Vu (enfin !) hier soir.
En quelques mots: tant sur la forme que sur le fond, c'est un naveton sans intérêt. Le genre de téléfilm qui pourrait occuper le prime d'une chaîne du câble un jour creux, parce qu'il n'y a rien d'autre à se mettre sous la dent. C'est académique dans la réalisation (mais pas particulièrement honteux), assez amateur dans l'interprétation et, sur le fond, plutôt inoffensif. Mais jamais vraiment drôle au premier degré non plus.
Évidemment, le seul véritable intérêt de ce film de 2001, c'est de le regarder à l'aune de ce qu'est devenu son auteur depuis et ça, faut l'savoir.
En 2001, Soral, ce n'était pas encore le prophète de l'Apocalypse qui réactualise les Protocoles de sages de Sion depuis son canapé rouge entre deux saillies sur la femme de Stéphane Guillon et une quenelle devant le mémorial de la Shoah. Le Soral de 2001 adhérait encore au PCF (adhérer au parti communiste après 1989, si ça c'est pas un truc de loser...), théorisait sur la drague de rue (
Sociologie du dragueur, etc.), passait à
C mon choix pour emmerder Isabelle Alonzo et les féministes, faisait des piges pour des magazines féminins et s'inscrivait encore dans une démarche de branché white-thrash radical-chic. D'ailleurs,
Jusqu'où va-t-on descendre, le livre qui contribuera vraiment à entamer sa radicalisation ne sortira qu'un an plus tard. (Livre où il avouait d'ailleurs détester Dieudonné. Mais ça, c'était avant).
La thèse de Soral dans Confessions d'un dragueur en vaut bien une autre: la démerde, la débrouille, la tchatche peuvent permettre à un petit maghrébin de cité (et là, je spoile tel un sioniste internationaliste à la solde de l'Empire, mais "Fabio", le personnage joué par Taghmaoui, s'appelle en fait "Farid") de sortir de jolies bourgeoises des quartiers chics et même de devenir le mentor d'un étudiant de Sciences Po un peu coincé et un peu timide. Mais in fine, les deux seront rattrapés par la réalité de la lutte des classes et c'est toujours le CSP ++ à gros diplômes et fort pouvoir d'achat (le personnage de Dutronc habite un appart immense dans les beaux quartiers alors qu'il n'est qu'étudiant) qui sortira vainqueur de la compétition sociale pour la possession des femmes. Une thèse pas très éloignée de celles que Houellebecq avait développé dans
Extension du domaine de la lutte.
Mais Houellebecq, c'est quand même une petite fiotte là où Soral est un parangon de virilité, alors quand c'est Soral qui l'explique, c'est mieux et ça, faut l'savoir.
La drôlerie au troisième degré du film vient en fait de l'accumulation de tous les petits détails qui montrent que le Soral au canapé rouge était déjà en gestation dans le Soral de 2001. Que ce soit la scène du tabassage gratuit d'un gay juste parce qu'il a le malheur de l'être, la mysoginie profonde du propos (les femmes sont soit des cruches qu'on emballe en 5 secs avec un peu de bagouts ou des salopes avides qui préfèreront toujours le riche mollasson au prolo viril), le virilisme à outrance, etc, etc. Alors, certes, on ne retrouve nulle part dans le film des allusions à son obsession favorite d'aujourd'hui (les ju... euh, les sionistes), mais les bases soraliennes étaient quand même déjà bien présentes. Peut-être l'échec commercial de son film qui l'a rendu tricard dans le milieu du cinéma (à l'époque, Télérama avait plutôt aimé, d'ailleurs) a-t-il contribué à le remonter contre le "système" (parce que bon, hein, le cinéma, la télé, la presse, les juifs, l'EMPIRE, hein, et ça faut l'savoir) ? C'est ce qu'il sous-entend un peu dans
Jusqu'où va-t-on descendre et
Misères du désir quand on lit entre les lignes. Il aurait été marrant de voir son évolution si son film avait réussi et lui avait ouvert les portes du show-biz.
"Alors, j'aimerais vraiment dédier cet Oscar qu'on m'a remis pour "Confessions d'un dragueur" à Canal +, qui m'a lancé, à Bernard-Henri Lévy, mon mentor dans le milieu de la sociologie et à Stéphane Guillon, mon ami de toujours, le meilleur humoriste de France... Là, je prépare un film avec Gad Elmaleh, Elie Seimoun et Popeck sur la déportation d'une famille juive durant l'Occupation. Ce sera un drame terrible et ceux qui ne pleureront pas n'ont vraiment pas de coeur. Un film que je dédie aux vaillants combattants de Tsahal confrontés à la barbarie fanatique ! Courage, les gars, je suis avec vous ! Am Israel Hai ! Et j'ai baisé la femme de Dieudonné et ça faut l'savoir."