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 Sujet du message: Cinq survivants (Five) - Arch Oboler - 1951
MessagePublié: 27 Avr 2018 0:02 
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CINQ SURVIVANTS

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Titre original : Five

Réalisateur : Arch Oboler

Année : 1951

Pays : Etats-Unis

Genre : Post-apocalyptique

Durée : 1h33

Acteurs principaux : William Phipps, Susan Douglas Rubes, James Anderson, Charles Lampkin, Earl Lee



Dépeuplée par un guerre nucléaire mondiale, la Terre n'est plus qu'un désert, tous ses habitants ayant succombé aux nuages radioactifs. Seuls cinq personnes semblent avoir miraculeusement échappé à la catastrophe : une femme enceinte, un guide touristique philosophe, un employer de banque, un noir et un alpiniste raciste. Réfugiés dans une maison dans les collines, ils tentent de coexister malgré leurs différences...

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Sorti de façon très confidentielle en France à l'époque, salué par François Truffaut, demeuré totalement méconnu depuis et exhumé récemment chez Artus Films dans un beau DVD sous le titre "Les 5 survivants", le film d'Arch Oboler marque une date dans l'histoire du cinéma : il s'agit du tout premier film à traiter de la survivance de l'Humanité après un conflit nucléaire, au commencement de la Guerre Froide, alors que les Américains venaient d'apprendre que l'URSS possédait aussi l'arme atomique. Il ne s'agit cependant pas d'un film exploitant la peur naissante de ses contemporains mais bien au contraire d'un cri d'alarme sincère et réellement angoissant de la part de son réalisateur-scénariste, un tout petit budget qui n'était pas fait pour engranger des sommes folles au box-office (et ce malgré la grandiloquence outrancière de sa bande-annonce, qui suit de toute façon la règle de toutes les BA hollywoodiennes de l'époque). Le film pose pourtant les bases de tout ce qu'on verra par la suite dans des œuvres plus fortunées et à plus grande audience, et il n'a rien à envier à des films postérieurs comme "Le monde, la chair et le diable" (autre chef-d'œuvre sous-estimé sorti en 1959) ou le plus connu "Le dernier rivage" avec Gregory Peck et Ava Gardner. Ce qui frappe à la vision du film, c'est l'aspect d'authenticité et d'angoisse que l'on ressent malgré un budget de 75 000 dollars imposant une économie drastique d'effets spectaculaires.

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Quelques séquences particulièrement marquantes : l'errance de la jeune femme au début, déambulant seule à travers la campagne, tombant sur une voiture dont le conducteur n'est plus qu'un cadavre décomposé puis arrivant dans un village fantôme ou ne résonne que le son de la cloche de la chapelle battue par le vent; le dernier tiers dans une grande ville habitée par des squelettes, encombrée de véhicules abandonnés, dans un silence uniquement perturbé par le bruit du vent; le final au ton très pessimiste assez surprenant, hélas un peu gâché par une conclusion un peu plus conventionnelle (le producteur a du paniquer et imposer cette note d'optimisme un peu déplacée). Le spectre d'Hiroshima et Nagasaki n'est pas loin (six ans seulement), la première ville atomisée de l'Histoire étant d'ailleurs évoquée au détour d'un dialogue pour décrire les inquiétantes plaques apparaissant sur le corps d'un des protagonistes. La contamination n'épargne pas nos survivants, même des mois après la catastrophe et donne lieu à l'un des meilleurs rebondissements à la fin du film (dont je vous laisse la surprise).

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Néanmoins, malgré l'ampleur du désastre et la perte de tous leurs proches, nos héros tentent de reconstruire à la force de leurs bras un semblant de société, sous l'impulsion du héros philosophe, incarné à la perfection par un William Phipps hirsute. Un prolétaire qui a eu une vie de merde, citadin sans famille, et qui saisit l'occasion pour fonder ce qu'il n'a jamais connu, à savoir un foyer. Sa rencontre avec la jeune femme au début rappelle beaucoup une scène analogue dans "La nuit des morts-vivants" : la jeune femme seule, premier protagoniste, qui pénètre dans la maison vide, l'arrivée du héros, expliquant la situation et son propre parcours à la femme d'abord muette et déboussolée, avant d'être plus tard rejoints par d'autres rescapés, ça m'a vraiment fait penser au film de Romero, sorti 17 ans plus tard.

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L'ensemble du film repose avant tout sur les dialogues (même si les images fortes au noir et blanc expressionniste et les silences anxiogènes ont leur importance), lesquels s'avèrent fort heureusement très bien écrits et invitent à de véritables réflexions au lieu d'être juste là pour remplir de la pellicule, ainsi l'histoire est passionnante et le récit ne parait pas trop statique contrairement à son petit frangin dégénéré "Day the world ended". Les tensions apparaissent au sein du groupe lorsqu'ils recueillent le cinquième survivant, un alpiniste nazi qui échoue sur la plage au terme d'un improbable périple solitaire l'ayant conduit de l'Everest à New York. C'est l'indécrottable individualiste cynique, arrogant et plein de morgue qui va foutre la merde dans cette communauté qui parvenait à se reconstruire, bref, un sale con quoi. Toutefois, le héros n'est pas irréprochable non plus, refusant souvent d'affronter la réalité et tentant même de violer l'héroïne à un moment. Le personnage du noir est également inhabituel, bien loin de l'emploi attitré de simplet comique parlant en petit nègre des acteurs de couleur à l'époque. Le problème du racisme est d'ailleurs abordé de front. De même, la condamnation sans appel du danger nucléaire et du bellicisme suicidaire des grandes puissances était également très transgressif à une époque ou la propagande officielle proclamait volontiers que la bombe H était le miracle salvateur qui avait sauvé la civilisation en mettant au tapis l'ennemi nippon, sauvant nos boys d'un débarquement ou ils auraient eu à affronter des civils armés d'épieux de bambous. On regrettera simplement quelques références bibliques un peu trop appuyées et parfois assez déplacées, mais ce thème d'apocalypse l'imposait dans l'Amérique maccarthyste.

"Le danger, semble nous dire Arch Oboler, ne vient pas seulement des Russes mais tout autant de nous-mêmes" car à aucun moment il n'est fait mention de qui a commencé les hostilités, le résultat de cette folie collective de gouvernements se menaçant réciproquement de destruction totale est là à l'écran et il est plutôt crédible. Avec cinq acteurs réunis dans sa propre maison et son propre jardin, Arch Oboler parvient à réaliser un authentique grand classique de la science-fiction 50's, qui a d'ailleurs beaucoup mieux résisté à l'empreinte du temps que d'autres films plus connus et plus spectaculaires. Ici, point de craignos monster à pattes de poulet ou d'irradié maquillé à la truelle comme dans "Day the world ended" de Roger Corman, l'auteur évitant intelligemment tout élément ringard et montrant des personnages et situations bien écrits et interprétés, même si on note bien sûr quelques stéréotypes (mais légers) qui ne deviendront d'ailleurs des stéréotypes que par la suite, dans les innombrables survivals post-nucléaires dont "Five" était le précurseur.

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