Allemagne, début des années 30. Brian Roberts, jeune étudiant américain, a trouvé un logement dans un cabaret berlinois. Il y fera la connaissance de la chanteuse Sally Bowles et sera avec elle témoin de la montée des extrêmes dans un pays qui ne considère encore le nazisme que comme un petit groupe de nuisibles que l'on pense pouvoir moquer et manipuler impunément...
Disparu à 60 ans, Bob Fosse est sans doute l'un des plus grands chorégraphes de l'histoire de la danse et à mon sens le meilleur de l'histoire du cinéma, non seulement par l'inventivité de ses créations mais également par la façon dont il les sublime par ses compétences de metteur en scène de cinéma. Loin de se limiter à filmer platement des chorés déjà encensées sur scène, la technique ciné apporte vraiment un plus, démultipliant la puissance des chansons et du parallèle incessant entre l'univers confiné et joyeux du cabarat et le drame de violence, de xénophobie et d'intolérance qui se joue dehors.
https://www.youtube.com/watch?v=CX-24Zm0bjkCar c'est ici la plus grande force du film : comme le dit le maître de cérémonie de la revue, le public vient au cabaret pour oublier ses soucis. Ces mêmes personnes qui regardent ailleurs quand un juif est passé à tabac dans la rue vont faire à l'époque la fortune des cabaret pour ne pas affronter leurs problèmes, cherchant à se divertir à tout prix plutôt que réagir. C'est cette période faste du Cabaret dont parle ici Bob Fosse, nous entraînant dans un univers de paillettes où tout est fait pour faire rire, pour divertir, jusqu'à ce qu'il soit trop tard.
La structure du film est à la fois simple et redoutablement efficace : en parallèle de la vie et des amours de Brian et Sally dans un monde de plus en plus hostile à la différence, on assiste régulièrement aux numéros du Cabaret où ils vivent et où Sally travaille, le film s'ouvrant sur le numéro d'ouverture de la revue et se clôturant sur le grand final avec un message du maître de cérémonie sonnant comme un adieu aux années de folie et d'insouciance, à la fin de l'époque des cabarets et au commencement de la barbarie nazie.
Mais si le cabaret est présenté comme un échappatoire aux soucis du Monde moderne, les numéros et chansons ponctuant le film se font néanmoins le reflet caricatural des problèmes de la société. Hitler y est moqué, tout comme la stigmatisation des juifs et la violence des S.A, parfois ouvertement, parfois par un montage alterné entre ce qui se passe dans le cabaret et ce qui se déroule au dehors.
https://www.youtube.com/watch?v=I8P80A8vy9IEnfin, ce film propose un des plus beaux numéros de cabotinage de toute l'histoire du cinéma. Si Liza Minelli et les autres artistes de la troupe se donnent corps et âme dans les chorégraphies modernes et délirantes de Fosse, tout ça ne serait rien sans la performance hallucinante de Joel Grey dans le rôle du maître de cérémonie, ce personnage exubérant aux mimiques outrancières, à la voix flûtée rehaussée d'un accent germanique überkarikatural. Il nous offre une performance unique, de celles qui, non maîtrisées, te plombe irrémédiablement un film. Sans lui, le film serait tout de même très bon mais c'est pour moi son apport qui en fait un chef d'oeuvre !
https://www.youtube.com/watch?v=hBlB8RAJEEcEn bonus, l'affiche polonaise, qui malgré un petit côté Orange Mécanique, est assez fidèle à l'esprit du film :
Trailer :
https://www.youtube.com/watch?v=hYZ8cqMLuQg