Edit folet Les Week-ends maléfiques du comte Zaroff - Sept femmes pour un sadique - Seven women for Satan -@- (
Nikita)
LES WEEK-ENDS MALEFIQUES DU COMTE ZAROFF
(Aka : Sept femmes pour un sadique / Seven women for Satan)
Trop méconnu dans nos contrées, «Les Week-ends maléfiques du Comte Zaroff» a pour particularité d’être l’un des rares films français interdits par la censure durant ces trente dernières années. Il a depuis été réédité en DVD en Angleterre, et jouit maintenant d’une espèce de mini-culte chez nos amis anglo-saxons qui y voient un magnifique exemple de fantastique français «arty», dans la lignée de Jean Rollin, en plus énergique. La méconnaissance dont souffre ce film dans son pays d’origine est par ailleurs regrettable, car il s’agit sans aucun doute de l’un des plus magnifiques nanars qu’ait pu nous offrir le cinéma d’horreur français. Moins auteurisant qu’un film de Rollin, moins cra-cra et amateur qu’un Eurociné, «Les Week-ends maléfiques du Comte Zaroff » constituent la seule incursion dans le fantastique de Michel Lemoine, réalisateur plutôt spécialisé dans l’érotisme.
Comédien de formation classique, Lemoine avait trouvé fortune dans le bis italien où il s’était spécialisé dans les rôles de méchant. Son film le plus connu est encore «Le Monstre aux yeux verts » (I Pianeti contro di noi, 1960), où il jouait un inquiétant extraterrestre en vadrouille sur la terre. Le physique de séducteur un peu louche de Lemoine devait lui valoir des rôles dans des films érotiques, comme «Je suis une nymphomane » de Max Pécas. Devenu réalisateur au début des années 70, avec notamment «Les Désaxées», et «Les Petites saintes y touchent », histoire d’un couple échangiste, Lemoine allait progressivement abandonner le métier de comédien, pour se reconvertir durant les années 80 dans la réalisation de pornos hard, activité pour laquelle il dit aujourd’hui ne jamais s’être passionné.
«Les Week-ends maléfiques du Comte Zaroff » font figure d’intermède dans sa filmographie : le cinéaste abandonne provisoirement l’érotisme pour s’essayer à revisiter un mythe du cinéma d’horreur traditionnel (l’aristocrate fou et ses chasses à l’homme), en l’adaptant au style du cinéma bis français. Le résultat est l’un des plus hallucinants nanars qu’il nous ait été donné de voir dans un cinéma français d’habitude plus sage. Plus amusant que beaucoup d’autres films d’horreur hexagonaux, l’œuvre nous offre un style extrêmement original, qui se distingue par une absence totale de complexe dans le délire nanar, allié à des tentatives de créer un ambiance poétique surréelle (à la Jean Rollin, mais en moins lent).
Michel Lemoine interprète le Comte Boris Zaroff, descendant du célèbre chasseur d’homme. Riche homme d’affaires, il passe ses week-ends à la campagne, dans son château sur lequel veille son marjordome Karl (Howard Vernon), tout droit sorti d’un film d’horreur des années 30. Le Comte, apparemment soucieux de perpétuer la tradition sadique de la famille, se livre à des sévices gratinés sur les voyageurs de passage (essentiellement les femmes, pour le quota sexe). Signalons tout de suite que le thème de la chasse à l’homme, essentiel au mythe de Zaroff, ne sera guère exploité dans le film. Tout juste voit-on au cours de la première séquence le Comte Zaroff, à cheval, courser une femme à poil dans la campagne. Mais ensuite, le «héros » du film préfèrera se servir d’appareils de tortures et autres poisons pour occire ses victimes, comme n’importe quel sadique de série B. Le film aurait pu tout aussi bien s’appeler «Les Week-ends maléfiques de Roger Rapeau», sans que ça change grand-chose.
Le scénario se distingue, du début à la fin, par une extrême confusion que n’aident pas de probables coupes sauvages imposées par la censure. A moins que le scénario n’ait eu ni queue ni tête dès le début ? En tout état de cause, il sera extrêmement difficile de comprendre les motivations des personnages, les raisons de leurs actions, et le sens de leur comportement, un peu comme si plusieurs versions du scénar avaient été découpées en tranches, puis mélangées au hasard, en prenant soin d’en expurger toutes les scènes suffisamment explicatives. On comprend que Howard Vernon a été chargé par son père, majordome du Comte Zaroff de la légende, de retrouver le dernier descendant de son maître et de faire en sorte que son sadisme héréditaire puisse s’exprimer. On n’en saura guère plus sur ses motivations, d’autant que Karl semble tantôt être l’allié fidèle de son maître, tantôt comploter contre lui. Il s’agit visiblement d’une vengeance, mais laquelle ? Et pourquoi ?
Howard Vernon cachetonne entre deux Eurociné.
Le Comte est ensuite assailli par les visions d’un fantôme féminin, Anne (jouée par Joëlle Cœur, habituée des films de Jean Rollin). Celle-ci était apparemment la maîtresse du Comte Zaroff originel. Que veut-elle ? Entraîner le descendant de son amant avec elle dans la mort ? Et pourquoi ? On n’en saura pas davantage, le spectre semblant avoir pour seule fonction de créer une ambiance surréaliste et hallucinatoire.
La prod a quand même pu louer un beau château.
Puisque l’on parle de surréalisme, disons tout de suite que le but est atteint : tout dans le film donne dans un tel nimportequouesque que logique, chronologie, narration, n’ont plus le moindre sens. Le film semble en effet vouloir tout à la fois donner dans le cinéma d’exploitation le plus pur (du sang et de la fesse) et créer une ambiance poétique typique de l’épouvante à la française. Il échoue sur les deux plans, qui se télescopent dans une absence complète de talent et de maîtrise, pour donner un gloubiboulga brumeux, rempli de scènes érotiques ringardes, et d’instants de pur génie nanar, grâce notamment aux dialogues. Ainsi, la scène où l’on voit Michel Lemoine manger, tandis qu’Howard Vernon rôde à l’arrière-plan. Soudain, comme un cheveu sur la soupe, Vernon dit d’une voix traînante : «La vie…est éphémère…». Michel Lemoine : «Que dites-vous, Karl ? » Howard Vernon : «Rien, Monsieur, le Comte…Je philosophais….» L’intégralité du film est ainsi, totalement incongru, plombé par des dialogues à la fois plats et trop écrits, recherchant un effet dramatique ou inquiétant que jamais ils n’atteignent.
Le film est de surcroît extrêmement mal joué, les interprètes étant manifestement des amateurs, à part Lemoine, Vernon et Joëlle Cœur. La médiocrité véritablement affolante du jeu de la plupart des victimes contribue à la douce folie qui gagne le spectateur à la vision du film, à croire que la plupart de ces malheureux n’ont jamais fréquenté dans leur vie ne serait-ce que dix minutes de cours de théâtre. Howard Vernon rehausse heureusement le niveau, par une prestation totalement ahurissante de cabotinage : voix traînante à l’accent nasillard, rictus sadiques, œil vitreux, Vernon surjoue à mort avec l’air de beaucoup s’amuser et de ne pas prendre au sérieux une minute ce qu’on lui demande de faire. Son jeu est en tout cas tellement marqué «cinéma bis » qu’il sent quelque peu l’auto-parodie.
Michel Lemoine vient d'assister à la première projection de son film.
Le pompon du nanar est cependant atteint avec la scène dite «de Francis et Muriel». Là, nous atteignons une sorte de nirvana du nanar d’horreur, difficilement descriptible tant la scène est débiloff profondikoum. Je vais néanmoins essayer…Vous connaissez sans doute le syndrome du film d’horreur, qui veut que toutes les victimes agissent de manière totalement stupide, au mépris de leur sécurité la plus élémentaire ? Hé bien, là, nous atteignons une sorte de mètre-étalon insurpassable du crétinisme victimesque. Jugez plutôt...
Un jeune couple, Francis et Muriel tombe en panne près du château du Comte Zaroff. Ils sont accueillis par le lugubre majordome Howard Vernon, avec sa tête de déterré (et ils ne rebroussent pas chemin aussitôt! Déjà, ça...) puis par le Comte lui-même (Michel Lemoine en fait des tonnes dans le genre "pervers doucereux"). Zaroff a l'air aussi fiable qu'un député en campagne, mais ça ne les touche absolument pas. Dans la chambre que leur a accordé le Comte pour la nuit, Muriel qui dance en topless au son d'un phonographe (histoire de remplir le quota fesse) aperçoit par la fenêtre le cadavre de la dernière victime du Comte : "Iiiiik ! Francis! Viens voir!!" Francis arrive, le cadavre a bien sur disparu :"Mais non, tu es sotte, il n'y a personne!". Et Muriel ("Ah oui, j'ai du rêver!") SE REMET A SE DANDINER DANS LA CHAMBRE AU SON DE LA MUSIQUE COMME SI DE RIEN N'ETAIT ! Elle aperçoit ensuite Howard Vernon qui emporte le cadavre dans ses bras. Rebelote : "Iiiiik ! Francis! Viens voir !" "Mais non, Muriel, tu es sotte !". Tout simplement hallucinant de connerie, et le jeu des deux godelureaux n’arrange rien…Le Comte leur fait ensuite visiter la salle de tortures du chateau en leur décrivant avec un sourire gourmand les différentes techniques de supplices, ET ILS NE S'INQUIETENT TOUJOURS PAS. Lemoine, d'une mauvaise foi visible à l’oeil nu, leur propose ensuite d'essayer un appareil ("Ca vous dirait que je vous y attache?") ET ILS ACCEPTENT ! Ce n'est que lorsque les pointes en fer se mettent inexorablement à descendre sur eux pour les écraser qu'ils finissent par se douter de quelque chose, et encore, à la dernière seconde !
Iiiiik! Francis!!!!
Pour avoir vu le film sur grand écran, au milieu d’une salle remplie de nanardeurs hurlants, je garderai toujours de cette scène un souvenir ému…En tout cas je tiens beaucoup à mon concept de création d’une échelle «Francis-et-Muriel» pour mesurer la connerie des victimes de films d’horreur…
Le film se traîne ensuite, entre une scène paresseusement horrifique et une hallucination nanarde, jusqu’à un dénouement sans queue ni tête. Sans vouloir spoiler, précisons que la bêtise nonsensique du final est à la hauteur de ce qui a précédé…
Sans budget, ni scénario, ni logique, Michel Lemoine nous a offert là un splendide exemple de cinéma bis français raté, les maigres tentatives de faire un film d’horreur sérieux se trouvant irrémédiablement phagocytées par un érotisme extrêmement pataud. C’est bien simple, tous les prétextes sont bons pour mettre les actrices à oilpé, au point que cela ajoute au comique de l’ensemble.
Et hop, le quota sexe est rempli!
Précisons tout de même que le rythme du film est assez lent, comme la plupart des films d’horreur français, qui sacrifient souvent l’efficacité narrative à un certaine poésie contemplative. Cela peut en irriter certains, mais ajoute selon moi, dans ce cas, à la ringardise d’un film qui échoue à tous les niveaux, narratif et formels, au point que la mollesse de la forme rejoint ici l’inexistence du fond dans une splendide rencontre nanarde !
On se demande en tout cas pourquoi la censure française a si lourdement sévi sur ce film : craignaient-ils pour la santé mentale du public ? Il est vrai que la vision des «Week-ends maléfiques du Comte Zaroff » a perturbé l’équilibre mental de beaucoup de ses spectateurs, et il se murmure aujourd’hui que certains perdent leur temps à surfer sur des sites internet glauques…On commence dans le bis français ringard et on termine dans les paradis artificiels du ninja made in
Godfrey Ho! C’est du propre, ma bonne dame…
LES WEEK-ENDS MALEFIQUES DU COMTE ZAROFF
Année : 1976
Pays : France
Réalisation : Michel Lemoine
Genre : Agressions nanardes sur des femmes à poil
Catégorie : Horreur
Avec : Michel Lemoine, Howard Vernon, Joëlle Cœur, Nathalie Zeiger, Martine Azencot, Robert Icart
Note : 3