Un film que je possédais depuis longtemps (coffret I+II oblige) et que j'hésitais un peu à regarder, principalement pour cette raison : le premier film était adapté d'un fait divers et réalisé d'une façon réaliste et quasi-documentaire avec notamment une fin qui refusait le happy end, montrant le personnage principal sous un jour peu reluisant, tellement obnubilé par sa quête qu'il en devient franchement inquiétant (alors que deux minutes avant le générique, on pouvait encore le considérer comme un héros...). De plus, les cartons finaux semblaient interdire toute suite directe. Du coup, j'avais un peu peur d'une suite à la Rambo II, avec Gene Hackman quittant son commissariat après avoir lancé à son chef "Boss, cette fois, on y va pour gagner, hein?". Et comme j'avais lu quelque part que le film se clôturait par une course-poursuite, je craignais une surenchère dans la poursuite motorisée... Mais ma redécouverte récente de l'oeuvre de John Frankenheimer, notamment son grand apport à la mise en place des codes du cinéma d'action américain (première scène de kung-fu dans Un Crime dans la tête, impressionnantes scènes de bombardements dans Le train...) m'a amené à passer outre ce mauvais pressentiment. Inutile de dire que la surprise fut de taille...
A mon sens, French Connection II est une des meilleures suites jamais réalisées, parvenant à retrouver l'esprit du premier film tout en développant une personnalité qui lui est propre tout en faisant penser que, finalement, le premier film ne se suffisait peut-être pas à lui-même. On peut bien sûr regarder le Friedkin comme une oeuvre à part entière, un chef d’œuvre du polar urbain des années 70 mais ce second film apporte vraiment quelque chose. Déjà, le film donne une vision de la France et de Marseille qui fait abstraction de tous les clichés et qui respire l'anecdote, le vécu. A commencer par cette scène d'intro montrant les policiers marseillais victimes d'un poisson d'avril potache. De même, le parcours de Popeye, perdu dans une ville et un pays dont il ne parle pas la langue paraît vraiment réaliste. Il ne comprend rien, il fait des erreurs, se ridiculise (la tentative de drague dans un bar), il se met en danger, il n'a aucun repère et dans un premier temps, ses talents de flic ne lui servent à rien. De ce côté-là, il faut souligner l'excellente idée du doublage français qui est de faire parler Gene Hackman en français, marmonnant tellement que ses propos sont incompréhensibles alors que dans la V.O., il parle toujours en anglais face à des français qui ne comprennent pas un mot de ce qu'il dit.
Sinon, j'ai même trouvé le film plus sombre que le premier, comme en témoigne ce choix scénaristique couillu de consacrer une très longue partie du métrage au rapt de Doyle, à son addiction forcée à l'héroïne puis à son douloureux sevrage. Jamais un héros de polar aura paru à ce point pathétique, vulnérable, au fond du trou, démuni (sentiment qui commence quand il ne parvient pas à saisir son arme lors de son agression) avant de remonter la pente à travers la recherche de son lieu d'emprisonnement (où on retrouve les scènes d'enquête erratiques du premier film) puis sa destruction par le feu. Et enfin vient la scène finale, la fameuse course-poursuite qui m'a aussi très agréablement surprise car évitant une certaine forme de surenchère. Je sais que tout le monde sur ce topic n'est pas d'accord avec ça mais à mon sens, c'était particulièrement osé que de proposer en lieu et place d'une poursuite effrénée en voiture une course à pied, montrant un Popeye Doyle à peine sevré s'essouffler à courir après un tramway puis un bateau, et qui refuse d'abandonner même s'il est au bord de l'effondrement, scène se posant comme un point culminant d'une quête qui avait commencé comme une enquête de plus pour finir par devenir vraiment personnelle. Dans la plupart des films, on massacre en une scène la famille ou le meilleur ami du héros pour donner à la vengeance de celui-ci des allures mystiques ou cathartiques mais ici, il aura fallu deux films qui se complètent parfaitement pour parvenir à cette séquence finale, ce coup de feu qui clôt le film et la quête de Doyle.
Et puis ça fait quand même quelque chose de voir Gene Hackman donner la réplique à Bernard Fresson, Jean-Pierre Castaldi, Philippe Léotard et Manu Pluton (Le sadique aux dents rouges).
_________________ Lawrence Woolsey, précédemment connu sous le pseudonyme de deathtripper21...
"Godfrey Ho a beau avoir trouvé des Kickboxeurs américains, le duel entre la mariée et la robe restera LA baston du film." Plissken
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