San Francisco, au début des années 70. Un tueur se faisant appeler Scorpio tue une femme au hasard, et menace de recommencer si une forte rançon ne lui est pas remise. L’affaire est confiée à Harry Callahan, un inspecteur de police atypique. Solitaire, n’hésitant pas à sortir son arme, il est mal considéré par sa hiérarchie qui lui confie les tâches dont personne ne veut. Il se lance alors dans une chasse à l’homme afin de mettre un terme à cette folie meurtrière.
Deux ans après Bullitt, Clint Eastwood nous livre sa vision du flic de cinéma tel qu'il le conçoit : cynique, désabusé, solitaire et à la gachette facile, le film suscita à sa sortie de nombreuses protestations. Taxé de film "faciste" à cause des méthodes extrêmement brutales d'Harry Callahan, policier intègre de San Francisco, qui n'hésite pas à tirer avant de poser les questions ou à torturer ses suspects. Loin d’être un fasciste, Callahan se rapprocherait plutôt de la doctrine de la désobéissance civique de Thoreau et doit faire face à des situations qu’il juge absurdes. L’accusation de racisme ne tient guère plus debout, deux scènes au moins en attestent : la conversation avec le médecin noir qui s’occupe de la jambe de Callahan démontre qu’ils sont de vieilles connaissances. De plus, lorsqu’un officier explique à Gonzalès que Callahan déteste ‘les Rosbifs, les Ritals, les Youpins, les Métèques, les Négros, les Polacks, les Chinetoques’, celui-ci demande ce qu’il pense des latino-américains. Et Harry de répondre ‘spécialement les Chicanos’, tout en adressant un clin d’œil à l’officier. Don Siegel précise toutefois dans son autobiographie que ces deux scènes ont été écrites afin que la séquence face au cambrioleur noir ne soit pas mal interprétée. Il semble que cela n’ait pas suffit.
On a depuis trente ans beaucoup débattu sur l’idéologie de L’Inspecteur Harry, en vain sans doute, car le film n’a rien d’un manifeste, et ses auteurs n’ont rien voulu faire d’autre qu’un bon film d’action, où l’on peut éventuellement lire un rappel des droits des victimes.Mais tout cela ne doit pas faire oublier que L’Inspecteur Harry est l’un des tous meilleurs films policiers de l’histoire du cinéma, qui, trente ans après sa sortie, n’a pas pris une ride, et qui continue à marquer de son influence le cinéma d’action. Et c’est d’ailleurs la marque des classiques : depuis 1972, il n’existe aucun héros de films d’action qui n’ait été influencé, d’une manière ou d’une autre, par le personnage de Harry Callahan. Il faut dire que ce film représente le sommet du savoir-faire de Don Siegel. Un film policier, donc, mais surtout un film de chasse : car la traque de Scorpio ressemble à celle d’un animal sauvage. Tous deux connaissent parfaitement bien leur terrain d’opération - voir par exemple le générique dans lequel Callahan repère le toit d’où est parti le coup fatal. De plus, il opère avec un 44. Magnum, arme à l’origine destinée à la chasse comme le rappelle John Milius. Enfin, voyez le saut de Scorpio lorsqu’il est touché lors de la séquence du stade - idée à mettre au crédit d’Andy Robinson. Là est la vraie nature de L’Inspecteur Harry : un film d’action musclé, nerveux, brillamment mis en scène, tout sauf un tract politique.
En prime un des plus grands monologues de l'histoire du cinéma :
« Hin hin ! Je sais ce que tu penses : "C'est six fois qu'il a tiré ou c'est cinq seulement ?". Si tu veux savoir, dans tout ce bordel j'ai pas très bien compté non plus. Mais c'est un 44 Magnum, le plus puissant soufflant qu'il y ait au monde, un calibre à vous arracher toute la cervelle. Tu dois te poser qu'une question : "Est-ce que je tente ma chance ?" Vas-y, tu la tentes ou pas ? ».