Un peu comme pour Misfits, une série euphorisante sur les premières saisons, puis qui devient déprimante sur la fin, surtout sur la saison 8, où c'est vraiment n'importe quoi.
Comme pour nombre de séries, le show se cherche durant toute la saison 1. Il y a énormément d'idées, sans doute un peu trop, du coup on délaye pour finalement trouver la forme finale de la série en cours de saison 2. je pense par exemple au gimmick des postures qui deviennent des tableaux célèbres comme La Cène par exemple, idée qui aurait plus marché sur le long terme sur une série comme How I Met Your Mother mais qui là, tranche avec le côté très sitcom de base du reste de la série. On peut aussi évoquer le générique de début, dans un réenregstrement plus dynamique que la version originale des premiers épisodes.
Donc, dans sa forme stabilisée, la série est excellente, chaque personnage est bien à sa place, il y a une énergie communicative et des gags et leitmotivs excellents. Et même si la relation Eric/Donna est assez vite redondante (on sort ensemble, mais finalement non, on va coucher ensemble, mais finalement non...) la série a l'intelligence de jouer la carte de l'autodérision à ce sujet.
Et puis, les choses commencent à lentement se dérégler, la série étant à son niveau victime de la jurisprudence Friends qui rend beaucoup moins acceptable auprès des fans la disparition d'un personnage important d'un épisode sur l'autre, qui se produit tout d'abord avec le départ de Midge (qui est un peu la MILF ultime) puis avec le remplacement de Lisa Robin Kelly qui jouait le rôle de la soeur d'Eric qui devenait ingérable sur le plateau (et qui décèdera malheureusement quelques temps plus tard). Mais le coup fatal porté à la série sera le départ d'Eric, amené avec des gros sabots avec installation en fin de saison 7 d'un perso qui devait le remplacer mais qui sera tué en tout début de saison 8, Bret Harrison, le comédien qui devait l'interpréter, ayant été retenu pour un autre projet. l'arrivée de Josh Meyers alias Randy, le nouvel amour de Donna à la coiffure improbable, ne convaincra jamais (ce qui se traduit par l'attitude de Fez à son égard, qui représente la réaction de rejet des fans).
Mais le problème principal de la série (et qui sera, je trouve, mieux géré par HIMYM), c'est l'impréparation au succès de ses créateurs (ce qu'on ne saurait leur reprocher). En effet, la série démarrant en 1976 et chaque saison se déroulant sur une année avec épisode de Thanksgiving, de Noël etc., il a été très vite compliqué voire impossible de poser la série sur le long terme tout en respectant cette évolution du temps. Plutôt que de poursuivre sur leur lancée et de faire déborder la série sur les années 80, on est passé très vite à une compression bizarre du temps, rejetant sa forme "Mad Men avant l'heure" où nos héros vivent par exemple la découverte de Star Wars en 1977 pour un jemenfoutisme Simpsonien dans sa chronologie qui ne lui réussit pas.
Le pire de ce point de vue, qui était déjà le souci sur une série comme Le Prince de Bel-Air, c'est l'incapacité des auteurs à savoir quoi faire de leurs héros une fois le lycée fini, refusant in fine de faire partir la série sur de nouvelles bases avec nouveaux décors (Dawson avait essayé, mais ce fut un festival de persos en mode "J'arrive et je repars à l'instant où je commençais à m'intégrer", s'intégrer signifiant coucher avec Joey). Ca se traduit encore une fois par le sur-place de la relation Eric/Donna, leur mariage avec déménagement dans une caravane n'aboutissant à rien, sans compter les sempiternelles bouderies d'Eric qui finissent par le rendre totalement antipathique : Donna fait un truc cool sans demander à Eric, Eric lui reproche, elle lui fait la gueule/le quitte, il demande pardon, elle le pardonne (parfois au bout de plusieurs épisodes quand même). Du coup, sa décision de "partir en Afrique" à la fin de la saison 7 apparait finalement comme un truc hyper égoïste et, même si ça fait quand même plaisir au fan de la première heure, le retour d'Eric pour l'ultime épisode reste une bien maigre consolation face au bordel qu'est devenue la série...
Bref, j'ai l'air hyper dur avec la série mais si on ne peut pas vraiment dire qu'elle a vieilli, il faut quand même à mon sens admettre qu'elle s'adapte mal aux standards de visionnage d'aujourd'hui. En effet, au contraire d'une série comme How I Met... qui a toujours été plus adaptée au binge watching qu'à la diffusion hebdomadaire (et dont les choix narratifs, pour qui la découvre en DVD en enchaînant les saisons, passe beaucoup mieux que pour les fans de la première heure qui, saison après saison ne voyait toujours pas se profiler l'ombre de la fameuse mère...), ici, enchaîner les saisons comme on suivrait une histoire et non pas comme un court divertissement du soir met petit à petit en valeur le manque de vision sur le long terme de ses showrunners (attitude qui, un an avant le début de la série, était déjà moqué dans Mes Amis, premier film de Michel Hazanavicius sur l'univers des sitcoms AB).
Après, ça fait toujours plaisir de se remater un petit épisode de temps en temps mais j'avoue que, à l'inverse de Friends, Seinfeld ou HIMYM, je crois que je ne me materai plus l'intégrale de la série, ou à la limite en me contentant d'un Best of des saisons 6 et 7 et en ne regardant que les épisodes 1 à 8 (jusqu'au départ de Kelso) et le tout dernier épisode de la dernière saison.
_________________ Lawrence Woolsey, précédemment connu sous le pseudonyme de deathtripper21...
"Godfrey Ho a beau avoir trouvé des Kickboxeurs américains, le duel entre la mariée et la robe restera LA baston du film." Plissken
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