"Stat rosa pristina nomine, nomina nuda tenemus"
De contemplu mundi, Bernard de Morlay, XIIème siècle
En l'année de notre seigneur 1327, notre sainte mère l'Eglise eut à subir un effroyable drame. Puisse mes mains relater avec véracité les évènements qui ensanglantèrent une abbaye bénédictine du fond de l'Italie. En ces périodes troublées où notre très saint Père le pape était retiré dans la ville d'Avignon, ces évènements vinrent semer le trouble sur une Eglise déjà fragilisée par les luttes intestines.
Je revois encore arriver frère Guillaume de Baskerville au sein de notre abbaye, accompagné de son novice Adso de Melk. Notre abbaye avait été choisie pour accueillir le concile qui devait avoir lieu entre franciscains et légats de notre saint Père afin de savoir si notre saint Mère l'Eglise devait être pauvre. Mais un premier drame vint troubler la quiétude de notre abbaye. Le jeune et talentueux Adelme d'Otrante qui excellait dans le noble art de l'enluminure avait été retrouvé atrocement mutilé au bas de l'enceinte, au pied de l'imposant bâtiment que constituait alors notre bibliothèque.
Quand Guillaume arriva au scriptorium, il se heurta à frère Malachie, alors en charge de la bibliothèque. Pour une raison que nous même ignorions, il était strictement interdit de pénétrer dans les réserves. Nul n'y pénétrait à part le bibliothécaire et son assistant. Il me faut mentionner ici, la personne curieuse qu'était frère Bérenger. Un frère inversé dans bien des domaines. Il ne cachait que difficilement une attirance coupable vers nos jeunes gens. Plus d'un novice ont eut à se plaindre de lui. Celui ci avait justement depuis toujours des regards insistant sur Adelme.
Le Vénérable Jorge, notre doyen fit alors son apparition et sermonna Guillaume sur son avis sur le rire. Jorge détestait le rire. Je me souviens quand j'était moi même novice, nous avions eu à essuyer sa colère pour avoir rit du spectacle d'un frère ayant glissé dans la neige.
Au deuxième jour de l'arrivée de Guillaume, un autre tragique évènement vint interrompre l'office des vêpres. Frère Venantius, notre meilleur traducteur de grec fut retrouvé plongé dans la marmite de sang de porc, près des soues. Le soupçon de Guillaume sur la bibliothèque ne pouvait alors que se renforcer. Cependant, il ne pouvait toujours pas pénétrer au sein de l'Edifice. Frère Remiggio offrit quelques informations en échange du silence de Guillaume sur son passé et celui de frère Salvatore, qui, ainsi que nous l'apprîmes par la suite, avaient été des dolciniens.
Les explications de Guillaume ne convenant pas à Messer l'Abbé, celui-ci signifia à Guillaume de ne plus poursuivre ses investigations en direction de la bibliothèque. Il était convaincu que ces morts était l'œuvre du Malin.
Ce fut avec soulagement que l'ensemble des moines vit arriver avec la délégation papale l'inquisiteur Bernard Gui. Celui ci découvrit avec une grande facilité que ceux qui étaient derrière ces actes abominables n'étaient autre que frères Remiggio, Salvatore et une immonde sorcière qui s'était introduit dans l'enceinte de notre lieu saint.
Le procès eut lieu, mais Guillaume s'entêtait. Il continuait à affirmer que tout ceci tournait autour d'un livre qui tue. il va de soi que cette élucubration ne pouvait tenir debout...du moins c'est ce que je croyait. J'appris par la suite que Guillaume avait réussi à découvrir le passage menant à la réserve interdite. Je confesse que j'envie Guillaume pour cela. J'ai toujours été, que Dieu me pardonne d'un naturel curieux. J'aurait tant voulu suivre Guillaume et son secrétaire dans ce labyrinthe. Pour avoir récupéré les notes de Guillaume, je puis témoigner sans trop en dire que notre fabuleuse réserve était constitué d'une multitude de salles contiguës les unes aux autres, chacune étant rythmée par un verset des Ecritures.
Eut lieu alors pour une raison inconnue de nous un autre évènement tragique. Alors que nous contemplions le bûcher des trois hérétiques, nous vîmes que l'Edifice abritant notre bibliothèque était la proie des flammes. Guillaume fut sans doute le seul, avec son novice, à en connaître la raison. Je le vît ressortir avec plusieurs livres qu'il avait réussit à sauver.
Notre abbaye ne se releva pas de ce terrible drame. Peu après, l'abbaye fut désertée, ayant perdu ce qui faisait sa renommée dans toute la Chrétienté. Je suis revenu des années plus tard. Le feu avait tout consumé. Les bâtiments, du moins ce qu'il en reste, étaient envahis par les arbres. Quelques minuscules morceaux de papiers traînaient par terre. Je les ramasse encore et m'emploie à les conserver.
J'appris par le biais d'un frère que Guillaume avait été victime de la terrible épidémie de Peste qui sévit dans la deuxième moitié du XIVème siècle après notre Sauveur. Je me demande toujours aujourd'hui ce que Guillaume à put découvrir là haut...peut être qu'un jour, un autre que moi s'emploiera à résoudre ce mystère. Je referme à présent ce manuscrit en espérant que quelqu'un le complète avec ce que vécut Guillaume. Puisse son âme trouver le repos à travers les âges et puisse cet humble témoignage demeurer à postérité.
Sic transit gloria mundi.
Amen.