Up.
Un Tarantino bon cru, à n'en pas douter. Quelques réticences quand même :
-Comme dans les autres Tarantino, on ne peut pas dire que ce soit un film très riche sur le "fond". C'est le reproche principal que je ferais à l'œuvre du cinéaste dans son ensemble. Pour moi, Tarantino, c'est plus du bon (même du très bon) divertissement, qu'à proprement parler du cinéma très "fort". C'est toujours un plaisir de découvrir le dernier Tarantino, mais ça ne parvient pas à s'imprimer en profondeur dans mon âme de cinéphile.
-Christoph Waltz, qui reprend trait pour trait le même personnage que dans
Inglorious Basterds. Mêmes gestes, mêmes intonations, mêmes longues palabres, même contraste entre le raffinement du personnage et la dureté du métier qu'il exerce. Le job est fait, je ne dis pas, mais je suis très surpris qu'il ait reçu un nouvel Oscar avec ce rôle.
-Jamie Foxx, plus à sa place pour moi dans un polar que dans un western.
-La fin :
après tant de sang, tant de racisme et d'insultes, j'aurais trouvé plus appropriée une fin plus nihiliste. Au lieu de quoi, c'est pratiquement : "Ils vécurent heureux et eurent beaucoup d'enfants." Un peu décevant, comparé à Inglorious où la fin était un vrai festival.Venons en aux points positifs :
-Le film est particulièrement bien écrit, très captivant à suivre (malgré donc une fin éventuellement un peu faiblarde), très fort dans les dialogues. Tarantino n'avait peut-être plus atteint ce niveau de qualité dans l'écriture depuis
Pulp Fiction.
-Le politiquement incorrect. Un pur festival de cruauté raciste et cynique : les combats de nègres, l'étouffoir à nègres, le mot "nègre" qui revient toutes les deux phrases,
Foxx et Jackson qui se traitent l'un l'autre de "sale nègre" dans la scène finale. A prendre bien entendu au second degré. (Ceux qui pensent que Tarantino fait l'apologie du racisme dans ce film sont tombés complètement dans le panneau.)
-Di Caprio, qui campe un personnage très subtil.
On aurait pu s'attendre à un gros sudiste de service en plus, comme le propriétaire du ranch qui lance l'attaque avec les cagoules blanches plus tôt dans le film. Mais non. Les Noirs sont pour lui tout au plus un peuple en situation d'infériorité sociale, dont il se sert comme outil (pour le travail sur son terrain), voire comme objet de divertissement (combat de nègres), mais sans le même mépris inhérent. (Ce qui n'enlève quand même rien à la cruauté du personnage.) C'est même assez frappant de voir comme il se montre conciliant avec le personnage de Jamie Foxx, jusqu'à en prendre la défense aux détriments de ses propres hommes.-Enfin, la grande réussite du film : Samuel L. Jackson.
Un vrai OVNI. Tarantino avait déjà pris tout le public à revers dans Inglorious Basterds avec le personnage de Christoph Waltz qui cassait complètement les codes. Le personnage de Jackson produit pour moi le même effet, et il y avait d'ailleurs pour moi largement matière à créer un buzz équivalent. Dans la scène où il apparaît, il m'a même fallu un certain laps de temps pour "atterrir". J'adore Jackson en général, mais là, je n'avais franchement jamais vu ça. Le pire, ce que je ne l'ai même pas reconnu pendant le film ( ). Ce côté lâche et pernicieux, couplé à un vocabulaire à l'ancienne du plus bel effet :
-"Ça fait combien de temps qu'elle y est (dans l'étouffoir) ?
-Elle y a passé toute la sainte journée, et elle en a encore pour dix jours à tirer."
-"Ce nègre en selle" (je ne sais pas pourquoi, mais cette formule m'a vraiment marqué. Je rêve de pouvoir la ressortir si un jour on voit un Noir participer aux épreuves d'équitation aux JO. (Pour l'humour, bien entendu, n'allez pas croire que je suis raciste. Je dis ça, je dis rien.))
-"Ils vous ont donnés du flan." (Celle-là, elle est déjà rentrée dans mon vocabulaire courant.)
Bref, du pur bonheur. C'est à lui qu'il fallait le donner, bon sang, ce fichu Oscar.Enfin voilà. Malgré les quelques réticences évoquées ci-dessus, un Tarantino d'un niveau très honorable.