oui a écrit:
Tu dis que cet état d'esprit ne correspond pas à celui qu'exigerait une production un minimum structurée, comme celle de Bulk. Mais je ne suis pas de cet avis.
Les producteurs savent très bien qu'en faisant ce genre de film, ils vont toucher à la fois un public amateur de parodies, mais aussi (et surtout) les amateurs de nanars. Or du moment que ca se vend, et qu'ils vont donc largement rentrer dans leurs frais (et dégager pas mal de bénéfices), je ne vois pas pourquoi ils ne pourraient pas donner des moyens à leurs délires.
Pour moi, Amazing Bulk est un exemple de "nanarsploitation". On offre au public amateur de nanars ce qu'il a envie de voir, en évitant donc de trop insister sur l'aspect parodique, et en cherchant a paraitre le plus naze possible.
C'est sur que c'est pas bon pour la crédibilité artistique, mais à mon avis, ca leur passe largement au dessus de la tete.
En même temps, sans être méprisant pour l'esprit nanar, je crois que c'est un peu prétentieux d'imaginer que des gens font des faux nanars pour satisfaire les pulsions de certains cinéphiles déviants. Ils peuvent s'amuser à faire des films pour vidéo-clubs, pour chaînes du câble, des programmes qui seront souvent bêtes et méchants dans lesquels l'amateur de mauvais cinéma sympathique trouvera de quoi se satisfaire, mais je ne suis pas convaincu que le nanar soit aussi important dans l'univers cinématographique, ça reste une micro-niche, un plaisir coupable pour quelques allumés et parfois même méprisé par une certaine intelligentsia du septième art. Avoir le réflexe de faire des films volontairement nanars, expression qui tient déjà du contre-sens, me paraît tordu comme raisonnement d'autant que comme le dit ROTOR, ce n'est pas un genre, mais un état d'esprit qui peut prendre des formes très diverses. Bon courage pour reproduire tout cela et espérer toucher une cible "large".
Néanmoins, je comprend le débat. Il est légitime de douter du sérieux de l'entreprise, durant le visionnage c'est une question qu'on peut se poser: est-ce qu'ils ont fait ça pour rigoler ? La médiocrité de l'ensemble étant ce qu'elle est, la raison nous rappelle à l'ordre, "non, ce n'est pas possible, c'est forcément une blague"... .
Mais pour ma part, je rejoins l'impression de Kobal: rien, absolument rien en dehors des génériques au début ne laissent supposer une parodie. Le film est fait, joué avec grand sérieux si bien qu'on est littéralement foudroyé par la poursuite finale, craquage complet en matière d'effets spéciaux hideux et ne servant à rien. C'est surtout dans cette scène où on sent un relachement concernant le premier degré du film mais je l'ai plus vu comme un aveu d'impuissance, un moment où les concepteurs ont dû se dire "c'est complétement naze, alors autant faire n'importe quoi". Un peu comme si, oui, devant le fait accompli on avait rajouté des choses pour faire croire que c'était pour de rire. Mais je pense que Bulk est surtout comme d'autres films de divertissement, il conserve une part d'humour mais pas dans la volonté de se moquer d'un autre film. Il n'est qu'un mockbuster qui tente de jouer dans le terrain de son aîné en se basant sur des techniques d'effets spéciaux proches de celles de Sin City, pour faire bande-dessinée, sauf qu'on a confié la réalisation du projet à une bande d'albanais sans connaissance en informatique et ne disposant sur leurs ordinateurs que de Paint et Powerpoint. Il me paraît présomptueux de penser que les responsables de cette chose l'ont crée en se disant "et si on faisait un film qui serait parodique non pas dans le fond, mais dans la forme ? Avec plein d'effets spéciaux foireux, mais volontairement! Comme pour se moquer du tout SFX". Je pense sincèrement que la question de la parodie ne se poserait même pas si les effets spéciaux étaient meilleurs. De toute façon, on peut même poser le problème d'une autre façon: si, je dis bien "si", il s'agit d'une parodie, elle est alors complétement ratée car le message de l'auteur est sabordé par sa propre médiocrité, car rien n'est drôle volontairement.
Ceci étant dit, c'est peut être même autant un défaut qu'une qualité d'avoir des ajouts numériques aussi immondes: on finit par douter du caractère réfléchi de l'oeuvre mais surtout, de ne pas faire attention aux acteurs qui cabotinent, au scénario qui part en live, aux hommages consternants (de là où il est Kubrick doit être bien content d'être mort plutôt que subir ça de son vivant)... . Clairement, il faut le vivre pour le croire, c'est mille fois pire en mouvements et on ressort avec la sensation qu'on a vécu une de ses épreuves qui redéfinissent, à vie, notre vision du septième art et la façon qu'on aura de juger les films qui suivront. Après cela, on relativise tout, au point de penser qu'Asylum font des films tout à fait correct et que Jeff Leroy mérite un Oscar. Il y a un avant et un après Bulk.