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Dans un futur proche, des hordes d'extraterrestres ont livré une bataille acharnée contre la Terre et semblent désormais invincibles: aucune armée au monde n'a réussi à les vaincre. Le commandant William Cage, qui n'a jamais combattu de sa vie, est envoyé, sans la moindre explication, dans ce qui ressemble à une mission-suicide. Il meurt en l'espace de quelques minutes et se retrouve projeté dans une boucle temporelle, condamné à revivre le même combat et à mourir de nouveau indéfiniment…
Ayant pris l'habitude de ne plus trop me renseigner sur un film avant d'aller le voir, je n'attendais pas grand'chose de Edge of Tomorrow. Les quelques images vues sur le net et l'affiche me donnaient l'impression d'un blockbuster sans âme de plus. A cela, il faut ajouter la mauvaise surprise que fut
Jumper quelques années plus tôt. Si
Go et
La mémoire dans la peau m'avaient amené à suivre avec intérêt la carrière de Liman, ce dernier film m'avait beaucoup refroidi tant il paraissait froid, plat et sans âme. Et même si j'avais bien aimé
Mr et Mrs Smith, on était loin du niveau d'un
Bourne Identity alliant spectaculaire et réalisme. Mais avec
Edge of tomorrow, le réalisateur a fait ce que je considère comme son meilleur film, qui me fait de nouveau attendre la suite avec impatience.
Comme d'autres l'on dit avant moi dans le topic "en juin, j'ai maté...", ce film est sans doute l'une des toutes meilleures transpositions de l'univers du jeu vidéo au cinéma. On pourrait n'y voir qu'un lointain remake d'
Un Jour Sans Fin mixé avec une version futuriste de la scène du débarquement du
Soldat Ryan mais le scénario surprend par son inventivité, par la façon qu'il a de dépasser son postulat de départ et de prendre des risques. Le risque de la répétition déjà, sans doute le plus gros écueil sur ce genre de projet. Non seulement on ne s'ennuie jamais mais ces répétitions, Liman prend le risque de les développer : si l'on a au cours du film souvent recours à l'ellipse, les mêmes scènes d'intro (réveil de Cruise, arrivée de Paxton, présentation de l'équipe, départ au combat) sont répétées, et sur la longueur.
Tout passe par le jeu des comédiens, dont un Tom Cruise véritablement impérial, que l'on voit évoluer en connard cynique brusquement jeté au coeur des combats qu'il promouvait (oui, ce mot est moche) pétant de trouille pour finalement s'affirmer, gagner en véritable charisme autant qu'en aisance dans l'art du combat (ou l'art de la guerre au sens large). Les autres comédiens sont aussi au top dont un Bill Paxton de plus en plus décontenancé face à sa nouvelle recrue moins gauche et flippée qu'il ne le croyait. les scènes où, par son comportement, William Cage casse le discours rôdé du sergent Farrell sont assez savoureuses et renvoient à la déconstruction du discours militaire comme processus de déshumanisation des individus tel qu'on le voit dans
Full Metal Jacket.
Mais le film est loin de se limiter à cette astuce scénaristique. Et c'est même marrant de voir que c'est par le travers le plus éculé du cinéma hollywoodien, la traditionnelle romance, que
Edge of tomorrow trouve vraiment son âme. Car si l'on passe la moitié du film du côté du personnage de Cruise, peu à peu on se trouve dans la peau de la Full Metal Bitch Rita Vrataski (Emily Blunt) qui commence par former Cruise à l'art du combat et lui apprend tout ce qu'elle sait sur la situation qu'il vit pour finalement être dépassée par la situation et devoir s'en remettre entièrement à lui. Le jeu d'ellipses s'efface et on ne sait plus si ce qu'on voit pour la première fois a déjà été vécu par Cruise ou non.
De ce fait, les personnages acquièrent une nouvelle dimension : dans une scène comme celle de l'hélicoptère, Cruise a le regard de celui
qui a vu mourir encore et encore celle qu'il commence à aimer pour avoir passé tant de temps en sa compagnie, et Emily Blunt est à la fois confiante et méfiante envers celui qui sait d'emblée comment les choses vont se passer mais en sait aussi probablement beaucoup plus sur elle qu'elle n'est prête à lui en dire à ce stade de leur relation.
Mais c'est dans ses dernières scènes que le propos du film trouve vraiment son point culminant :
alors que jusque là, la vie et la mort n'était qu'un jeu devenant au fur et à mesure de plus en plus sérieux, alors que les personnages sont vraiment attachés les uns aux autres et qu'on a saisi toute l'ampleur de leur mission, la perte du pouvoir de Cruise les fragilise énormément, autant parce qu'il sait que s'il meurt maintenant, il meurt définitivement et l'humanité est perdue, mais aussi parce que, si elle meurt, il ne pourra pas la sauver une nouvelle fois. On sort de l'univers du jeu vidéo pour entrer dans la vraie vie, le spectateur est hyper tendu dans son fauteuil tant il s'est attaché aux personnages et en plus, les personnages évoluent dans un décor qui leur et nous est totalement inconnu...Au final,
Edge of Tomorrow est un film fort, humain, d'une grande intelligence scénaristique et qui, s'il n'a apparemment pas eu le succès escompté au Box Office, devrait s'imposer sur la durée.