Bon, je suis pas dans le secret des Dieux mais je pense que la principale différence entre les deux éditions (Devil story et Coffret Ninja) est tout simplement que Devil Story a été édité par Sheep Tapes (donc Nanarland) alors que le coffret Ninja a été conçu sous l'égide d'Artus Films. Et il y a donc une différence énorme d'approche entre un projet "amateur" fait par des passionnés qui ont un boulot à côté et une édition DVD classique qui prend place au sein d'un calendrier d'édition chargé, chez un éditeur relativement jeune mais qui doit, j'imagine, allier économie de moyens et performance pour rester dans la course étant donné la situation actuelle du secteur (crois-moi, je sais de quoi je parle, j'ai bossé un an dans ce secteur, mon mémoire de fin d'études y était consacré et depuis, entre autre chose, je cherche un boulot dans ce milieu mais c'est clairement là que j'ai le moins de réponses, à mon grand dam).
Sheep Tapes est donc un label porté par des passionnés qui bossent à côté et peuvent plus ou moins se permettre de faire évoluer le projet à leur rythme (même si bien sûr, ils auraient sans doute préféré que tout se passe vite). Ca veut dire prendre le temps d'enregistrer, plus d'un an avant la sortie, une piste son spéciale Nuit Excentrique, contacter des forumeurs pour leur demander une participation aux bonus, faire une restauration tip-top et un packaging soigné... Ils ont un budget, un calendrier mais n'ont pas les mêmes obligations de résultat qu'un éditeur plus classique. La situation est différente pour une production chez un éditeur, même non conventionnel comme l'est Artus Films. On est tenus à des délais (un projet d'édition se fait en quelques mois, et personne ne bosse que sur un projet à la fois), on a un budget précis qui ne doit pas être dépassé, et chaque petite chose qu'on veut rajouter, qui a l'air toute simple toute conne, peut faire dérailler la machine.
Pour prendre un exemple personnel, mon premier projet perso prenait place au sein d'une collection au processus d'édition rôdé. Avec enthousiasme, j'avais décidé de contrevenir à la première règle de la collection : ne pas proposer de bonus en me disant que j'allais me limiter à une "simple" galerie photo et à un court-métrage réalisé par le metteur en scène du programme principal. Eh ben autant pour le court-métrage, c'est passé sans problème, autant la galerie photo a été une vraie purge. Il a fallu trouver les photos, les récupérer, les trier, les restaurer, les organiser, ajouter un commentaire puis superviser tout un boulot d'infographie pour que la forme soit agréable à l'oeil.
Le problème est le même pour un sous-titre Trivia. Je suis super fan de ce procédé, que ce soit dans les DVD de Pulp Fiction ou des films d'Edgar Wright mais là encore, il faut trouver les infos, suffisamment pour qu'il n'y ait aucun temps mort durant la projection, choisir où on met quelle info, ensuite tout rédiger, envoyer le texte à un prestataire responsable des sous-titres pour qu'il te mette tout ça sous le bon format et aux bon endroit grâce aux TIME-CODES, ensuite tout relire pour éviter erreurs et coquilles, une fois les corrections faites, envoyer le fichier aux infographistes pour qu'ils intègrent le tout à l'édition, enfin il faut que regarder le film en entier pour être sûr que tous les sous-titres tombent au bon moment. Et à ce moment de l'édition, on a moyen le temps de se poser tranquillement dans un fauteuil pendant 1h30, entre autre parce que le délai de sortie approche, qu'on a déjà mis en place une campagne de pub avec des partenaires, des dossiers de presse envoyés partout et que si, le jour annoncé, le produit n'est pas dans les bacs, la sortie est reportée, généralement d'un mois (loi de la distribution oblige) et le client, ne voyant pas le produit attendu à la FNAC, passe à autre chose. Et la boîte en prend un coup question crédibilité...
Après, je le répète, je ne sais pas comment s'est passé l'édition mais le fait qu'Artus Films ait accueilli la collection Les Improbables de Nanarland, c'est déjà énorme, c'est un grand pas en avant pour Sheep Tapes mais je pense d'après mon expérience que chacun des deux participants a dû faire des concessions pour que le projet soit viable, en plus dans un secteur aujourd'hui pas vraiment ouvert aux projets de passionnés. Bien qu'ayant ses amateurs, chaque jour plus nombreux, le nanar est quand même ce qu'on appelle un marché de niche qu'un éditeur DVD sérieux doit considérer comme tel, avec le respect dû à ses amateurs mais sans perdre de vue les réalités du marché.
Voilà voilà...