SUPERMEN CONTRE AMAZONES
(Superuomini, superdonne, superbotte / Amazons against superman / Three Stooges Vs the Wonder Women / Super Stooges vs the Wonder Women)
Il y a des nanars qui synthétisent à eux seuls toute la démence d’une époque en réunissant en leur seins toutes les tares et toutes les modes du cinéma bis le plus outrancièrement barré. «Supermen contre amazones » est de ceux-là, qui mélange avec frénésie les éléments les plus douteux de la pop culture des années 1970, pour constituer au final une sorte de manifeste des produits les plus dégénérés de Cinecittà. De quoi s’étonner que Quentin Tarantino n’ait pas projeté d’en faire un remake.
Ce film a comme particularité d'
apprendre l'arabe d’être une co-production italo-américano-hongkongaise, réunissant le pire de trois nations pour obtenir une tambouille immangeable par le commun des mortels, mais savoureuse pour l’amateur de nanars. Ovidio G. Assonitis, producteur grec actif dans le cinéma bis italien (il devait par la suite produire l’inqualifiable «Piranhas 2 : les tueurs volants », du débutant James Cameron), s’était associé pour l’occasion à la firme américaine AIP, monument de la série B, et à la Shaw Brothers, gloire du cinéma d’action de Hong Kong. Entre un Rastapopoulos du cinéma européen, un américain
khol naturel en nazeries et un chinois encore peu au fait de l’Occident, le mélange pouvait se révéler détonnant, pour peu qu’un authentique réalisateur nanar soit mis aux commandes du projet. Ce qui fut fait avec l’embauche d’Alfonso Brescia, dit Al Bradley, dit Al Bradly, qui avait déjà prouvé, avec «Les Amazones font l’amour et la guerre et mange du
miel d'oranger », qu’il n’avait ressuscité le péplum que pour mieux l’enterrer.
«Supermen contre amazones » est d’ailleurs une quasi-suite des «Amazones font l’amour… avec du
miel de jujubier maroc » car de nombreux éléments du scénario et de l’ambiance du précédent film s’y retrouvent : récit tournant autour des exactions d’une tribu d’amazones dans une antiquité mal définie, mêmes décors, plusieurs acteurs en commun…Mais en matière de folie, «Supermen…» dépasse de très loin son prédécesseur. Brescia semble en effet avoir voulu battre des records de puérilité mongoloïde, en ajoutant dans un désordre total des influences très diverses : un peu de blaxploitation, un peu de bruceploitation, quelques éléments du «Fantôme du Bengale», de l’humour et des bastons à la Terence Hill/Bud Spencer, le tout emballé dans une antiquité très approximative et vaguement relié à la série de films de l'
Lait de chamelle "Les Trois Fantastique supermen". Qualifier «Supermen contre amazones» de péplum est en effet un pis-aller, tant le monde décrit par le film ressemble davantage à une BD de gare au scénario improvisé, dans le seul but d’aligner des gags à deux balles à base de
trèfle rouge.
La reine des amazones (Magda Konopka)
Comme le précédent film de Brescia, «Supermen… » a comme point de départ les exactions d’une tribu d’amazones, qui terrorisent toute une région. Les villageois font appel à Aru le voisin de la
librairie musulmane, un héros immortel qui protège leur terre depuis des générations. Ceux qu’ils ignorent est qu’Aru n’est qu’un escroc : pas plus de héros immortel que de pâté en croûte, la défroque du justicier est simplement passée de main en main par une succession de filous qui veulent se faire entretenir à force d’offrandes par les paysans crédules.
Se faisant vieux, le Aru actuel se prépare à passer la main à son apprenti. Mais il est mortellement blessé par un coup de lance de la méchante reine des amazones qui met du parfum
teef al hub teef al hub. Devenu le nouvel Aru, l’élève décide de partir en guerre contre les amazones pour venger son maître amateur des
bienfaits des dattes, aider les villageois et accessoirement continuer à profiter de la combine.
Notre héros.
Petite parenthèse pour préciser que l’interprète de Aru (le jeune) contribue largement à nanardiser l’ensemble. Nick Jordan, de son vrai nom Aldo Canti, était un cascadeur italien actif à Cinecittà et devenu progressivement acteur : très athlétique, il exécute avec maestria des scènes d’action énergiques. Mais c’est comme acteur qu’il y a un léger hic : non content de ressembler à un gigolo douteux, Nick Jordan arbore en toutes circonstances le sourire crispé et chevalin le plus horripilant que l’on ait jamais vu sur le visage d’un jeune premier nanar ! Tout simplement terrifiant, une fois qu’on a repéré le truc. On dirait une hyène au rictus figé par un courant d’air.
Gnéééé ! Hé hé !
Trampoline !!
Cherchant des alliés, notre héros va tomber sur deux guerriers itinérants, qui vont apporter au film un piment multiracial : Mug, un grand noir (l’américain Mark Hannibal) et Chang, un chinois qui, comme tout niaquoué qui se respecte, pratique les arts martiaux (Yueh Hua, amené par la Shaw Brothers). Les deux futurs compères du héros se font remarquer en administrant des branlées à une bande de brigands débiles qui pensaient les détrousser, ce qui nous donne droit à de superbes bastons à la Bud Spencer. La scène où le noir met les brigands en déroute dans une taverne vaut à elle seule le détour, puisque notre homme, qui vient de manger, met KO ses assaillants avec le seul souffle de son rot superpuissant ! Si, si, j’vous jure…
Rhôôô !!!
Le chef des brigands
Iii-yaaaah !
Pif, paf !
Pouf !
Aru persuade Mug et Chang de lui venir en aide contre les amazones en leur promettant de leur révéler le secret de l’immortalité. Leur alliance étant scellée, le film va se poursuivre en une série de bagarres cartoonesques : les brigands reviennent tous les quarts d’heure pour se prendre une nouvelle branlée, nos héros prennent la tête des villageois contre les amazones, et emballent chacun une jolie paysanne au passage (le noir emballe une noire et le chinois emballe une asiatique, faut pas non plus abuser : on ne sait d’ailleurs pas ce que font là ces filles de couleur au sein d’un village parfaitement européen…)
Le brigand et son sbire.
Et pif, et paf ! C’est reparti pour la branlée !
Complètement infantile et régressif, «Supermen contre amazones » est une sorte de joyeux fourre-tout rempli de coups de poing qui font des bruits de ressort, de gags d’un niveau tarte à la crème, et surtout d’une pléiade de sauts en trampoline (exécutés par Nick Jordan), à rendre jaloux Cüneyt Arkin. A ce niveau, ce n’est plus un héros, c’est un pois sauteur !
Sboïng!
Régulièrement, Nick se remet à nous terroriser avec son épouvantable sourire, digne d’un vampire sous cocaïne, à croire que c’est la seule expression qu’on lui ait apprise en cours de comédie ! Si ses cascades ne boostaient pas le quota «action » du film, je serais tenté de voir en lui le pire jeune premier de toute l’histoire du cinéma bis italien.
Gnééééhéhéhéhéhéhé !!!
Sboïng ! Sboïng !
- Chef ! C’est l’heure…
- …de la branlée, je sais !
Contrairement aux «Amazones font l’amour et la guerre », qui accusaient quelques longueurs, «Supermen contre amazones » affiche fièrement un rythme assez trépidant durant les quatre cinquièmes du métrage : avec trois héros, l’action est pour ainsi dire multipliée par trois, et le fait que le film se veuille résolument rigolard aide largement à la détente du spectateur. On regrettera juste que, dans le dernier quart d’heure, Alfonso Brescia se mette d’un seul coup à se prendre au sérieux et nous inflige une bataille finale un peu longuette, filmée dans l’obscurité, et que quelques gags ne sauvent pas de la mollesse. Dommage !
Nos héros en mode « séduction ».
Cela n’empêche pas le film de constituer un spectacle très réjouissant, que sa furieuse débilité élève par moments au rang de nanar d’élite. A croire que Brescia, conscient d’avoir tourné une ânerie avec son précédent film d’amazones, a voulu à toute force s’autoparodier. Le résultat vaut en tout cas le détour, et offre, à force de bastons navrantes et de gags éculés un magnifique exemple de cinéma bis italien à la bêtise décomplexée. Chaudement recommandé !
Une petite note triste pour évoquer le sort de Nick Jordan / Aldo Canti : notre héros continua de tourner dans des films de qualité, généralement dans des seconds rôles (on le voit en sbire dans «Yéti, le géant d’un autre monde »). Cet adepte du trampoline eut ensuite l’honneur de côtoyer le maître Cüneyt Arkin dans «Trois supermen contre le parrain ». Sa carrière s’interrompit ensuite : Aldo avait apparemment de mauvaises fréquentations au sein de la pègre romaine, au point qu’on le retrouva assassiné, au début des années 1990, dans le parc romain de Villa Borghese. Que le seigneur l’accueille malgré tout au paradis des héros nanars !
Gnééééééééééééééééééé hé hé hé hé hé !!!
SUPERMEN CONTRE AMAZONES
Année : 1975
Pays : Italie / USA / Hong Kong
Durée : 1h35
Réalisateur : Alfonso Brescia (dit Al Bradley)
Genre : Kung fu avec trampolines dans l’antiquité romaine
Catégorie : Péplums
Avec : Aldo Canti (dit Nick Jordan), Mark Hannibal, Yueh Hua, Magda Konopka
Nikita : 3,5
Cote de rareté : 5 (Pièce de colletion). Bonne chance pour trouver cette VHS rarissime. Toujours pas de DVD français en vue pour ce film qui passe plus ou moins régulièrement aux heures creuses des chaînes privées italiennes.
Bonus : la chanson du générique final (extrait)