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Jacob Singer, un employé des postes new-yorkaises, est assailli par de nombreux cauchemars durant ses journées. Il voit des hommes aux visages déformés et se retrouve dans des lieux qu'il ne connaît pas.
Film vu dans le cadre d'un ciné de l'association d'internes en psychiatrie. La thématique attendue était celle du psycho-traumatisme.
Cinématographiquement parlant, le film est intéressant, bien réalisé, avec une interprétation solide (Tim Robbins en tête).
Maintenant, difficile de ne pas spoiler si on s'intéresse au(x) sujet(s) du film. Loin d'être une description clinique du syndrome psycho-traumatique, il n'en demeure pas moins que L'échelle de Jacob retranscrit de manière intéressante certains aspects de ce trouble. On peut ainsi voir comment la scène traumatique envahit de manière diffuse le quotidien de Jacob, dans une confusion permanente du sens de ce qu'il vit ; à ce titre, la séquence de la baignoire est une parfaite réussite, un évènement de son apparent présent n'étant qu'une redite, une reviviscence de son trauma. Sommeil et veille se confondent via le syndrome de répétition (qui peut provoquer cauchemars nocturnes comme hallucinations diurnes), la perte de repères temporels provoqué par le montage anarchique et déréalisant illustre la sortie du psycho-traumatisé du continuum spatio-temporel, qui ne vit plus que dans un présent-passé sans cesse renouvelé, parfois même incapable d'investir son espace ici (USA) car toujours bloqué là-bas (Vietnam). De nombreux éléments appuient l'idée de son décès antérieur (les lignes de la main), en écho au sentiment décrit par les victimes d'être mort sur place, d'être devenu une coquille vide depuis la survenue de l'élément traumatique. Ce que la fin du film appuie d'ailleurs de toutes ses forces.
Par ailleurs, Jacob devient un homme sous tension, qui sursaute au moindre bruit, et dont le système végétatif se détraque (l'hyperthermie, les douleurs dorsales), d'autres symptômes du psycho-traumatisme. Sa personnalité change, il devient méfiant et irritable, pouvant même être violent. Le film va encore plus loin en proposant une psychotisation de Jacob qui oscille entre syndrome de persécution délirant et théorie du complot avéré, sans qu'il soit permis au spectateur de trancher (on peut à ce titre regretter la carton final qui en plus d'être ridicule, enferme le film dans une compréhension unique alors que ses pistes sont beaucoup plus riches).
Il est également intéressant de soulever la relation qu'entretient le trauma de l'agression avec celui du décès de son fils. La culpabilité évidente de Jacob (c'est lui qui lui apprend le vélo et l'amène à sa mort) n'imprègne pas sans raison ses hallucinations persécutrices et renvoie à la culpabilité de la victime d'une souffrance psychique. Certes, on parle de Macaulay Culkin, mais tout de même... Une part importante du travail de Jacob sur lui-même est d'ailleurs d'accepter cette culpabilité pour s'en détacher et pouvoir faire face à la réalité de la mort (celle de son fils et la sienne) de manière apaisée.
Bon, certains spectateurs ont pu reprocher l'abondance de clichés dans l'illustration visuelle de la dichotomie Paradis/Enfer (c'est vrai qu'à la toute fin, il aurait peut-être été plus finot de moins appuyer la symbolique), mais perso, j'ai trouvé ça plutôt bien distillé (entre autres par le personnage de Jezzie qui parvient à être diaboliquement sexy sans en faire trop).
On pourrait également s'étendre sur la métaphore des soldats agressés par leur propre pays, mais on s'éloigne d'une réflexion psy.
Tout ça pour dire que c'était sympa (quelle concision !).