Avant-propos :
C'est avec une certaine émotion et un mois de retard que je me décide à poster une humble et première chronique sur ce forum. Je me permets d'insister sur mon manque d'expérience et vous prierais, amis lecteurs de me faire part de vos critiques les plus constructives en vue de l'amélioration du texte.
En particulier, je recommande de faire attention aux fautes d'accents, puisque j'ai rédigé sur un clavier qwertzu (ces gens qui chroniquent au boulot, tout de même ! ) et que les correcteurs automatiques valent ce qu'ils valent (et je ne parle même pas du correcteur/rédacteur analogique
).
Bonne lecture,
Jean-Patrick Floutard du service compta/relecture
La chronique :
Titre alternatif : Clash Commando
Réalisateur : Wallace Chan
Année : 1986
Acteurs : Paulo Tocha, Louis Roth, Eric Neff, Joe Redner
Genre : Les doubleurs défient l'empire des ninjas
Catégorie : Ninjas
Durée : 90 minutes
Depuis leur découverte, les ninjateries made in Hong Kong ont sans doute été l'un des genres qui ai fait couler le plus d'encre dans la communauté nanarlandaise. Et c'est pour chaque nanardeur un grand moment de nostalgie que de se rappeler son premier fou rire devant les facéties de Godfrey Ho et de ses compères : qui d'un téléphone félin, qui d'un bandana, et qui surtout d'une c[...]e de fille ! Hélas, comme pour tous les psychotropes, le phénomène d'accoutumance ne tarde pas à pointer le bout de son nez, d'autant plus que les grands responsables de tout cela ne se donnent pas toujours beaucoup de mal pour diversifier leurs œuvres. Le point de non retour est franchi lorsqu'on se surprend à regretter les imitations fauchées Italo-turques d'un Bruno Mattei ou d'un Cetin Inanç. Dès ce moment, les exigences sont telles que très peu de productions du genre sont capables de les satisfaire. Cela nous amène enfin à la question du jour : "Clash of the ninjas" n'est-il qu'un énième 2 en 1 sans âme ? Se révèle-t-il suffisamment barré et original pour obtenir une place au soleil dans nos vidéothèque ? Réponses courtes : non et oui (dans cet ordre).
Jetez tout de même un œil au reste de la chronique
Mais commençons par le commencement. Le film qui nous intéresse ici est un produit de chez Filmark, la société dirigée par l'énigmatique Tomas Tang, dont la nanardise suit bien souvent un parcours en dents de scie, d'un film à l'autre. A la réalisation, on crédite Wallace Chan, bien que certaines sources citent Godfrey Ho. Ce dernier, dans son interview, avait déclaré ne jamais avoir travaillé pour Filmark, mais il est tout de même troublant de retrouver certaines de ses habitudes de réalisation dans le métrage (le duel final reprend point par point le cahier des charges de chez IFD). Si ce n'est lui, c'est donc un bon imitateur.
"Salut, moi c'est Tomas Tang. Permettez-moi de vous faire visiter les locaux Filmark"
"Ici, c'est la salle de montage"
Notez l'air inspiré du sbire sur la gauche
"Mais de quoi en retourne-t-il au juste ?" me demanderez-vous avec impatience. Eh bien accrochez-vous parce que cette fois, le scénario est signé Spielberg (Kurt Spielberg, alias Jim Brown ?). Un méchant ninja se livre a un trafic quelconque a Hong Kong, mais risque de voir ses plans contrecarrés par un ninja d'Interpol. Pendant ce temps, dans un autre film, un autre héros cherche à se venger du sbire en chef du méchant ninja. Du jamais vu, en somme. Le fonds de commerce des méchants nous est présenté en début de film (partie occidentale) comme étant du trafic d'organes, mais de nombreuses incohérences laissent penser que l'intrigue du métrage asiatique comportait un pitch différent. Ceci dit, la trame reste tout de même très simple comparé à un Flic ou Ninja, mais j'y reviendrai plus tard.
Ça ne s'invente pas
Clash of the ninjardiniers
La partie asiatique s'ouvre donc sur la fuite de "cobayes" qui parviennent à mener une insurrection grâce a leur arme secrète : les "bouts de bois" (dixit les méchants). Outre la stupidité du propos, la chose qui frappe le plus est la réalisation. Ces scènes ont été tournées la nuit, sans éclairage, et, visiblement, par un directeur de la photo aveugle. L'action est absolument illisible, des gens courent se battent, impossible de savoir qui est qui et qui fait quoi. Comme si ça ne suffisait pas, les scènes sont caviardées par des inserts de méchants ninjas jaillissant de derrière les touffes d'herbes pour estourbir les fuyards. Techniquement, toute la partie est à jeter.
Un film qui fait beaucoup appel à l'imagination
Ici, on nous présente le méchant de la partie asiatique.
Avant de passer a la partie occidentale, qui, comme a l'accoutumée, contient la nanardise la plus dense, je tiens à faire un point sur le doublage qui est certainement l'autre grand atout du film. Comme on a déjà pu l'entendre dans les extraits vidéo, les doubleurs francophones s'en donnent a cœur joie dans l'imitation d'accents étrangers. Ils poussent même le vice jusqu'à donner des expressions idiomatiques récurrentes a certains personnages, et laissez moi vous dire qu'entendre Louis Roth (le méchant) y aller de son "fuck off" (prononcez "faiqueuffe") a tout bout de champ, ça vous marque. Une fois de plus le nombre de doubleurs est très inférieur au nombre de personnages. Les trois ou quatre "comédiens" se voient donc contraints de déguiser leurs voix en se donnant des intonations improbables, sauf ceux qui n'en on rien à foutre et qui se contentent de lire leur texte d'un air pas motivé (mention spéciale a la doubleuse du groupe qui n'aurait pas dépareillé dans "Eaux Sauvages").
On reproche aux francs-maçons de vouloir conquérir le monde, mais en attendant, les ninjas siègent déjà au CE de Mitsubishi
Mais où s'arrêtera donc le phénomène tuning ?
Mais foin de digression foireuse, attaquons-nous désormais au cœur de ce film, sa partie occidentale. C'est là qu'apparaît la vraie star du film, l'homme au charisme éblouissant, j'ai nommé Bruce Stallion (de son vrai nom Paulo Tocha), ici crédité Paul Torcha. A chacune de ces apparitions il vampirise l'écran. Non pas qu'il cherche à surpasser l'inénarrable Stuart Smith dans un concours de cabotinage, non pas qu'il nous refasse son numéro d'hyper-ninja de Ninja Dragon. Non, ici, l'ami Bruce se la joue "ninja secret", arborant invariablement la même expression bovine durant toute la durée du métrage. Cela peut paraître contradictoire avec l'association d'idées que l'on fait généralement, entre ninja et cabotinage. Mais le moins que l'on puisse dire, c'est que Bruce Stallion pourfend brillamment ce préjugé, semblant même hurler (intérieurement) "Oui ! Surjouer la retenue, je peux le faire". Il faut dire que le doubleur ne se gêne pas non-plus pour en rajouter une couche. Ce dernier tente, tant bien que mal (mais surtout très mal), de se donner la voix grave du héros viril. Je vous invite à juger du résultat sur pièce dans la section vidéo, cela vaudra mieux que tous les discours du monde.
Jeu des zéros erreurs : cette fois-ci, la jaquette est dans le film
S'arrêter à la seule performance de Bruce Stallion serait cependant une erreur, puisque encore une fois, son registre est double. Comme dans ses précédentes performances, il tente de profiter d'une ressemblance aussi vague qu'approximative avec Sylvester Stallone (son pseudonyme Bruce Stallion avait déjà un air de l'autre). Il va encore plus loin dans cet opus, pour un résultat à peine imaginable. Sa plus grande prestation dans ce film restera sans doute cette scène érotique aussi torride que mal filmée, pleine de flous et de faux raccords. Une fois de plus, les images parlent d'elles mêmes.
L'amour chez les gweilos
Il subsiste encore un dernier point qui mérite d'être abordé au sujet de la vedette de "Clash of the Ninja". Bruce Stallion / Paulo Tocha est, dans la vie, détenteur d'un nombre non-négligeable de trophées et autres distinctions en Muay Thaï. Mais le moins que l'on puisse dire, c'est que ça ne crève pas l'écran dans les scènes de combat non-doublées. A en juger par la fluidité des mouvements et le niveau technique, on est plus proche d'un Cuneyt Arkin que d'un Jean-Claude Van Damme.
Le pied vengeur de Bruce
Pour être parfaitement honnête, Eric Neff s'en tire bien mieux dans son rôle de faire-valoir / sidekick / quota ethnique. Doté d'un physique avantageux, il n'hésite pas a tomber la chemise pour assurer lui-même ses quelques scènes d'action tout en exhibant ses muscles saillants. C'est un contraste assez grotesque de voir notre héros de supérette s'accaparer tout le mérite a grand coup de high kicks sous les aisselles. Inutile de préciser que ses capacités d'acteur sont, en revanche, plus que limitées (n'est pas Steve James qui veut), et que sa présence est donc entièrement phagocytée par Bruce Stallion lorsqu'ils se partagent une scène de dialogues.
Eric Neff ne sait pas encore que seul un ninja peut vaincre un ninja
Dans le coin opposé, c'est Louis Roth qui s'emploie à ne rien faire d'autre que des méchancetés. Affublé d'un accent britannique aussi mal imité qu'hilarant, notre génie du crime circonstanciel remplit parfaitement son rôle d'antagoniste. Là où Bruce Stallion pousse l'intériorisation a son paroxysme, Louis Roth ne se gêne pas pour cabotiner à tout va, exhibant quasiment a chaque scène un sourire maléfique à la Colgate. Et le pire, c'est qu'il semble s'amuser, le bougre. Au point, d'ailleurs, que ses mimiques qui se veulent inquiétantes lui donnent un air tout bonnement sympathique. On en vient à se demander si l'attribution des rôles du héros et du vilain ne relève pas simplement de l'erreur de casting.
Il est à présent temps d'aborder l'épineuse question du mélange de métrage, puisqu'après tout, nous sommes bien dans un deux en un. Là, il me peine de l'avouer, mais c'est la grosse déception du film, l'arnaque dans l'arnaque en somme. Difficile de savoir ce qui a bien pu passer par la tête de Tomas Tang, mais l'intrigue se tient bien mieux qu'à l'accoutumée. Il faut dire qu'on a mis les petits plats dans les grands chez Filmark : ils sont allés jusqu'à débaucher un acteur du métrage asiatique pour l'intégrer aux nouvelles scènes. Du coup, l'ensemble parait un peu plus cohérent et moins téléphoné (hum) que d'habitude. Cela n'empêche toutefois pas de se retrouver avec deux héros et deux méchants bien distincts. Tomas Tang a également recours à une de ses vieilles astuces consistant à insérer des plans de ninjas dans le métrage asiatique, observant les événements sans jamais y prendre part. La bonne nouvelle en revanche, c'est que le rapport entre scènes asiatiques et inserts gweilos est très favorables à ces derniers, un vrai régal.
Ce surhomme est capable de traverser les barrières du montage et d'exister dans deux films simultanément
Cette chronique ne serait bien entendu pas complète si je ne parlais pas davantage de nos guerriers de l'ombre favoris. Quiconque a déjà vu Ninja Connection connaît le traitement que Tomas Tang est capable de leur infliger. Force est de constater qu'il ne s'est pas assagi depuis, loin s'en faut. Bien que les ninjas de chez Filmark soient plutôt sobres dans leurs choix vestimentaires (tenues noires, rouges ou blanches), ils manifestent une certaine originalité dans la confection de leurs bandeaux puisque les considérations esthétiques prennent le pas sur le symbolisme qui y est traditionnellement attaché.
Si vous avez aimé le drapeau à 22 étoiles de Projet G7, vous adorerez le bandana/bannière/shuriken à 7 bandes
Mais si j'ai cite Ninja Connection, c'est également pour les pouvoirs et les gadgets grotesques que les ninjas n'hésitent pas à utiliser et qui achèvent de les faire plonger dans le ridicule. Clash of the Ninja s'offre le luxe de passer tout leur arsenal secret en revue, pour notre plus grand bonheur. Je citerai pêle-mêle la téléportation, les bombinettes a fumée (on nous propose ici une variante intéressante : l'arme à feu bombinette), les saïs lance-flammes (inédits), etc... Je n'en dis pas davantage car il serait criminel de gâcher de tels surprises. Sachez néanmoins que le combat final justifie à lui seul le visionnage du film, dans la mesure où il est certainement le plus hallucinant qui ait été couché sur pellicule. Bien que dépourvu de crapauds, il repousse loin les limites de ce que l'esprit humain peut concevoir et percevoir.
On m'avait bien parlé d'un "film de ninja en mousse", mais ce n'est pas comme ça que je l'avais compris
En conclusion, je dirai que Clash of the Ninjas fait partie des films indispensables qui synthétisent et illustrent parfaitement un genre, tout en disposant d'une grande valeur ajoutée. Acteurs inadéquats, mélange de métrages, ninjas, un doublage donnant un sérieux coup de fouet aux scènes les plus molles... autant de raisons (et bien plus encore, mais je vous laisse les découvrir) de visionner cette pierre angulaire du nanar martial made in Hong Kong.
"Le doublage donnant un sérieux coup de fouet aux scènes les plus molles" (allégorie)
Note : 4,5/5
Dans la série "Que sont-ils devenus ?"...
- Des rushes issues de la même session de tournage (et donc avec les mêmes acteurs) ont servi à la réalisation du film Silver Dragon Ninja.
- Bruce Stallion et Eric Neff affrontent Bolo Yeung et un Jean-Claude Van Damme en grande forme dans Bloodsports, en 1988.
- En 2003, JCVD et Bruce Stallion se retrouvent dans In Hell.
- Louis Roth continuera de jouer les gweilos dans de nombreux films Hong Kongais. Il découvrira notamment les raffinements de la cuisine locale avec Chow Yun Fat dans « Le Syndicat du Crime 2 ». Il apparaîtra également aux cotés de Jackie Chan dans « Drunken Master 2 » en 1994. Ce sera là sont dernier film puisqu'il décédera la même année des suites d'un cancer.
- Depuis l'incendie des locaux Filmark en 1996, Tomas Tang serait toujours mort.
Cote de rareté : 5
Aucune réédition en DVD pour ce chef d'œuvre, il vous faudra donc explorer les Cash Converters et les brocantes habituelles pour y exhumer les VHS de chez fil à film (série karaté) sous le titre "Clash Commando"
La jaquette allemande
Les critiques, là-bas, sont unanimes : le doublage serait franchement indécent, même pour un porno. Il y a donc fort à parier que la version anglophone se soit déjà permis quelques libertés à ce niveau.