Paul Kersey a écrit:
Il a aussi interdit d'echanger son propre fils, prisonnier des allemands, contre des officiers allemands, coupant court a toute negociation, et l'a laisse mourir pratiquement sciemment dans les camps.
Pour la mort de son fils ainé Yakov, c'est une histoire complexe, il y aurait de quoi en faire un film car c'est une vraie tragédie.
C'est le fils qu'il a eu de sa première femme Kato, morte de maladie, par la faute de Staline, quelques mois après la naissance du petit Yacha (son surnom dans la famille). Après l'enterrement, Staline a abandonné son fils qui a été élevé par ses grands-parents maternels sans que Staline ne s'informe jamais de son devenir. Puis à quatorze ans, Yakov a quitté la Géorgie pour rejoindre son père au Kremlin (sur l'initiative de son oncle). Yakov a d'emblée été très mal accueilli par son père qui en a fait son souffre-douleur. Un jour, quand Yakov a annoncé au petit père des peuples qu'il comptait se marier avec la fille d'un pope, Staline lui a fait une scène terrible et Yakov s'est tiré une balle dans la poitrine. Tandis que la seconde épouse de Staline, Nadia (qui avait pratiquement le même âge que Yakov, avec qui elle se montrait plus maternante qu'envers ses propres enfants, et que Staline a par la suite poussé elle aussi au suicide) donnait les premiers secours d'urgence à Yacha, Staline ricanait en déclarant
"Quel idiot ! Il est même pas fichu de viser juste !" à propos de son fils gisant par terre inconscient dans une marre de sang. Yakov a ensuite divorcé au bout de quelques mois et est revenu tout péteux vivre dans la résidence de son père au Kremlin.
Par la suite, il s'est engagé dans l'Armée rouge en espérant que son paternel serait enfin fier de lui mais contrairement à son demi-frère Vassili, il a toujours refusé que son père fasse du népotisme avec lui. D'ailleurs Staline ne voulait plus entendre parler de lui. Officier tankiste lors de l'offensive allemande, Yacha a été capturé par la Wehrmacht dans les premières semaines du plan Barbarossa (d'après ce qu'on sait il se serait rendu volontairement, du moins c'est la rumeur qu'a fait courir l'un de ses camarades officier). Staline avait ordonné que tous les soldats se battent jusqu'à la mort et réserve leur dernière cartouche pour se suicider plutôt que d'être capturé. C'est pourquoi il a renié publiquement son fils en apprenant sa reddition (selon les ordres qu'il avait donné, toute la famille d'un prisonnier de guerre devait être incarcérée, c'est pourquoi il fit aussitôt arrêter la deuxième femme de Yakov, qui était juive). Il a également refusé d'échanger son fils contre Von Paulus et le neveu d'Hitler Leo Rudolf Raubal Jr. (capturé à Stalingrad) car politiquement ça l'aurait desservi. En revanche, on sait aujourd'hui qu'en secret Staline organisa deux tentatives pour faire évader Yakov (qui ont toutes deux échoué).
Quand à Yakov, après que les Allemands eurent découvert son identité (dénoncé par un autre prisonnier), ils ont d'abord essayé de le corrompre pour en faire un traitre et une arme de propagande. Mais comme Yakov refusait de collaborer, ils ont fini par le retirer de la villa confortable où il était détenu pour l'envoyer au camp de concentration de Sachsenhausen. Subissant des interrogatoires de plus en plus musclés, maltraité par ses codétenus et plongé dans un profond désarroi moral après l'annonce par les autorités du camp de la découverte du massacre de Katyn ordonné par son père, Yakov forçat les barreaux de sa cellule et se précipita vers les barbelés, un garde SS lui tira une balle dans la tête et son corps fit des étincelles pendant plusieurs minutes sur les barbelés électrifiés. En apprenant comment son fils avait préféré mourir plutôt que de trahir, Staline a été bouleversé et a _ dans tous les sens du terme _ réhabilité à titre posthume ce fils qu'il avait toujours traité comme une merde de son vivant. Les témoins racontent que sur ses vieux jours il avait chez lui un autel à la mémoire de son défunt fils, orné d'un photo de lui en officier qu'il montrait avec émotion aux visiteurs en disant
"Voilà un vrai héros soviétique !" Ce qui est encore plus curieux, c'est que cette réhabilitation de son fils malaimé survint à la période du désamour de Staline pour ses deux autres enfants chéris, Vassili et Svetlana, qui l'avaient déçu par leurs comportements peu soviétiques (l'un organisait des orgies arrosées dans la propre datcha de son père et faisait n'importe quoi pour déconner avec du matériel de guerre alors que son pater l'avait bombardé lieutenant-général de l'Armée de l'air soviétique, l'autre avait une liaison avec un homme marié alors qu'elle était mineure). D'après ce qu'on sait, les suicides de son fils Yakov et de sa femme Nadia sont les deux seules morts à avoir hanté le tyran sanguinaire jusqu'à la fin de ses jours.
Sinon, pour en revenir à la propagande et à la photogénie naturelle de Staline, il avait réussi à se donner des airs de gros chat avec sa moustache et ses yeux plissés caucasiens qui suscitait d'emblée la sympathie par son coté débonnaire et tranquille. Et en dépit de ses marques de vérole (soigneusement gommées sur toutes les images officielles), Staline était resté bel homme même avec l'âge. Du coup, comme tous les dictateurs, il recevait quotidiennement des milliers de lettres de jeunes groupies énamourées (et en recevait à l'occasion dans son plumard, car s'il n'a jamais été un coureur de jupons, il n'en était pas moins homme) mais à l'exact opposé d'un Mussolini que la propagande fasciste glorifiait de façon caricaturale comme une bête de sexe irrésistible, jamais la propagande stalinienne ne fit la moindre allusion à l'attrait sexuel de celui qui demeurait le gentil papa gâteau des heureux bambins de l'Ile aux enfants soviétique. D'ailleurs, une propagande machiste de ce genre était impensable dans un système qui se targuait de mettre les femmes et les hommes sur un pied d'égalité (officiellement du moins).