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Suivant la recommandation de Sforza dans le topic de Doutes (Chronique du sentiment politique) : viewtopic.php?f=17&t=23158&start=20

... j'ai regardé (en deux fois quand même) ce classique du cinéma français. De Godard, je n'avais vu que Pierrot le fou, c'est donc mon deuxième, je ne vais donc pas généraliser sur la carrière de ce cinéaste.



Apparemment, c'est un des derniers Godard que l'on puisse résumer de manière assez linéaire sans difficulté. C'est un huit clos se déroulant essentiellement dans un appartement parisien, où de jeunes bobos têtes à claques, maoïstes à l'exception de l'un d'entre eux (plutôt proche du PC), emménagent pour les vacances d'été et débattent en bafouillant sur le marxisme-léninisme. Pour nos jeunes révolutionnaires, les vieux du PCF sont devenus des fantoches révisionnistes, le Club Med est fait sur le même schéma que les camps de concentration nazis, Le Figaro et L'Humanité sont unis dans un même combat pour la domination de l'ordre social bourgeois réactionnaire, et le seul vrai socialisme, celui qui dérange, le seul vrai défenseur des masses prolétariennes, c'est la Chine du président Mao et le Nord-Vietnam d'Ho Chih Minh. Au bout d'une heure de parlotte, ils décident de commettre un attentat contre l'ambassadeur soviétique vassal de De Gaulle et des Américains.

Comme ce sont de vrais rebelles, ils passent tout le film à saccager l'appartement qu'une amie (dont les parents sont en voyage) leur a prêté en taguant les murs avec des slogans tirés du Petit livre rouge. De toute façon, comme ils sont physiquement incapables de faire autre chose que de parler, réciter, disserter, écrire, penser et lire sur la sagesse des préceptes de Saint Mao Tsé-Toung et que même les scènes conjugales se règlent à coups de maximes socialistes en rapport avec l'actualité du moment...

Ce que je retiens du film : 1h32 de masturbation intellectuelle, en deux temps. Une première heure souvent HORRIBLE, parfois intéressante au premier degré lors de certains dialogues plutôt intelligents, parfois à la limite du nanar à force de lourdinguerie prétentieuse, mal jouée et à côté de la plaque, parfois juste chiante comme la mort. Au bout d'une heure éprouvante, ça devient pas si mal, lors de l'échange dans le train entre Anne Wiazemsky (madame Godard à l'époque) et Francis Jeanson. Ce dernier (qui joue bien) n'ayant aucun mal à dégonfler la baudruche creuse faite de certitudes absolues et d'arguments-citations dogmatiques de sa jeune interlocutrice en passe de commettre des attentats terroristes pour faire fermer les universités françaises, afin d'émuler l'exemple de la Révolution culturelle du président Mao. Vu que Godard était un chaud partisan de la dite Révolution culturelle, l'échange ne manque pas de piquant. De même que la fausse interview de Michel Séméniako qui suit et sa remarque pertinente et drôle sur les moutons. Et puis avec un suicide et un attentat, il se passe enfin quelque chose à l'écran.

Dans l'ensemble, le film a effectivement très mal vieilli et représente de mon point de vue le pire de la Nouvelle vague. La plupart des réflexions existentielles et politiques sont beaucoup trop écrites, pompeuses et obsolètes (Mai 68, les accords Mao-Nixon, les guerres sino-vietnamiennes, la documentation des millions de morts du Grand bond en avant et de la Révolution culturelle, l'adoption du capitalisme par les régimes communistes chinois et vietnamien à cause de l'incompétence criminelle de leurs premiers dirigeants messianiques (réforme agraire calamiteuse dans les deux cas) sont passés par là). Mais le film demeure intéressant par son reflet d'une époque, ou plutôt par son reflet d'une époque bien précise vue par une certaine jeunesse française membre d'une certaine élite intellectuelle. Et son reflet du cinéma d'auteur français, sous-catégorie "huit clos sans rythme où des acteurs parlent politique non-stop". Et puis les scènes où les comédiens rejouent la guerre du Vietnam dans le salon sont plutôt rigolotes.

Après de là à qualifier ce truc de chef-d'œuvre du septième art comme le font tous les critiques-cinéphiles snobs... J'emploierai plutôt le terme de "curiosité".

Frapper un homme à terre (enfin sous terre) et mon compatriote qui plus est,
ça fait mal. ^^'

Je ne vais pas défendre le film car je ne l'ai pas encore vu dans son entier, même si la comparaison à "doutes"
qui fut faite sur un autre topic me parait très désobligeante.

Je tiens cependant à mettre les points sur les i, on ne peut pas considérer La Chinoise comme faisant partie de La Nouvelle-Vague. On estime que le courant cesse vers 1965. Donc même s'il comporte certaines des marottes du Godard de la "première époque", le réalisateur s'est déjà partiellement dissocié du mouvement auquel il a contribué. Pareil pour le mépris d'ailleurs, qu'on ne peut plus vraiment qualifier de Nouvelle-Vague.

Merci pour la correction, Red Dear.

Perso, j'avais plutôt bien aimé Pierrot le fou et j'aime bien le cinéma expérimental en général. Il m'arrive aussi de mater des films de Jean Rollin certaines nuits sur Action, quand je suis d'humeur. Mais là le côté intellectualisant, élitiste, verbeux, donneur de leçons et le maoïsme omniprésent du propos m'ont un peu saoulé pendant la première heure, avant que le dernier tiers ne rattrape un peu les choses, y compris question mise en scène. Ou alors peut-être qu'on s'habitue progressivement à ce style ultra-éclaté et à la manière assez particulière dont certain.e.s comédien.ne.s récitent leur texte en bafouillant presque à chaque réplique. Mais j'ai l'impression que l'interprétation s'améliore au fur à mesure.

C'est ouvertement un film de propagande mais qui ne semble s'adresser qu'à une niche d'initiés assez restreinte. Il y a quelques échanges intéressants, des idées et des répliques marquantes, quelques symboliques rigolotes bien que simplistes (la barricade faite de Petits Livres rouges, que l'on voit sur l'affiche). Mais je ne dirais pas que Godard se montre un propagandiste très habile ni très subtile. De toute façon, il ne recherche pas l'efficacité, son film d'avant-garde révolutionnaire ne s'adresse pas du tout aux masses populaires (ou alors il loupe franchement sa cible), et ce tract filmique ne convaincra que les convaincus. Mais bon, encore une fois, ça reste une curiosité.

C'est beaucoup plus regardable que King Lear pourtant. Trop expérimental à mon goût.

Godard annonce les incidents de frontière entre Chine et U.R.S.S, en 1969, avec des dizaines de garde-frontières tués de chaque côté.

Après, mettre Kossyguine, le dernier à essayer de réformer le système soviétique avant Gorbatchev, sur le même plan que le dirigeant américain, c'est sacrément maoïste de mauvaise foi, oui.
Il y a quelques moments où l'humour particulier fait mouche, contrairement à King Lear, mais c'est assez mince.

Bref, comme tu dis, une curiosité.

Je ne recommande donc pas King Lear pour poursuivre l'exploration de l'œuvre de l'auteur helvétique.

Tu te rends compte que maintenant j'ai envie de regarder King Lear ? Je croyais que le film, produit par la Canon, n'avait jamais vu le jour,
tant Golam était furieux face au résultat. Après faut vraiment avoir une narine bouchée pour penser en tant que producteur que l'irréductible
vaudois rendrait une pellicule conformiste.

Diantre ! J'ai complètement zappé ce passage. Il va falloir que je le revoie (malédiction !).

L'interview de Molly Ringwald à propos de King Lear dans le doc Electric Boogaloo (où on voit quelques extraits du film) était très drôle. De mémoire : "Godard n'a pas voulu m'indiquer si mon personnage était morte ou endormie; dans le doute, je l'ai joué comme si j'étais morte." Et l'anecdote de Golan tout fier de montrer la nappe de restau où Godard avait signé son contrat avec la Cannon...