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Lisa et Julien sont mariés et mènent une vie heureuse et sans histoire avec leur fils Oscar. Mais leur vie bascule, quand un matin la police vient arrêter Lisa pour meurtre.
Elle est condamnée à 20 ans de prison.
Persuadé de l'innocence de sa femme, Julien décide de la faire évader.
Jusqu'où sera-t-il prêt à aller "pour elle" ?
Ce qui frappe d'emblée dans les films de Fred Cavayé, c'est leur énergie, le cinéaste étant l'un des seuls aujourd'hui capable en France de non seulement s'accommoder d'un budget modeste mais également de mettre cette contrainte au service de son film, l'urgence du tournage servant de pied d'appui au rythme de son film lui-même. On tourne vite, les personnages courent dans tous les sens, la caméra à l'épaule est de mise MAIS l'action reste lisible et le tout retranscrit parfaitement le chaos dans lequel évoluent ses personnages.
Tout le monde le sait, tout le monde le répète, l'âge d'or du cinéma de genre, de la série B est né de cette même urgence, de ces mêmes budgets étriqués, de ces mêmes cinéastes surmotivés et créatifs portant leur film sur leurs épaules jusqu'à épuisement total, entraînant par leur passion et leur énergie tous leurs collaborateurs avec eux. Fred Cavayé parvient à retrouver cet esprit, tout en donnant une vraie patte personnelle à ses films, les rendant clairement identifiables dans la faune du cinéma de genre à la française. Ce sont également des films dont le making of est tout aussi intéressant que le film en lui-même, ce dont peu de nos cinéastes hexagonaux peuvent se vanter...
Mais les films de Fred Cavayé ne sont pas que des séries B pêchues. Ce qui les distingue également, c'est sans doute la capacité de leur réalisateur à humaniser ses personnages, à centrer son intrigue sur les émotions de ses protagonistes. Bien sûr, les personnages sont archétypiques et on peut résumer l'intrigue à "un homme veut sauver sa femme/son fils" mais sa réalisation implique véritablement le spectateur dans le récit. On s'attache aux personnages, on veut qu'ils s'en sortent, et ça, ça fonctionne autant grâce aux performances des comédiens qu'à un choix scénaristique conscient.
En effet, il ne suffit pas ici d'embaucher Vincent Lindon et de lui demander de jouer le gars au regard pétri d'humanité témoin et victime de la déshumanisation brutale et écrasante du Monde moderne. Même si le scénario de Pour elle n'est pas exempt de raccourcis ou d'incohérences (dont on se fout royalement le temps de la projection), ce qui lui donne un gros supplément d'âme, c'est par exemple ce choix de centrer le récit sur le personnage du fils de la famille, choix scénaristique que la mise en scène met bien en valeur sans non plus amoindrir l'aspect de vrai divertissement du film.
Donc, ce qui distingue
Pour elle et les autres films de Cavayé du tout venant de la production française, c'est cet équilibre entre le divertissement nerveux et l'aventure humaine, cette capacité à se poser quelque part entre les tentatives de cinéma de genre exubérantes et creuses et les pensums d'auteurs dot le scénario semble un copié/collé de manuel de psychiatrie pour les nuls. Le cinéma de Fred Cavayé est un cinéma de personnages, qui illustre parfaitement l'adage hitchcockien de l'homme ordinaire prisonnier d'une situation extraordinaire dans laquelle il ne peut survivre qu'en se dépassant et en enfreignant petit à petit toutes les règles de la société dans laquelle il vit.
Cavayé sait filmer l'action, il sait aussi mettre en valeur ses personnages, il sait qu'il plan signifiant, qu'un hors-champs, qu'une ellipse permettent bien souvent de régler bien des impondérables de production et il possède un sens du cinéma à l'état brut qui lui permet de surmonter toutes les difficultés de productions sans avoir à aller se plaindre en pleurnichant sur un système pourri qui broie l'ambition et l'originalité au profit de productions confortables formatées pour les dimanches soirs de TF1.
Bref, Fred Cavayé est un vrai cinéaste au service de divertissements nerveux, efficaces et qui ne cherchent ni à épater, ni à choquer, ni à viser un quelconque statut culte par une surabondance nauséeuse de répliques et scènes prétendument choc mais maladroites et coûteuses. Et c'est ce qui rend son travail remarquable et qui me donne personnellement envie d'aller voir tous ses films en salle, ce qui, je l'avoue, est plutôt rare pour moi dans le cinéma français actuel...
Du coup, il est d'autant plus intéressant de comparer Pour elle avec son remake américain : Les trois prochains jours, un film efficace au casting et à la réalisation solides mais d'une mauvaise foi totale quand on constate qu'il s'agit d'un copier/coller intégral du film d'origine alors qu'au générique, Paul Haggis apparaît comme seul et unique scénariste et qu'il faut attendre près d'une minute au générique de fin pour qu'apparaisse le crédit "inspiré du film Pour elle de Fred Cavayé", alrs qu'on a sans doute jamais vu un remake repompant autant le métrage d'origine depuis le Psycho de Gus van Sant...
Cela dit, cette repompe intégrale permet avant tout de dresser comme jamais un état des lieux du cinéma de divertissement français en comparant deux films ayant le même scénario, l'un produit par une major hollywoodienne et l'autre par une société de production française, avec quand même deux "stars" au générique : Diane Kruegger et Vincent Lindon. Déjà, on peut comparer la durée des métrages : 2h07 pour la version US et 1h30 pour la française. Un confort de production d'un côté qui permet de développer les scènes et de l'autre une urgence qui oblige à la concision : on voit sans doute sur l'écran tout ce qui a été tourné, parfois un peu maladroitement, parfois un peu trop vite, ce qu'un montage nerveux parvient à masquer. Il serait d'ailleurs intéressant d'avoir accès au scénario d'origine de
Pour elle pour voir si les scènes que l'on retrouve dans
Les trois prochains jours sont des ajouts de Paul Haggis et sa team ou des idées de Cavayé abandonnées car trop coûteuses ou par suite de soucis de production. Je pense notamment à la scène dans le métro ou encore la scène au zoo.
C'est d'ailleurs marrant de constater que le grand moment du film de Haggis, le début de l'évasion de nos héros, commence au bout de 90 minutes de métrage, soit pile au moment ou le film de Cavayé se finit. Et si les scènes que je viens d'évoquer ont été ajouter par la production US, c'est également très révélateur de le différence entre une production US qui se construit selon les codes de la structure en climax avec poursuites en voitures et scènes de tension/suspense et une production française qui tire la patte dès qu'une scène affiche l'ambition de divertir son spectateur par du spectaculaire. Et alors que Les trois prochains jours a tout du divertissement efficace avec un petit supplément d'âme appréciable,
Pour elle nous laisse tout de même l'impression de se finir là où il aurait dû commencer, le film se tendant tout entier vers une résolution un peu expédiée.
Au final,
Pour elle est un divertissement populaire comme on en voit trop peu par chez nous, porté par une énergie peu commune, une passion du cinéma et un sens de la réalisation qui font de Fred Cavayé un des cinéastes français dont j'attends le prochain film avec impatience, un gars qui a l'énergie de s'accommoder de conditions de tournages à l'arrache mais qui maîtrise comme peu de ses compatriotes l'art de nourrir son cinéma des difficultés auxquelles il doit faire face pour mener à bien ses projets. Dans l'état actuel de la production française de films de divertissements non standardisés, c'est une qualité trop rare...
Bande annonce :
https://www.youtube.com/watch?v=E4A7medohvM