Depuis mardi soir, je souffre d'une terrible maladie causée par l'abus de surjeu, de mines exorbitées et de déclamations grandiloquentes, dont j'avais connu les premiers symptômes avec Parking.
Depuis que j'ai vu Le Faucon, je souffre d'addiction au jeu du "nouveau Gérard Philipe" qui montait dans le cinéma français des années 80.
Je fais de l'hustérie.
Accro donc à Francis Huster, j'ai entrepris de regarder sur YouTube un film totalement oublié de 1985 dans lequel il a le rôle principal, alléché par le casting prometteur : Francis Huster, Carole Laure, Jacques Villeret, Michel Blanc, Catherine Alric, Jean-Luc Bideau et Zouc, le tout réalisé par un quasi-inconnu, Bay Okan, qui avait d'abord fait carrière dans le cinéma turc comme acteur sous le nom de Tunç Okan. Installé en Suisse, Okan avait d'abord réalisé un drame sur le destin de neuf émigrants turcs qui tentent leur chance en Suède, Otobüs, qui est apparemment un film réputé, et dérangeant par son regard sur l'Occident.
Puis neuf ans plus tard, il se fond dans la comédie existentialiste avec
Drôle de samedi
Pour une fois, l'élément le plus casse-gueule du film n'est pas que Francis Huster soit la vedette. Certes, son jeu est excessif, quoique calmé par rapport à deux de ses autres sommets, mais il se retrouve dans une sorte de film choral avec des personnages qui se croisent et enchaînent des scènes "comiques", en ayant comme référence aussi bien Robert Altman, Tati, Lelouch et probablement Et la tendresse ? Bordel ! de Patrick Schulmann, en raison de la présence de Jean-Luc Bideau, quoique le tournage à Neuchâtel ait pu suffire à séduire l'acteur helvète.
Le principe est assez simple : un jeune couple (Huster et Laure) passe une journée bizarre, un drôle de samedi à croiser d'autres personnages qui traversent eux aussi des péripéties censées être drolatiques et absurdes. Conclusion : la vie est absurde.
L'exécution est nulle. Zéro rythme dans les scènes, acteurs absolument pas dirigés (quand les trois quarts des personnages sont joués par des amateurs, ça se repère un peu...), écriture pataude et paresseuse. Ça n'est que plan-plan et bâclé, là où le réalisateur et scénariste espérait une satire mordante de notre époque. L'approximation ne pardonne jamais dans ce registre.
Dans l'autre sens, il manque une grosse faute de goût qui rendrait au moins ce ratage fascinant. Même pas. Ce qui rend Samurai Cop, Troll 2, The Room ou Miami Connection tordants en V.O., c'est que des non-anglophones natifs ont voulu faire un film américain sans bien connaître la langue ou les usages, et ont insisté pour que les répliques soient jouées telles qu'elles étaient écrites dans le script. Là, Okan a au moins laissé les acteurs prendre du champ avec le dialogue, ce qui fait que ça reste chiant mais supportable.
Passons aux situations :
- Jacques Villeret est un boucher qui a tué sa femme, puis qui l'a transformé en salami d'un mètre de long. C'est la caution littéraire du film, vu que c'est adapté d'une nouvelle de Friedrich Dürrenmatt (La Visite de la vieille dame, La Promesse, dont Sean Penn a tiré The Pledge). Mais c'est sans queue ni tête. Je n'ai pas compris s'il a vraiment tué sa femme avant d'être condamné à mort et de demander à pouvoir manger le salami (sauf que le juge l'aurait déjà mangé) dans un flashback ou si c'est un rêve, avant qu'il ne pète les plombs dans la boucherie et tue trois autres bouchers dans l'atelier. Suit une scène de slapstick où il court avec un grand couteau pour égorger un autre boucher et le poursuit dans les rues de Neuchâtel en accéléré.
- un dentiste arrache par erreur la dent d'un client (Michel Robin) et masque son fiasco, puis il doit faire face à un client particulièrement pénible, un surdoué de 12 ans à qui on doit extraire des molaires et qui exige de connaître la formule du gaz anesthésiant. Huster, qui était le patient suivant entend l'engueulade et prend la fuite. Humour.
- Jean-Luc Bideau donne des cours d'auto-école à Michel Blanc, qui passe son temps à paniquer ou à piquer sa crise. Il emboutit deux voitures en se garant en marche arrière et Jean-Luc Bideau pète les plombs. Huster et Laure avaient croisé Blanc qui attendait son moniteur puis ils reconnaissent Jean-Luc Bideau quand il pète sa crise, parce qu'ils sont potes. Humour.
- Huster et Laure veulent aller déjeuner mais le resto a déjà fermé sa cuisine. Les garçons et le cuisinier débattent du fait de la réouvrir pour préparer "un petit steak", puis mettent dix minutes (la scène est interminable) à trouver la bouteille de Beaujolais commandée par le couple avant de leur offrir un autre vin. À la fin, ils leur servent du fromage, mais il s'avère qu'ils ont oublié de retirer l'emballage plastique du gruyère industriel, parce qu'ils n'ont pas de vrais fromages artisanaux. Humour.
- Huster et Laure s'arrêtent chez le photographe pour récupérer un appareil en réparation. Le client devant eux veut acheter un appareil photo et le vendeur (qui était visiblement vendeur d'appareils photo dans la vie) lui présente TOUS les modèles AVEC TOUS LES DÉTAILS ("C'est un appareil à visée reflex avec objectif 38 mm, ouverture 2.8 et on peut corriger manuellement l'exposition jusqu'à plus ou moins deux"). Là encore, c'est interminable. Au bout d'une demi-heure dans l'histoire, le vendeur comprend que le type voudrait un appareil photo très bien et pas cher, mais que ça n'existe pas. Il s'énerve. Le client se barre. Le couple a enfin le vendeur à eux, mais leur appareil n'est pas encore réparé. Ironie. Humour.
- un dragueur (le réalisateur) aborde des femmes assises sur un banc. Ça ne marche pas toujours. Humour.
- Huster pète les plombs alors qu'il fait les courses au supermarché, avec tout le monde qui est agressif et le bouscule. Il s'énerve et se réconcilie avec Carole Laure.
- une mère place son enfant en garderie. Le bambin casse tous les jouets, agresse l'institutrice et les autres moutards, parce qu'il pose plein de questions et qu'il n'aime pas les réponses. Sa mère revient alors que tous les autres dans la pièce sont traumatisés. Il lui pose une question et elle donne une réponse précise. Il est très calme, comme si de rien n'était. C'est ce qu'il attendait. Plus tard, Francis Huster le croise dans la rue et dit à Carole Laure qu'il aimerait qu'ils aient un gamin pareil. Ils s'embrassent.
À la fin, ils discutent dans la rue, ils se disent des trucs cons sur l'existence, et puis la caméra recule et s'élève sur une série de plans. Ça concerne toute la vie, ce film.
Ah, et Jacques Villeret doit prendre une douche à son arrivée en prison, c'est le règlement.
La musique est de Vladimir Cosma, qui ne s'est vraiment pas foulé. Deux thèmes au synthétiseur, dont l'un repompe note pour note dans sa première partie la ligne mélodique de la fameuse valse de Chostakovitch, sauf qu'à l'époque (sept ou huit ans avant les pubs CNP, 14 ans avant Eyes Wide Shut), la valse n'était pas du tout fameuse.
Et là, je m'arrête car j'en peux vraiment plus.
Je vous donne juste le lien YouTube :
https://www.youtube.com/watch?v=qcavke6L7C4
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