C'est marrant, Kevo42, j'ai également pensé aux Sadiques aux dents rouge lors de certains passages !
Encore un bel OVNI improbable du cinéma français, la rencontre entre une élite artistique auto-proclamée en roule libre et les méthodes de production zédardes. Il est très difficile de réussir à synthétiser tout ce que qu'il y aurait à dire sur ce truc alors évoquons le plus important : j'ai passé un excellent moment, mieux que ce à quoi je m'attendais, avec une belle banane à la fin de la séance.
Alien Crystal Palace a pour lui d'avoir des géniteurs totalement sincères, et donc sans ironie aucune, alors qu'ils s'autorisent toutes les extravagances fantasques qui leur font envie, dans une course en avant qui ne semble jamais vouloir réfléchir sur ce qui vient d'apparaitre à l'écran (pas le choix avec un tournage express, limite semi-commando, en 5 semaines, ambiance "one shot is good shot"). Le résultat est un enchevêtrement de fulgurances visuelles (si, si) systématiquement anéanties par des contreparties kitschissimes qui laissent pantois : entre la police gothique du fist, Michel Fau incapable d'échapper au ridicule total qui accable son personnage, Jean-Pierre Léaud qu'on a envie de sauver en l'exfiltrant du film, le producteur chauve à la diction nasillarde fascinante et cette fin où l'ambiance mystico-divine s'effondre avec cette simple exclamation du démiurge "merde, v'là les flics !", on n'a jamais le temps de s'ennuyer.
Mais loin au-dessus de tout cela naviguent dans les eaux d'un narcissisme céleste le duo star : Arielle Dombasle et Nicolas Ker. Pour la 1ère, elle est dans la droite lignée de son cliché, beauté évanescente sur laquelle le temps n'a aucune emprise (cf les scènes de cul saphique qui ne servent qu'à montrer un corps aussi conservé que celui de ses partenaires âgées de 20 ans), sauf quand l'éclairage lui donne un air de momie prête à tomber en poussière, artiste absolue convoitée de tous, capable d'enfiler n'importe quelle tenue ridicule sans sourciller, elle donne tout. Y compris lors du débat après le film durant lequel elle prouve ses capacités à broder des interprétations vides de sens de son œuvre, y compris quand elles se contredisent, intégrant au passage les propositions des spectateurs ("on pourrait voir Michel Fau comme une allégorie des algorithmes...").
Mais la grande découverte de Alien Crystal Palace en ce qui me concerne, c'est Nicolas Ker. Le personnage apparait inextricable de l'acteur/chanteur qui déambule dans le film tel un gobelin désarticulé, ahanant son texte de manière incompréhensible, y ajoutant insultes et grognements. Il est clairement beurré non-stop (ce que confirme Dombasle, parlant de lui comme d'un "être entier, le dernier rockeur" alors qu'elle décrit une épave arrivée au bout de ses terribles addictions ; il était d'ailleurs absent au débat, la faute à son mode de vie), rendant d'une crédibilité absolue les séquences où il s'écrit "mais où je suis là ?". Ker est LA plus-value de ACP, une magie de tous les instants.
Gloubiboulga de toutes les influences artistiques sur lesquelles chacun projettera ses propres références (perso, j'y vois du Alejandro Jodorowski, du Nicolas Winding Refn, du Neil Breen, du Norbert Moutier, du Jean-Louis Van Belle...), tout en restant très très français, le film est un plaisir coupable indéniable, un vrai nanar au sens pur du terme. A conseiller sans modération, à condition néanmoins d'avoir un peu de bouteille en matière de foutraquerie cinématographique.
4.5/5