Mystérieuse Planète
(aka Galaxie Warrior aka La Bataille des Galaxies)
Titre en VO: Mysterious Planet
Catégorie: SF-Ringarde
Genre: Voyage intersidérant
Durée: 1h10
Pays: Etats-Unis
Année: 1982
Réalisateur: Brett Piper
Avec: Paula Toper, Boyd Piper, Michael Quigley, Bruce Nadeau, George Seavey, Marilyn Mullen.
Ce qu'il y a de fascinant avec les mauvais films sympathiques, c'est qu'on n'est jamais aux bouts de nos surprises. Même lorsqu'on est prévenu du fort potentiel d'une œuvre, il se peut malgré tout qu'elle arrive à vous prendre totalement à contre-pied et vous fasse vivre un grand moment de rigolade. "Mystérieuse Planète" fait indéniablement partie de ces absurdités cinématographiques oubliées de tous, qui de part son absence totale de qualité, envoie le spectateur très loin dans cette autre dimension, ce monde parallèle où ce qui est mauvais peut devenir drôle.
Et pourtant, l'histoire servant de base à cette débâcle générale reste assez classique et se veut une adaptation très libre d'un roman de Jules Verne. A ce propos, il est important de signaler que, malgré les instants de folies passagères que nous avons tous pu constater chez la plupart des grands auteurs, et c'est clair que par moment, même Hugo délire, la cause de ses inepties n'est aucunement imputable à l'auteur de "vingt milles lieues sous les mer". Non, la véritable raison de cette allusion au générique, c'est que Jules, ça fait un bon moment qu'il ne peut plus se défendre des conneries qu'on fait sur son dos, et qu'entre ça et "Le retour du Capitaine Nemo", il est loin d'être verni.
Une vhs allemande.
Néanmoins, revenons à nos moutons. La trame nous raconte donc les aventures d'un groupe de voyageurs intergalactiques se crashant sur une planète inconnue qui s'avèrera peuplée de monstres en tout genre. Le monde où ils ont atterri étant en outre menacé d'anéantissement par un astéroïde, nos amis chercheront tout naturellement à s'enfuir afin de survivre au cataclysme.
Voilà. Niveau originalité, on a fait mieux, et pourtant, c'est tout ce qui se passe en une heure et des poussières. Pas de quoi casser trois pattes à un canard, c'est certain. Mais alors, me direz-vous, "qu'y a t'il" ? "Qu'est-ce qui rend ce film intéressant ?" Ma foi, le mot qui convient le mieux pour définir avec précision la nanardise de l'objet, reste encore celui de "chaos". En effet, pas un seul des éléments du long-métrage n'échappe à cette sensation de désastre, de décadence au delà de la misère. "Mystérieuse Planète", c'est une sorte d'Armaggeddon du cinéma et des acteurs à la mise en scène, il s'impose comme un film apocalyptique, au sens premier du terme.
"Après la terre, il croyaient trouver le néant", nous promettait l'une des jaquettes. Pour une fois qu'une accroche n'est pas mensongère… .
Un intérieur de vaisseau qui mettrait la honte à Ciné Excel.
L'élément à charge le plus frappant est sans conteste le manque de moyen. Se posant presque comme le mètre étalon du budget réduit, "Mystérieuse Planète" redéfini totalement l'expression "fauché comme les blés" avec ses planches de carton sur lesquels ont a dessiné les décors, ses effets spéciaux d'un autre age, sans oublier son intrigue se déroulant en majorité dans une caverne, une forêt ou encore sur une plage, mais sûrement pas dans l'espace. Plus que l'indigence commune à de nombreuses autres oeuvres, le souci majeur réside dans le fait que cette pauvreté ronge toute la pellicule dans ces moindres centimètres, sans que cela nous soit caché outre mesure.
La scène d'introduction en est un parfait exemple, lorsqu'on tente de nous faire passer pour des vaisseaux spatiaux des maquettes tout droit sorties d'un vieux coffret Lego. Filmées dans l'obscurité, on pense un court instant que le réalisateur va pouvoir donner l'illusion qu'il recherche avant que ce dernier, tout à fait inconscient, filme ces engins de tellement près qu'il faudrait s'appeler Ray Charles pour ne pas se rendre compte de la supercherie.

L'hyperespace, ça désosse les hamsters.

Y'en a qui ont vraiment pas de pot: traverser toute la galaxie pour atterrir dans un monde en papier bristol… .
On peut aussi s'attarder un temps sur le bestiaire monstrueux qui hante cette contrée sauvage: rarement on aura vue des animaux faisant autant penser à des gants de cuisine, ou des blocs de mousses, vaguement maquillés avec de l'aluminium et deux confettis pour les yeux. Certaines créatures ont beau être plutôt réussi, comme l'escargot bicéphale, les techniques employées pour les animer sont tellement rudimentaires, qu'il est difficile de ne pas au moins sourire à chacune de leurs apparitions. Avec un budget si serré, on a d'ailleurs du mal à comprendre comment Brett Piper, réalisateur et co-financier du film, a pu oser se lancer dans la reconstitution d'un univers qu'il ne pouvait décemment pas rendre crédible. Le fait que ce long-métrage date en prime de 1982 n'arrange rien, mais assure au spectateur une joyeuse randonnée dans les abymes de la pauvreté.

Oh! Regardez ce que j'ai trouvé à manger: un crabe en plastique.
-Ouais, trop cool.
Oui, se sont bien des fils au dessus du ptérodactyle.
Il ne faut toutefois pas y voir quelques petites erreurs singulières de la part de ce brave monsieur, car tout le long-métrage va imposer notre homme comme un vrai disciple d'Ed Wood. Outre des scènes visiblement tournées en une prise en dépit de leurs qualités, et d'autres passages proprement incompréhensibles à cause d'éclairages inexistants ou d'effets stroboscopiques, notre homme a su insuffler à son film un rythme très étrange: jamais on ne s'ennuie et pourtant, il ne se passe rien. Ainsi, au delà de l'intrigue principale imposant à nos explorateurs de trouver un moyen de quitter cette planète, le film est bourré de scènes de remplissages incroyablement creuses nous montrant un type qui va chercher de l'eau, la découverte d'un minerai étrange ou des discussions à l'intérêt discutable. Toutes ces séquences ont clairement pour but de gonfler la durée du film mais sont tellement flagrantes d'inutilité qu'elles en deviennent captivantes. Le tout étant filmé avec une telle mollesse qu'elle ferait passer la série Derrick pour une réalisation Michael Bay, on finit par être subjugué par ces successions de scènes dont la pertinence frole le vide cosmique.

Alors là, me demandez pas ce qui se passe, je n'en sais fichtrement rien.
Un film à voir les yeux fermés.
Toujours bien inspiré, le metteur en scène a eu la bonne idée de rythmer certaines de ces séquences de mélodies tenant plus d'Alfred Bontempi que de John Williams. Une particularité phonique impardonnable quant on remarque que sept personnes sont crédités au générique, rien que pour la musique. La sonorité de ces scènes est toutefois à l'avenant de ce qui apparaît à l'écran et ces moments de bravoures sont d'un grotesque extrême, comme ce passage où la capitaine du vaisseau, aidée d'une corde, traverse un ravin à la seule force de ses bras. En tant normal, nous aurions bien eu du mal à y croire,
mais à ce niveau, ça dépasse tout.


Des trucages à couper le squeele.
Notez l'ombre suspecte qui traverse l'écran.
En ce qui concerne les acteurs, le constat est tout aussi catastrophique. Déjà peu convaincant s'il s'agissait d'animer la kermesse paroissiale de Promizoulin, les comédiens présents dans ce film ont le double défaut de, non seulement être très mauvais mais surtout de se moquer royalement du résultat de leurs prestations à l'écran. Certes, une partie du casting semble s'amuser, et se marre même lorsqu'elle est sensée être poursuivit par un monstre, mais il suffit de voir deux des passagers tenter de repousser un créature avec des bâtons, en le frappant avec un manque de conviction palpable, pour se dire que tout ce beau monde a bien fait de ne pas poursuivre de carrière dans le septième art par la suite. S'il nous était dit que toutes ces personnes n'ont aucunes expériences dramatiques et ne sont là que pour aider leur ami réalisateur, nous pourrions le croire sans peine.


Des acteurs avec du talent à revendre… pas trop cher.

Cet homme a peur (puisqu'on vous le dit).
Comme tout ceci ne suffisait pas, il nous faut parler à présent de ce qui reste le grand atout du film, à savoir les doublages. Et là, on tend vers le superbe, la version française sublimant magistralement l'œuvre, grâce à son indiscutable nullité. Si vous vous êtes un jour demandé ce qu'aurait pu donner un film comme "Planet of The Dinosaurs" doublé par l'équipe d'"Eaux Sauvages", les délires sur le karma en moins, vous avez une sérieuse idée de la réponse avec "Mystérieuse Planète". Les dialogues ont beau être assez plats dans l'ensemble, l'interprétation accentue encore cette sensation de perpétuelle catastrophe. Bafouillages, hésitations, phrases qui se chevauchent ou déclamées avec plusieurs temps de retard, textes récités sans aucune ponctuation, bruits de fond suspects laissant supposer le déplacement d'une chaise ou l'ouverture d'une porte, bruitages à la bouche... tout semble avoir été fait pour réaliser l'une des pires VF de tout les temps.
Le dragon, ou comment faire du doublage en parlant dans un tuyau.
Un extra-terrestre, imitateur officiel de Tic et Tac à ses heures perdues.
Parmi la longue liste de ces errances, on peut notamment distinguer les interprétations de certains membres de l'équipage, à commencer par un des personnages qui réussira l'exploit de déclamer toutes ses répliques, en ne remuant jamais les lèvres. Sans doute télépathe, l'explication sur cette particularité scénaristique nous sera apportée de manière si discrète, que nous aurons plus l'impression qu'une erreur s'est produite lors de la distribution des rôles, et qu'un comédien s'est vu attribué le doublage d'un personnage muet. Mais c'est surtout avec le doubleur responsable d'un autre passager du vaisseau, Hank, vague cousin de "La chose" des 4 fantastiques, que nous allons battre des records olympiques de post-synchro débile. Il apparaît très difficile de retranscrire de manière textuel le niveau du naufrage, mais si vous imaginez Yves Mourousi victime d'un cancer de la gorge, vous commencerez a avoir un bon aperçu. Jurant d'autre part comme un charretier, on a vraiment le sentiment que c'est Dédé, le taulier du bar en face du studio d'enregistrement qui, en pleine cuvée, a été engagé à l'improviste pour prêter son bel organe au projet. Quitte à faire n'importe quoi, vous pouvez ajouter à la note un alien en plein trip hélium ou une autre créature, pour laquelle le comédien s'est contenté de se pincer le nez pour camoufler sa voix, au point où on en est... .
Le "Silent Bob" ventriloque.

Hank: même masqué il joue mal.
Transpirant tellement l'amateurisme qu'il faut s'appeler "Devil Story" pour le surclasser, "Mystérieuse Planète" se pose comme un grand moment. Bien gratiné avec son budget réduit et ses acteurs en dessous de tout, il est transcendé par une version française hilarante, tirant par le fond une production qui n'avait pas besoin de cela pour apparaître risible. Certains pourront peut être y trouver des longueurs dans les séquences de remplissage, mais pour peu que vous soyez réceptif à l'expérience, attendez-vous à du brutal. Une jolie preuve qui nous montre qu'on a pas besoin d'aller jusqu'au confins de l'Univers pour vivre des expériences au delà du terrestre.
C'est bon les gars ! On se sert un peu et on sourit: c'est pour Nanarland.
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Cote de rareté
5/Pièce de collection
Edité chez US Video(déjà distributeur d'"Eaux Sauvages" et "Wendigo", merde quoi, la classe!), "Mystérieuse Planète" est également trouvable chez Casa Video sous le nom de "La bataille des galaxies" ou sous le titre de "Galaxie Warrior" chez Ciné Budget. Pas de DVD à se mettre sous la dent, par contre. Allez savoir pourquoi… .
Une fantabuleuse jaquette dont le visuel repompe une des affiches de "Space Mutiny".

Bonus:
L'une des pires voix-off au monde.
Deux aliens, des pruneaux, une seule possibilité.
Rencontre avec le dragon (avec un petit interlude de l'ami Hank).
Wolfwood 3.5/5
Un très grand merci à Ghor, Nikita, ROTOR et Walter G.Alton pour leurs aides et leurs patiences.