LA FIÈVRE DU SAMEDI SOIRTitre original : Saturday night fever
Réalisateur : John Badham
Année : 1977
Pays : États-Unis
Genre : Drame / Musical
Durée : 1h58
Acteurs principaux : John Travolta, Karen Lynn Gorney, Barry Miller, Joseph Cali, Paul Pape, Donna Pescow
Un petit thread pour donner mon avis personnel sur le film (et vous inviter à donner le votre) et au passage pour faire un petit coup de gueule vis à vis de l'émission radio "Blockbuster" sur France Inter qui m'avait beaucoup déçu par son "analyse" très superficielle et facile du film de Badham, en le faisant passer aux oreilles des auditeurs pour une bluette sentimentalo-niaise et une comédie musicale disco, confortant au passage ceux qui ne l'ont jamais vu dans l'image erronée qu'ils se font du film. L'un des intervenants, organisateur de la comédie musicale
"Grease" en tournée prochaine, avait même le culot de dire que
"Grease" (le film) avait sans doute beaucoup moins mal vieilli que
"Saturday night fever" (ou l'art de dire exactement le contraire de la réalité pour faire de l'auto-promo !). Eh bien NON,
"La fièvre du samedi soir", ça n'est pas juste
"l'histoire d'un p'tit jeune qui veut devenir le roi de la night pour draguer une jeune danseuse, avec des effets kitschs comme on n'ose plus en montrer et les Bee Gees qui chantent tout du long" (je n'ai plus en mémoire le commentaire exact mais en substance c'était à peu près ça). C'est un film à la fin duquel l'un des héros se donne la mort devant ses copains juste après que ceux-ci aient violé la fille du groupe à tour de rôle sur la banquette arrière de leur voiture. On n'est pas trop dans l'ambiance
"Wou hou hou ! Vive les strasses et les paillettes !" que les personnes qui ont juste vu l'affiche du film (ou ont juste écouté l'émission de France Inter) s'imagineraient...
"Saturday Night Fever" n'est pas une comédie musicale guillerette, kitsch et nunuche comme pouvait l'être
"Grease" (que j'aime beaucoup aussi, hein, et que j'ai toujours plaisir à revoir, mais qui ne joue carrément pas sur le même registre), pas plus que
"Rocky" n'était un film d'action testostéroné avec de la boxe tout du long. C'est un drame social très noir qui dépeint le désespoir d'une jeune génération, issue d'un milieu prolétaire, qui se réfugie dans un dérivatif (la danse en discothèque un soir par semaine) car elle est parfaitement consciente qu'elle n'a aucun avenir devant elle (un sujet plus d'actualité que jamais) et son héros tente d'exister et de donner un sens à sa vie par le biais de son talent pour la danse et d'une relation amoureuse avec une fille des beaux quartiers. Alors, oui, il y a des scènes de danse avec la BO des Bee Gees où Travolta assure comme un dieu, mais il ne faudrait pas réduire le film et la prestation de l'acteur vedette à ces seules scènes, finalement assez brèves dans un récit qui a un ton plus proche des œuvres de Ken Loach que de
"Grease". Si le film se conclue sur une note d'espoir, comme
"Rocky", ça n'est pas non plus la grosse happy-end, et l’œuvre parvient à être émouvante sans jamais sombrer dans le piège du pathos et du misérabilisme. En fait, c'est globalement plutôt un film dur, à la fois empathique et dur envers ses personnages (le héros en prend pour son grade sur la fin, et auparavant il se prend un beau râteau impitoyable de la part de celle qu'il aime quand il lui parle avec sincérité de son désarroi existentiel).
"La fièvre du samedi soir" est un très bon film, bien plus profond et touchant que sa réputation ne le laisse penser et dans lequel John Travolta montre qu'il est un grand acteur doublé d'un danseur magistral, le reste de l'interprétation ayant aussi l'occasion de briller puisque le réalisateur s'intéresse à tous les personnages (la belle héroïne intelligente et froide incarnée par Karen Lynn Gorney, le frangin ex-prêtre défroqué joué par Martin Shakar, la fille désespérément amoureuse du héros qui la traite comme une merde interprétée par la belle et fébrile Donna Pescow, le copain tête de Turc suicidaire joué avec sensibilité par Joseph Cali,...). Un film qui n'a pas pris une ride, malgré les boules à facettes, les cols pelle à tarte et les pattes d'eph'.