuais un homme."), il n'hésitera jamais à y avoir recours pour survivre. Loin de moi l'idée de dire qu'il ait tord de se défendre, mais il est un héros plus inquiétant qu'attachant, et du coup plutôt intéressant par son ambiguïté. On sent qu'il n'est pas tranquille dans sa tête et il gardera sa part de mystère jusqu'à la fin.
Ah que Johnny, notre héros.
Johnny et la cruche de service (Jacqueline Cole).Le film n'est pas exempt des défauts techniques inhérents aux séries Z à très petit budget (montage abrupte, cadrages un peu approximatifs, très gros plans plutôt absurdes, zooms frénétiques dignes d'un Jesus Franco sous cocaïne...) mais Al Adamson est parvenu à insuffler une âme et une ambiance malsaine à son œuvre. En outre, il s'abstient de tout manichéisme, ses protagonistes enchainent les atrocités (viols, maltraitances, meurtres...) mais jamais il ne posera de jugement moral sur ses personnages et leurs actions (souvent entrainées par l'abus de drogues d'ailleurs), ce qui fait de
"Satan's Sadists" une œuvre dérangeante et en même temps pleine de charme et très jouissive, ne souffrant pas de grosses pertes de rythme contrairement à d'autres films d'exploitation de cette période. Certes, c'est complaisant, c'est racoleur, sans doute, mais dans le bon sens du terme (enfin j'me comprends). Et puis bon, dans les films dits "d'Auteur" accueillant les louanges des Grands Critiques aussi ils mettent de la violence et des femmes à poil qui servent à rien, alors...
"J'en ai pris plein la poire !"
A gauche, Kent Taylor, un fidèle d'Al Adamson vu également dans "The Mighty Gorga".Bref, un classique à voir absolument pour tout amateur de bis et de cinéma déviant, qui saura apprécier à leur juste valeur les qualités d'un film sortant des sentiers balisés du cinéma mainstream mais n'ayant pas à rougir face à des œuvres plus fortunées. Comme quoi, le cinéma d'exploitation le plus pur n'empêche pas la réussite sur le plan artistique.
Le héros Gary Kent et John Bud Cardos, photographiés en 2009.Et aux snobs qui qualifient ce film de "gro nanard lol" :
Iconographie :
http://cultandexploitation.blogspot.frNote : Bon film
Cote de rareté : 2, trouvable.
Bach Films a édité ce métrage dans sa "Collection Biker", avec une image et un son de qualité, et en bonus la bande-annonce et le making-of du film.