Re-bonjour. Je tente une définition de la "rambosploitation", sur le modèle du dossier consacré à la "indianajonesploitation" par John Nada, ce afin de rester raccord (et aussi de faire de la "johnnadaploitation"
). Comme lui, je vais découper ma définition en plusieurs pages, car le sujet est très vaste. Voici la première page. Si vous voyez des infos et éléments à rajouter ou modifier, n'hésitez pas à les signaler. Je vous souhaite une agréable lecture.
A lire pour approfondir le sujet : l'excellent "Dans l'enfer vert de la Rambosploitation" de nos amis de Génération VHS, le captivant hors-série Mad Movies consacré à la saga Rambo, ainsi que le très intéressant fanzine Monster Bis spécial "Opérations Commandos au Cinéma".
RambosploitationINTRODUCTION :Plus encore que Indiana Jones, Terminator, Mad Max et Conan le barbare, Rambo marqua un tournant, non seulement dans le paysage cinématographique hollywoodien, mais aussi dans la culture collective du monde entier, à l'aube de la décennie 1980. Cet engouement populaire connut une telle ampleur que l'on parla à l'époque de "Rambomania". Replaçons tout d'abord les choses dans leur contexte : les années 60-70 avaient été une période de doutes et de contestation politique (jusqu'à prendre des proportions préoccupantes pour les pouvoirs en place). Aux États-Unis, la défaite de l'armée américaine dans la guerre du Vietnam, conflit très impopulaire au sein de l'opinion publique qui digérait de plus en plus mal le deuil de 58000 conscrits et le massacre de trois millions de Vietnamiens, vint s'ajouter à toutes sortes de troubles et d'affaires compromettantes pour la Maison Blanche (assassinats de John Fitzgerald Kennedy, Martin Luther King, Robert Kennedy et Malcolm X, scandale des Pentagon Papers, crise du Watergate, plan Condor, chocs pétroliers, émeutes raciales, expériences illégales sur cobayes humains menées par la CIA et l'armée dans le cadre du programme MK Ultra, crise des otages américains en Iran...). Au cinéma, alors qu'on tentait d'oublier le Vietnam, les années 70 furent l'ère des théories complotistes, des anti-héros, de l'ambivalence, du pessimisme et de la remise en question des fondements du système capitaliste.
Une fois la gloire reaganienne venue, le premier film de Stallone, "No place to hide" (alias "Rebel"), un brulot hippie à petit budget de 1970, ne manqua pas d'être détourné par quelques petits plaisantins...Bref, ça commençait à aller trop loin et il était grand temps pour le public de retrouver confiance dans les valeurs fondamentales de la société occidentale. Le pays voulait retrouver sa bonne conscience d'antan. C'est alors qu'à l'issu de la présidence du très impopulaire démocrate Jimmy Carter, arriva le très glamour et télégénique Ronald Reagan, au grand soulagement des riches et de la droite conservatrice et puritaine. Les majors hollywoodiennes, bénéficiant de l'abolition des lois anti-trust décrétée par le nouveau président, se devaient de se faire l'écho de la nouvelle donne politique. Remplaçant l'image culpabilisante de l'anti-héros désabusé des 70's, trop associé à la "mollesse" et au "laxisme" du président Carter, le
héros américain des 80's se devait de porter et populariser toutes les valeurs traditionnelles prônées par la "Révolution Conservatrice" : honneur, droiture, anticommunisme farouche, amour de Dieu, de la patrie et de l'argent... Bref, si Ronald avait été là pour bomber le torse à la place de cette couille molle de Carter, on n'aurait pas perdu le canal de Panama, le Nicaragua, l'Iran et l'île de Grenade, ma bonne dame ! Ayant accédé à la présidence des États-Unis d'Amérique dans un contexte de forte tension avec l'adversaire russe (lui-même sérieusement embourbé en Afghanistan), Reagan avait besoin d'une icône culturelle au service de sa politique ultralibérale et nationaliste, et de sa croisade affichée contre "l'empire du mal" communiste. Ce modèle, cette icône, ce héros, ce fut Rambo.
Pourtant, au départ, le personnage n'avait nullement cette vocation. Car s'il devint le porte-étendard du reaganisme triomphant, c'est bien au grand dam de ses créateurs. Très influencé par le film de David Miller "Seuls sont les indomptés" avec le grand Kirk Douglas, le personnage Rambo, dont le nom s'inspire à la fois du poète Rimbaud et d'une marque de pommes (les pommes Rambo !), est né sous la plume de l'écrivain canadien David Morrell dans son premier roman "Premier sang" (First Blood) publié en 1972, en pleine guerre du Vietnam. Dans le livre, l'auteur inventa un récit dans lequel un vétéran traumatisé et rejeté par ses concitoyens apportait la guerre du Vietnam sur le sol américain (thème que l'on retrouve dans le premier film). S'inspirant de la traque du criminel William Hollenbaugh et d'un fait divers au cours duquel un groupe de hippies avaient été arrêtés, lavés au jet et brutalisés par des policiers du sud-ouest des États-Unis qui les avaient ensuite abandonnés en rase campagne, Morrell essaya d'imaginer comment son héros, ancien soldat d'élite des Forces Spéciales, un tueur surentrainé, réagirait dans une telle situation. Très violent et sombre, ce thriller anti-manichéen illustre le clivage de la société américaine au sujet de la guerre en Asie du sud-est en faisant s'affronter un jeune révolté et un policier qui pourrait être son père, lui-même vétéran de la guerre de Corée, rentré dans le rang et représentant de l'ordre. Leur affrontement générationnel, s'il évolue peu à peu vers une compréhension mutuelle, ne peut se conclure que dans la mort.
Couverture d'une édition polonaise du roman "First Blood".
Librement adapté du livre, "Rambo" ("First Blood"), réalisé en 1982 par Ted Kotcheff, n'avait rien d'un film belliciste. Il ne s'agissait pas non plus d'un film de guerre ou d'un "commando-flick", mais d'un survival au ton dramatique. Le film nous conte l'histoire de John Rambo, vétéran du Vietnam devenu vagabond, qui est arrêté dans une petite ville du fond de l'Amérique par un shérif intolérant et ses adjoints. Maltraité par ces policiers réactionnaires et imbus de leur pouvoir, ces sévices lui rappelant les souffrances endurées au Vietnam, Rambo perd la raison, s'évade du commissariat, puis prend la fuite dans la montagne. Dans la foret, Rambo retrouve ses vieux réflexes de survie et affronte la police, puis la garde nationale qui lui donnent la chasse. Le colonel Trautman, ancien supérieur de Rambo, est envoyé par le Pentagone pour le convaincre de se rendre...
Remarquablement rythmé, bien ficelé et formidablement interprété par Sylvester Stallone, le film est un drame poignant sur l'impossible réinsertion de nombreux vétérans devenus des marginaux (une étude de 2005 montrait que 30% des SDF américains étaient des anciens du Vietnam) et l'expression d'une sourde révolte contre une société américaine bien pensante qui envoya ses fils en enfer, doublement sacrifiés à leur retour car symboles pour les uns d'une défaite humiliante et pour les autres d'une guerre barbare et inhumaine. Le film marqua aussi une révolution dans le domaine du cinéma d'action en redéfinissant les codes du genre, sans renoncer néanmoins à la touche d'amertume qui faisait la force des films de la décennie précédente, personne ne sortant gagnant à la fin.
Après son triomphe, autant publique que critique, dans "Rocky", Sylvester Stallone connut quelques échecs ou demi-succès, avant de connaitre à nouveau une gloire mondial grâce à Rambo. Le film eut un parcours long et difficile, le projet d'une adaptation cinématographique du best-seller de Morrell trainant depuis une dizaine d'années. Le scénario fut remanié de nombreuses fois, passa de mains en mains, de boites en boites (les droits furent vendus à Colombia Pictures, qui les refila à Warner Bros, avant de passer à Carolco), de réalisateurs en réalisateurs (Richard Brooks, Sydney Pollack, Martin Ritt, John Frankenheimer) et d'interprètes en interprètes (Robert De Niro, Jeff Bridges, Dustin Hoffman, Al Pacino, Nick Nolte, Clint Eastwood, Michael Douglas, Paul Newman et Steve McQueen furent pressentis pour le rôle de Rambo et Lee Marvin et Kirk Douglas faillirent jouer le rôle de Trautman), avant de finalement pouvoir aboutir, grâce au changement des mentalités et des gouts du public, enfin prêt à accepter qu'un héros puisse être vétéran du Vietnam (et inversement).
Le film a longtemps souffert d'une mauvaise renommée auprès du grand public avant d'être réhabilité par les mêmes critiques qui l'avaient vilipendé à sa sortie (souvent, sans même l'avoir vu, en témoignent les critiques qui ont parlé de "massacre" alors que, rappelons-le, il n'y a que quelques morts accidentelles dans le film). Si cette mauvaise réputation, totalement injuste au regard de la grande qualité du film de Kotcheff, s'explique en partie par la mauvaise foi de certains critiques méprisants, il faut néanmoins souligner qu'elle est également due à la profonde bêtise et au caractère réactionnaire des deux suites qui virent le jour dans la décennie 1980, "Rambo II : La Mission" et "Rambo III". Car si Rambo mourait à la fin du livre de David Morrell, le film, lui, permit à son héros de s'en sortir vivant (quoique vaincu) pour revenir dans de nouvelles aventures (bien qu'une première fin dans laquelle Sly se suicidait fut tournée et projetée devant un public test, qui la désapprouva).
En 1985, "Rambo II : La Mission" ("Rambo : First Blood part II") de George Pan Cosmatos battit tous les records d'entrées établis jusqu'alors et cartonna un peu partout dans le monde. Le cahier des charges a radicalement changé : le premier film était un drame réaliste invitant à une véritable réflexion, ce nouvel épisode ambitionne quant à lui d'être
"le film d'action ultime". "Eeeeurh ! Mission... accomplie !" serait-on tenté de commenter. Comme le reconnait d'ailleurs Sylvester Stallone, cette suite plus commerciale qu'artistique procura par son outrance le plaisir régressif plébiscité par des millions de spectateurs en ce milieu des "années fric" et fait partie de nos films grand public préférés sur Nanarland. Sly incarne dans cet opus plus testostéroné que jamais une invincible et beuglante machine de guerre, un genre de G.I. Joe sur-musclé qui n'a plus grand chose à voir avec le paumé perturbé mental du premier film. Acceptant un deal avec la CIA pour sortir de prison, Rambo retourne au Vietnam pour délivrer des soldats américains portés disparus et retenus prisonniers par des communistes ultra-caricaturaux, et pour regagner la guerre à lui tout seul par la même occasion.
Trahison totale de l'esprit du film de Ted Kotcheff et du roman de David Morrell, ce second opus est à la fois d'une débilité et d'un bourrinage confinant à la plus désopilante nanardise, et un bon film d'action spectaculaire et sans temps mort, à la photographie et aux prises de vue somptueuses, réellement prenant par son action abrutissante même. Œuvre phare de l'Amérique triomphante et superpuissante, concentré de dialogues nœud-nœud et de défouraillage non-stop, film popcorn jubilatoire, symbole de la revanche américaine au Vietnam (avec toute l'imagerie délicieusement bourrine de l'Américain qui revient tout faire sauter pour "se venger" d'un pays du tiers-monde détruit dix ans plus tôt par la première puissance mondiale...) et glorification de l'impérialisme américain, "Rambo 2" devint (involontairement) l'emblème du film
reaganien et fut récupéré par le gouvernement républicain, tonton Ronald allant jusqu'à bombarder le palais de Kadhafi en hommage au film ! C'est avec ce métrage au ton primaire (et le suivant) que s'imprima à jamais dans l'imaginaire collectif la caricature de la bête de muscles à deux de tension qui fit les beaux jours des Guignols de l'info. Bref, ce qui fut à l'époque la quintessence du triomphe absolu dans la carrière de Stallone en fit en même temps la risée d'une partie du grand public et de la critique, une image de gros bourrin qui va longtemps coller à la peau d'un acteur-scénariste-réalisateur pourtant talentueux, intelligent et cultivé.
Commencé par Russell Mulcahy, terminé par l'omnipotent Sylvester Stallone et signé par le réalisateur de seconde équipe Peter Mac Donald, "Rambo III" fit à peu près la même chose en tout aussi stupide, mais en déplaçant l'action en Afghanistan car il s'agissait de montrer que l'Amérique était maintenant dans le camp des opprimés et aussi parce qu'entretemps le cinéma hollywoodien s'était plutôt appliqué à reconstituer le conflit américano-vietnamien lui-même ("Platoon", "Outrages", "Full Metal Jacket", "Hamburger Hill", "Good morning Vietnam!", "Né un 4 juillet"...) et les retours revanchards de vétérans invincibles au Vietnam étaient désormais plutôt réservés aux direct-to-video. Dans cette séquelle savoureusement bourrine, notre héros rebelle quitte la quiétude d'une communauté bouddhiste où il avait fini par trouver sa place en Thaïlande pour à nouveau casser du Russe à tour de bras afin de sauver le Colonel Trautman des pattes d'un vilain commandant soviétique, occasion pour notre surhomme de vaincre définitivement le bloc communiste à la seule force de ses biceps.
Dédié aux combattants moudjahidines (aussi stéréotypés que les Russes) et se concluant sur une blague naze en complet décalage avec le "message" grave qu'il prétend nous délivrer, c'est peu dire que le bourrinage ambiant et le simplisme du scénario ne font pas de ce blockbuster brut de décoffrage un grand film engagé... La relation ambigüe qu'entretient Trautman avec Rambo et la manière dont il se sert de son statut de père de substitution pour manipuler son
"poulain" au début du film auraient pourtant pu lui donner une certaine épaisseur mais sont vite évacuées au profit d'une succession de péripéties qu'on qualifiera poliment de peu réalistes. En contrepoint, le génial Jerry Goldsmith est toujours de la partie et compose de magnifiques thèmes, qui confèrent à certaines séquences (notamment le massacre du camp moudjahidine) une ampleur et un souffle tragique. Le rythme quant à lui ne faiblit jamais et la réalisation demeure fonctionnelle, même si la saga s'enfonce plus que jamais dans la caricature. Aussi idiot que divertissant, "Rambo III" sortit à la fin de l'année 1988, rentrant de justesse dans ses frais avant que le retrait des troupes russes d'Afghanistan et la chute du Mur de Berlin ne le rendent très vite totalement anachronique. Impression accentuée par l'arrivée des islamistes radicaux au pouvoir (ceux à qui l'Oncle Sam distribuait de préférence ses missiles Stinger), le bain de sang des décennies suivantes offrant un sérieux décalage avec les
"vaillants combattants pour la liberté" glorifiés par le film... Devenue une mode caduque, la Rambomania s'éteignit avec la fin de la guerre froide.
Suivant l’œuvre de réhabilitation de ses personnages iconiques glorieusement initiée avec son "Rocky Balboa", Sylvester Stallone réalisa, scénarisa et interpréta en 2008 "John Rambo" (Rambo) au cours d'un tournage éprouvant à la frontière thaïlando-birmane. Alors qu'on le croyait impossible à extraire des années Reagan et de la guerre froide, le héros revint donc vider quelques chargeurs à la toute fin de la présidence de George W. Bush et ceux qui le raillèrent comme un has-been durent rabattre leur caquet devant la réussite du résultat. Cette fois, Johnny renonçait à sa retraite d'ermite chasseur de serpents en Thaïlande pour aider des missionnaires en Birmanie (occasion de dénoncer avec force la barbarie extrême du régime de la junte militaire au pouvoir depuis 1962 et l'interminable guerre civile qui ravage le pays depuis 1949). Sans atteindre le succès du premier, le film marcha et valut à son auteur une véritable estime critique. Stallone y montrait la guerre sous un jour ultra-violent et tout sauf glamour, sans sombrer dans la bêtise patriotarde des épisodes 2 et 3. L'idéologie va-t-en-guerre des deux précédent épisodes y était remplacée par un ton ouvertement pacifiste, faisant de "John Rambo" l'un des meilleurs films d'action des années 2000. Un métrage choc, âpre et brutal qui prit tout le monde par surprise. Tout l'inverse d'un blockbuster aseptisé style "Indiana Jones et le royaume du crâne de cristal".
Bien que cet opus nihiliste et désabusé ait été pour Stallone l'occasion de boucler la boucle sur une note qui ferait oublier le très médiocre "Rambo III" ainsi que "d'en finir" avec ce personnage qui en avait fait malgré lui l'incarnation de l'impérialisme américain, le cinquième volet "Rambo : The Last Blood" sorti en 2019 montrait le baroudeur le plus célèbre du cinéma affronter cette fois-ci un cartel mexicain suite à l'enlèvement de la fille d'une amie (un postulat qui devait à l'origine être celui de "John Rambo"), les gangs latinos ayant remplacé les terroristes islamistes dans un Hollywood qui se faisait alors le reflet de l'isolationnisme ambiant en passant du racisme arabophobe au racisme hispanophobe au gré de la politique de la Maison-Blanche. Après dix ans d'hésitation, de doutes et d'idées de pitchs diverses, Stallone repartait donc en guerre à 73 ans pour un tournage en Bulgarie sous la houlette du réalisateur Adrian Grunberg. Un métrage qui fait hurler la critique timorée pour sa violence et déçoit les fans qui lui reprochent de davantage ressembler à un épisode de Taken qu'à un Rambo. Beaucoup y voient donc l'épisode de trop. Avec son discours pro-Trump, le film renoue de surcroit avec la morale douteuse du 2 et du 3 mais est loin d'être aussi fun que ces derniers.
En dehors de ces cinq films, il y eut une foule de Rambo-like pour prêter main forte à leur modèle en finissant de balayer et en dépoussiérant les champs de batailles où Sly avait fait le ménage. Et ce n'est ni le héros psychotique du roman contestataire de David Morrell ni le jeune homme meurtri et déboussolé du sombre film de Ted Kotcheff qui excitèrent le plus l'imagination en berne des copieurs mais plutôt la bête de guerre du 2, son mélange de patriotisme guerrier et de rébellion à l'autorité et ses exploits militaires "bigger than life", bref LE Rambo qui marqua le plus les esprits. Et sans l'humanité que Sylvester Stallone apportait à son Tarzan des temps modernes, on se retrouve bien souvent face à de pures machines à tuer interchangeables incarnées par des montagnes de muscles monolithiques. L'abondance inépuisable de ces copies et l'outrance de bon nombre de ces Rambo de série Z (en particulier les films italiens et philippins) ont en revanche fait les plus belles heures de l'âge d'or de la VHS et beaucoup contribué aux stéréotypes qui se sont imprimés dans l'imaginaire collectif. Davantage que la saga originale, voici donc l'objet principal de ce dossier, un genre à part entière à qui Nanarland doit certains de ses plus beaux nanars d'action bourrins : la Rambosploitation. Mais avant de faire l'appel de tous les Rambu, Ramo, Sambo, Sando, Ransom, Jimbo, Remo, Yako, Hondo, Rango, Rando, Rambone, Flambo et autres Rambuto, un peu de merchandising (le nerf de la guerre de Johnny) :
Rambo, le jeu vidéo !
Un autre, plus ancien.
Rambo, la BD !
Rambo, la BD érotique !
Une autre !
Le couteau Rambo !
L'arc Rambo !
Le masque Rambo !
Le costume Rambo !
Rambo, la figurine articulé !
Le mug Rambo !
Le papier toilette Rambo ! Rambo, le lance-flammes ! Les enfants en raffolent !
Et bien sûr, impossible de ne pas évoquer ce qui constitue sans conteste le top du meilleur du Rambo-marketing, la série animé Rambo, destinée à "rambomaniaquiser" nos chères petites têtes blondes. Kobal ayant déjà décrit autant qu'il était possible l'ampleur de ce délire sur pellicule dans sa
chronique, nous nous contenterons simplement de souligner le caractère résolument indispensable de ce sommet du bourrinage absolument réjouissant de n'importe quoi, où la surenchère est poussée bien au-delà des limites établies en matière d'action crétinoïde. Un must à ne surtout pas manquer.
Le célèbre "Hot Shots : Part Deux", hilarante parodie à la débilité assumée du cinéma d'action reaganien... avec Richard Crenna pastichant son rôle du Colonel Trautman !
A propos de parodies, évoquons le délirant "Troma's War" (1988) de Michael Herz et Samuel Weil, réponse trash et déconneuse de la célèbre firme à la rambomania, dans lequel les passagers rescapés d'un crash d'avion se retrouve sur une île des Caraïbes où une horde de terroristes menés par un culturiste au nez de cochon prépare l'invasion des États-Unis. Les touristes en bermuda et chemisette à fleurs se transformeront alors en bêtes de guerre pour un bain de sang dément et outrancier. Un pastiche jubilatoire.
"O papa Rambo" (1988) d'Andreas Katsimitsoulias, un pastiche orthodoxe grec qui a l'air désopilant.
L'excellent moyen-métrage "Le réserviste" (2012) de notre collègue Mathieu Berthon de "Pas de pitié pour les navets".
Autre hommage affectueusement parodique à la pop-culture des années 80, "Commando Ninja" (2018) de Benjamin Combes multiplie les clins d’œil aux films qu'on aime, de "Rambo 2" et "Commando" aux films de ninja de Godfrey Ho, en passant par "Future War", "Robowar" et les classiques de la Cannon. Vivement un "Commando Ninja 2" !
100% premier degré quant à lui, le long-métrage "L'échange" (2012) de Michaël Mongin, véhicule à la gloire du très sympathique (et très mythomane) Jacques Stival (également producteur), alias le Rambo breton, nous sert le pitch suivant (écrit par Jacques lui-même) : le fils de la Ministre de la Défense est kidnappé par des terroristes russes. Son seul espoir est de faire appel à Jack (tous les persos portent des noms ricains), ex-commando d'élite des services secrets,
"un homme surentrainé", retiré des voitures et reconverti dans la culture du maïs, qui va aller mettre une rouste aux méchants Ruscofs à coups de fusil d'assaut ! Suite du court-métrage "Le Missionnaire", filmé pour environ 80000 euros au cours d'un tournage-commando dans la commune de Lanrivain (Côtes-d'Armor), ce nanar d'action bourrin reprenant tous les archétypes du cinéma reaganien fut projeté en avant-premières dans les cinémas centre-bretons mais aussi à Paris au Gaumont Opéra le 24 janvier 2013, pour une projection haute en couleurs où de faux terroristes armés de mitraillettes simulèrent une prise d'otages dans la salle (une idée de Jacques) ! Après quoi, Jacques Stival tenta sans succès de tourner "Mercenaires", un troisième sous-Rambo breton, avant de retourner à son métier d'agriculteur sous son vrai nom de Jacky Bouédo.
L'affiche du "Missionnaire", histoire de vous faire encore plus baver d'envie.
"Soldats de choc" (Toy Soldiers, 1984) de David Fisher, une version teen movie de Rambo produite par Roger Corman.
Disney aussi s'y est mis avec "The Rescue" (1988) de Ferdinand Fairfax, un spectacle familial dans lequel une bande de gamins ricains WASP armés de fusils d'assaut part secourir leurs pères Navy Seals prisonniers des cocos en Corée du Nord !
De la jungle du vinyle, surgit la dernière machine à tuer...
En matière de Rambomania, là ça mériterait une médaille...
"This time we're gonna win! Rambooo, Rambooo!"Et ici, c'est carrément la Silver Star du mauvais gout et la Purple Heart du ridicule qu'il faudrait !
Dans le genre rambomaniaque, la chanteuse L-Vira est aussi pas mal traumatisée lorsqu'elle livre un hymne vibrant à "Rambo 2" avec son "tube" "Talkin' bout Rambo" en 1985.
Son clip est un must-see en matière de ringardise hallucinante, avec ses deux malheureux figurants, l'un déguisé en Rambo l'autre en communiste, qui font les pitres en ayant surtout l'air très gênés d'être là.
FULL METAL JAQUETTESMais la Rambosploitation, avant d'être un bataillon d'ersatz pur jus, c'est aussi une division de jaquettes et d'affiches reprenant les caractéristiques de l'original pour nous vendre à toutes les sauces du béret vert surmusclé en fureur afin de satisfaire la demande intarissable du public. Concernant le visuel d'abord, quelques détails typiques : un homme aux muscles saillants, souvent torse nu, quelques gouttes de transpiration perlant sur la peau lisse, une arme à feu (voire plusieurs) à la main, des bretelles de cartouches en bandoulière, un couteau entre les dents, brandi de façon menaçante ou glissé dans la ceinture, un bandeau dans les cheveux, une pause bien virile, quelques hélicoptères et des explosions en arrière-plan, parfois une jolie fille peu vêtue au bras recherchant la protection du Mâle, voilà de quoi frapper le regard du client qui reconnaitra tout de suite à quoi il a affaire. Ensuite, concernant le titre, privilégiez des expressions agressives et viriles, souvent en deux mots évocateurs, voire un seul si vous avez trouvé un terme suffisamment "burné". Les mots "american", "USA", "mission", "commando", "squad", "force", "enfer", "Vietnam", "ultime" et "de la mort" reviennent très souvent; le suffixe
"or" est également très fréquent. Et enfin, l'accroche doit mettre illico le client dans le bain. Exemples :
"Imprévisible... Invincible... Une armée à lui seul !" ("Striker")
"Les meilleurs combattants pour la plus grande nation." ("Cobra Commando")
"Au Vietnam, il était le meilleur... Il l'est encore !!!" ("Ultime combat")
"Sa loi c'est les armes, sa justice... la mort !" ("Ranger")
"De l'enfer du Vietnam... surgit la dernière machine à tuer !" ("U.S. Warrior")
"La guerre c'est l'enfer ! Juste comme il aime..." ("The Last Hero")
"Quand on touche à l'Amérique... ses meilleurs enfants réagissent !" ("Les mercenaires de l'apocalypse")
"Mission : mettre fin aux expériences du KGB. But : détruire la machine humaine à tuer. Ordre : ne laisser aucun survivant." ("Commando Massacre")
"Pour fuir l'enfer de la jungle une seule issue : Tuer..." ("Les boys en enfer")
"L'U.S. Army est aux mains des gangsters ! Tout seul, il va nettoyer le Vietnam de sa gangrène et de la mafia !" ("Hold-up sur l'Amérique")
"Les super puissances sont en alerte ! Avec la rage de vaincre, ils vont sauver leur nation !" ("Saïgon Commandos")
"Sa mission : tout faire sauter !" ("Règlement final")
"Revenus chez eux, ils ne peuvent plus s'arrêter de tuer !" ("Vietnam Fury")
"Un Américain seul contre les armées mondiales de la drogue !" ("Cocaïne Wars")
"Mission : objectif suicide !" ("Condors Commando")
"Il est impitoyable... Une vraie machine de guerre !" ("Slash")
"Ouais Ginette ! Le dernier Stallone, celui ou il fait péter la tronche aux Niakoués et aux Popofs ! Pour ce prix-là, c'est carrément donné !" Eh non, point de Sly au Vietnam, mais Richard Harrison aux Philippines, car à l'intérieur se trouve "Fireback" de Teddy Page (voir pages suivantes), qui n'est bien sûr la suite de rien du tout, le "II" n'étant là que pour favoriser la confusion.
Une jaquette alternative au visuel piqué à "Terrorist Commando" aka "Jungle Wolf" avec Ron Marchini (voir pages suivantes). On appréciera le
"Il oublie qu'il est un être humain..."Une accroche qui tue, un Reb Brown échappé de "Strike Commando" (voir pages suivantes) et un visuel chouravé à l'affiche originale de "La mission" (voir pages suivantes) qui servent à camoufler "Le secret de l'ile sanglante", une production Hammer de 1965.
Une jaquette volante au visuel chipé à "Heated Vengeance" (voir pages suivantes) qui cache en fait "Cocaïne Wars" (voir également pages suivantes).
Du jamais vu : une arnaque au Mike Monty ! A l'intérieur se trouve "Rolf l'exterminateur" (voir pages suivantes) dans lequel Mike Monty ne joue nullement. A croire que c'était les nanardeurs qui étaient visés...
Un titre aberrant et un visuel volé à "Commando Invasion" (voir pages suivantes) dissimulant "Otello Black Commando" de Max-Henri Boulois, une adaptation assez libre de William Shakespeare produite en 1982 par Eurociné, dans laquelle Tony Curtis vient payer ses frais de désintox en cabotinant à qui-mieux-mieux face à
"cette pute de Desdémone" (d'après les vers de Shakespeare... une adaptation assez libre on a dit).
La fameuse "Mujer Rambo", dont nous n'avons pas encore trouvé trace d'un film équivalent. Bien que nous craignions qu'il s'agisse d'une jaquette volante (ou pire, d'un fake pur et simple !), on veut continuer à y croire.
Ça ne semble en tout cas pas être ce film-là, dont le visuel ne correspond parait-il pas au contenu.
Et quitte à parler des Rambettes, évoquons quelques jaquettes aux accroches et aux visuels évocateurs :
"Savage Justice" de Joey Romero nous promet
"a female Rambo". Sorti chez nous en VHS sous le titre "La loi de la jungle", ce petit actionner philippin de 1988 nous conte la vengeance de la fille d'un diplomate kidnappée par de vilains révolutionnaires dans la jungle.
Rape and revenge subtil et délicat en perspective.
"The Muthers", un film de prison de femmes/blaxploitation de Cirio H. Santiago datant de 1976, sur un commando de femmes pirates karatékas aux Philippines.
"Virgins of Hell" aka "Maidens Revenge" aka "Perawan disarang sindikat" de Ackyl Anwari, un film d'exploitation indonésien de 1987 produit par Rapi Films, mettant en scène une bataille rangée entre un gang de motardes justicières et des trafiquants de drogue se livrant à des expériences d'aphrodisiaque. Les trafiquants sont victorieux et les motardes capturées, et le film vire alors au WIP classique (tortures, cat fight, révolte puis évasion...) à ceci près que le film choquera tout amateur de
film de taulardes par une absence totale de plans nichons (censure indonésienne oblige).
Un frère jumeau de Mike Ransom, un Michael Dudikoff-like et un ninja qui cachent "Projet G7" des studios Filmark.
Une autre belle jaquette fantaisiste pour
"Les mercenaires de l'apocalypse" avec un copié-collé de Schwarzy dans "Le contrat" et une belle brune fort peu vêtue que vous ne verrez pas dans le film.
Là, c'est pas un Rambosploitation puisque le film date de 1979, mais ça aurait pu car c'est réalisé par Joe D'Amato. "Duri a morire", une bisserie ritale avec un Luc Merenda en bout de courses remplaçant en catastrophe Alain Delon qui était prévu au départ pour jouer un mercenaire infiltrant un camp militaire où le méchant Donal O'Brien oblige les noirs à faire de l'apnée dans une marmite de caca !
Une affiche hispanique du même film.
La tête de Robert Ginty dans "White Fire" greffée sur le corps de Michael Sopkiw piqué à la jaquette de "Blastfighter l'exécuteur" (voir plus loin) sert ici d'illustration au nanar d'action "Revolt" (1986), petite perle de série Z réalisée par l'Iranien Jamshid Sheibani.
"Cauchemar vivant" (Cease Fire, 1985) de David Nutter, un drame avec Don Johnson ayant ici subi une légère bourrinisation du produit (en fait, un grossier collage à l'ancienne du corps de Schwarzy sur la jaquette de "Commando").
La Rambosploitation, c'est aussi pleins de flying jaquettes ayant servi, dans les années 80, à donner une seconde jeunesse à des vieux films jugés pas assez attractifs en l'état. Pas mal de commando-flicks seventies à base de mercenaires floués par leurs supérieurs (car "Rambo 2" n'a rien inventé), ce qui demeure assez honnête, mais aussi des films qui avait encore moins de rapport avec Rambo. A noter que cette technique de rajeunissement de l'époque semble aujourd'hui davantage ringardiser le produit que les visuels d'origine et fait passer pour des nanars certains films tout à fait fréquentables.
"Blasing Magnum", dans lequel vous ne verrez pas de Rambo urbain dégommer du loubard à la mitrailleuse, puisqu'il s'agit de "Una Magnum Special per Tony Saitta", un polizesco de 1976 réalisé par Alberto De Martino avec Stuart Whitman, John Saxon, Martin Landau et Tisa Farrow...
... comme l'indique l'affiche originale.
Tout comme vous ne verrez pas le jeune Rambo punkoïde en mini-débardeur qui orne cette jaquette dans le film "Embassy" aka "Baraka à Beyrouth" (1972), thriller d'espionnage de Gordon Hessler (réalisateur de "Kiss contre les fantômes") avec Richard Roundtree, Chuck Connors, Ray Milland, Broderick Crawford et Max Von Sydow.
"Black Valor" reste assez honnête sur le contenu, qui est bien un blaxploitation de Cirio H. Santiago, "Savage!" (1973), dans lequel un mercenaire black découvre qu'il combat du mauvais côté et se joint aux rebelles dans la jungle...
... sauf que le look du héros est plus funky en vrai.
De même, cette histoire de vétéran du Vietnam engagé pour délivrer un PDG kidnappé par des terroristes dans la jungle et qui est manipulé par un bureaucrate magouilleur semble annoncer en 1976 le genre de pitch qui sera dupliqué à l'infini par les avatars de la Rambosploitation.
Profitez bien du résumé délirant au verso, car en réalité, ce n'est pas
"Rambo multiplié par 100"...
... mais "The No Mercy Man" aka "Trained to Kill USA" aka "L'homme sans merci" aka
"Profession Justicier", un film d'exploitation pour drive-in de 1973 au pitch tout aussi délirant, puisqu'il montre une horde de méchants hippies SDF basanés qui prennent d'assaut une gentille petite ville texane à la mitrailleuse lourde, mais les gentils rednecks collectionneurs d'armes seront sauvés par de vaillants vétérans du Vietnam WASP aux dents blanches menés par l'acteur de télé Steve Sandor, bref c'est une sorte de pub pour le Klu Klux Klan !
Un visuel ramboesque en partie repris par la jaquette volante
"Capture" alias "Des fleurs pour un espion" (tout de suite, ça sonne moins "méga commando de la mort qui tue").
La jaquette VHS allemande du polar
"Chasse à l'homme" ("Three Men On Fire") de Richard Harrison et son titre qui démoule sévère.
"Attentato ai tre grandi", un film de guerre de 1967 réalisé par Umberto Lenzi, dont l'affichiste s'est lancé dans une illustration à la Rambo III.
Une jaquette espagnole du même film.
"A Time for Dying" aka "Pipo" (un film sponsorisé par Bruce Baron ?), un petit film de guerre philippin de 1970 réputé ultra-violent.
"Gallos de pelea" de Rafael Moreno Alba, un petit film de guerre hispano-tunisien de 1969.
Mike Danton nous fait coucou depuis un
polar taïwanais navéteux.
Ce titre délirant et ce visuel chouravé à "Fatal Command" (voir pages suivantes) sert à refourguer "Marijuana mitsubai soshiki", un bon film de yakuzas nippon de 1970 avec Sonny Chiba.
Une jaquette fabuleuse qui dissimule le navet "One Away" (1976) de Sidney Hayers.
Une jaquette alléchante et parfaitement mensongère dissimulant un navet fauché de 1991, quasiment dépourvu d'action, sur une bande d'écoterroristes à la montagne.
Un visuel ramboesque provenant de "Hold-up sur l'Amérique" (voir pages suivantes). A l'intérieur : "Amok" (1982) de Souheil Ben-Barka, une co-production entre le Maroc, le Sénégal, la Guinée et la France dénonçant l'Apartheid sud-africain, avec Richard Harrison au casting !
"Killer vs Killers" aka "Death Commando" de Fernando Di Leo, un
caper movie rital de 1985. Avec une classe impériale, ce cher Henry Silva y explose des mannequins en mousse à tour de bras au bazooka, au cours d'une vengeance absurde de bourrinage.
Preuve que l'esthétique des jaquettes ramboesques se nourrit d'influences antérieures, cette affiche originale de "Maharlika" aka "Guerilla Strike Force" (1970) de Jerry Hopper, un film hollywoodien à la gloire du dictateur philippin Ferdinand Marcos, célébrant à outrance ses exploits militaires (bidons) pendant la Seconde Guerre mondiale, dont le scénario est co-écrit par Marcos lui-même.
Allez, encore quelques flying jaquettes pour le fun...
La jaquette vidéo japonaise des deux premiers épisodes de la série MacGyver, dessinée par un type qui n'a manifestement pas trop pigé l'un des principes fondamentaux du personnage.
A suivre...