Revu ce soir.
Voulant surfer sur le succès du génial
Les Vikings de Richard Fleisher (sorti la même année), le jeune Roger Corman et les producteurs d'AIP se sont lancés dans cette aventurette kitsch et fauchée à souhait, au scénario absurde et bourré de trous béants. Alors que Roger parvenait d'ordinaire à compenser par son inventivité et sa débrouillardise les budgets anémiques alloués à ses premières réalisations, ici le drakkar fait eau de toutes parts. Quelques beaux matte painting et un spectacle plaisant si l'on est réceptif au charme du cinéma classique en noir et blanc, mais à part ça, presque rien ne tient debout. Certes, Roger fait ce qu'il peut avec ce qu'il a, c'est à dire rien, mais n'évite pas le nanar.
Je ne vais pas répéter tous les éléments nanars brillamment recensés dans la géniale chronique de Francis. Je me contenterai donc d'en ajouter quelques uns :
_ Outre que les femmes vikings sont, comme montré sur les caps, toutes jeunes, jolies, athlétiques, parfaitement coiffées et maquillées, avec des jupettes de pin-ups, les hommes vikings sont tout aussi anachroniques. Déjà à la base, ils ne correspondent pas trop à l'image que l'on peut se faire de guerriers vikings mais ressemblent plutôt à des surfeurs californiens. Il faut ajouter que, bien qu'étant depuis trois ans réduits en esclavage par les barbares et obligés de casser des cailloux enchaînés dans une grotte sans jamais voir la lumière du jour, ils sont tous demeurés très propres, impeccablement coiffés avec leurs brushings coupe banane indestructibles (à croire qu'ils ont réussi à sauver tout un stock de gel de leur naufrage), bien rasés comme de purs bellâtres de teen-movie des 50's. On remarquera donc que la pilosité des Vikings n'a rien à voir avec celle du commun des mortels.
_ D'après le dialogue, les femmes vikings partent à la recherche de leurs hommes en s'embarquant sur un drakkar avec une seule rame ! Pourquoi ? Encore un grand mystère de ce scénario stupéfiant. Peut-être que Roger Corman n'avait les moyens que de se payer une seule rame.
_ Non seulement, la traitresse est brune, mais les blonds sont TOUS gentils et TOUS les méchants sont bruns. D'ailleurs, les méchants ne sont pas vikings, ce sont en fait des barbares à l'ethnie indéterminée (ils se font appeler Grimault (?) et leur chef porte un casque mongol bien qu'ils soient tous de type caucasien). Tous ces noirauds mal rasés portant des perruques ridicules font rien qu'à faire des misères à nos gentils aryens. Car comme chacun sait, les Vikings étaient un peuple pacifique et progressiste qui respectait plus scrupuleusement les lois de la guerre et les droits de l'homme que le plus intègre des sociaux-démocrates.
_ Comme le veut la tradition du bis, tous ces barbares demeurés et braillards sont commandés par un chef suave, intelligent, fourbe et rusé, s'exprimant dans un langage très soutenu malgré ses peaux de bêtes. Une constante du genre qui fait toujours plaisir. La personnalité du méchant est cela dit aussi vague que celle de tous les autres personnages.
_ Son fils, le prince, est un insupportable geignard qui joue horriblement mal. Il meurt bêtement et en chouinant de façon ridicule.
_ La très méchante traitresse devient subitement gentille sans aucune explication et, comme elle a quand même fait quelques méchancetés, elle meurt en se sacrifiant pour sauver les autres. Un virage psychologique à 180 degrés sans aucune raison apparente.
Après re-visionnage, le film n'est pas aussi nanar que quand je l'avais découvert il y a 15 ans et les nanardeurs qui ne sont pas trop fans de vieilles séries B des 50's pourront peut-être s'ennuyer devant. Mais pour celles et ceux qui souhaiteraient voir un film ricain aussi fauché et anachronique que
Tarkan contre les Vikings, ça vaut néanmoins le coup d'œil. Surtout si vous aimez l'Histoire, là vous allez pouvoir vous marrer je pense. Certains pourront peut-être même le regarder au premier degré mais là, il faut vraiment mettre en veille toute suspension d'incrédulité.
Pardon de te l'avoir un peu survendu dans la fougue de ma jeunesse, Cyborg.