Vu la semaine dernière.
Dans les quinze premières minutes, je pensais franchement que le passage du temps avait été bénéfique au film et que, passé la frustration née d'une trop grande attente déçue chez les amateurs français de cinéma de genre, le film serait vu comme une petite série B sympa certes maladroite mais qui possède le charme des premières oeuvres enthousiastes et sincères dans leur amour du genre. Mais finalement non.
Même si en ces temps troublés (je sais, politique not allowed), une scène comme celle où les cathos intégristes, harangués par le chef de l'église, vocifèrent sans honte leur dégoût de l'homosexualité par des invectives d'un autre âge, ne paraît finalement pas si caricaturale, c'est justement par son excès, non canalisé par une mise en scène maladroite dans ses effets, que le film pèche le plus directement.
Premier gros problème : les dialogues qui, comme dans le futur La Horde, deviennent grotesques à force de se rêver cultes. Mais alors que les comédiens de Dahan étaient généralement plutôt bons à défaut d'accéder à la sacrosainte classe carpenterrienne, ici, il y a de grosses erreurs de mise en scène et même de casting qui coulent totalement l'intention de départ. Par exemple, Julien Boisselier est un excellent choix de casting pour sa gestuelle et ses expressions faciales qui lui donnent un charme et un côté héros tragique qui correspondent parfaitement à son personnage d'âme en peine errant dans les limbes. Mais sa diction pose problème et son tic de langage consistant à finir toutes ses phrases sur un "hein" nasal le décrédibilisent totalement. Ce tic (qui lui donne dans d'autres films comme "J'me sens pas belle" un côté prince charmant du quotidien sympathique) n'est pas une fatalité mais il aurait fallu que Magnat y soit plus attentif, quitte à envisager une post-synchro.
Seconde grosse erreur à mon sens : le choix d'Adrià Collado pour jouer le rôle du sidekick de Mallory. le problème ici est que l'acteur ne parle visiblement pas français et récite ses répliques phonétiquement. Personnellement, j'ai toujours trouvé agaçante cette tendance à donner à des comédiens étrangers un texte écrit dans un français impeccable, nous donnant le spectacle d'un personnage qui lutte pour sortir d'une façon compréhensible un texte grammaticalement parfait. C'est fatigant pour le spectateur qui dit redoubler d'attention pour saisir le sens de la phrase alors qu'une petite réécriture simplifiant soit le texte (en l'allégeant) soit sa sonorité (en retirant au maximum les phonèmes sur lesquels bute le comédien) aurait rendu le tout beaucoup plus fluide, ce qui est indispensable pour l'oeuvre de pur divertissement que Bloody Mallory se targuait d'être.
Et comme en plus le personnage, nouveau dans l'équipe de Mallory, écope du rôle de la "voix du public" par lequel on apprend le background de la Team Mallory et qui est chargé de prendre de court les éventuelles critiques en mode "c'est trop pas crédible" des spectateurs les plus casse-couilles ("ah ah, semblent nous dire les scénaristes, vous vouliez nous critiquer sur ce point, eh bien nous y avions pensé et voilà ce que nous vous rétorquons par anticipation, trop forts que nous sommes !"), ces scènes seront surjouées avec entrain mais suscitent, plutôt qu'un rire de connivence du public, le vague sourire crispé du convive de fin de banquet devant le tonton aviné au plastron taché de vomi qui, debout sur la table, bafouillant et grimaçant, tente tant bien que mal d'aller jusqu'au bout de la blague de Toto qui doit aller acheter une saucisse et une bouteille de bière pour son papa... Bref, on veut gueuler à l'écran "On voit où tu veux en venir mais maintenant arrête, c'est super gênant..."
Dernier truc niveau casting, quitte à faire de Talking Tina une télépathe muette, il eut mieux valu prendre une comédienne qui sache jouer la comédie pour la voix off du personnage... Et puis oui, Talking Tina c'est un nom cool mais, passée la scène d'exposition, appelez-la juste Tina, parce que dire Talking Tina tout le temps ça fait vraiment un effet "C'est un Sewial Killeuh".
Troisième souci : le côté fanboy de l'ensemble, la personnalité du film se diluant de plus en plus tout au long du film par une accumulation de références assumées mais non digérées, donc régurgitées plutôt qu'assimilées et s'exposant par grumeaux sur la pellicule, tâchant l'intrigue et l'ambiance au lieu de les nourrir. Passons sur l'idée d'appeler le garde du corps du Pape "père Karras", passons sur l'humour ras des pâquerettes qui invoque Xéna et Buffy mais visiblement sans comprendre que les jeux de mots pourris de Buffy et ses maquillages de foire du trône ne fonctionnent que par la nervosité de la mise en scène, le bon jeu des comédiens et leur évidente complicité, passons sur les références appuyées au niveau des dialogues et des situations comme ces quelques références au Temple Maudit tels que le monologue "Mallory, je vous aurait accompagné dans toutes vos aventures..." du flic du début ou toute la scène du mur qui bouge avec le drag-queen qui lance en trouvant la trappe du levier "c'est dégueulasse là-dedans..."...
Passons sur tout ça et restons-en là parce que finalement, le film n'est qu'une suite sans fin de petits moments gênants et ratés où rien, ou si peu de choses surnagent. Mais selon les critères nanars, remercions Julien Magnat d'y avoir été tellement à fond, d'avoir fait fi de toutes les convenances et d'avoir foncé tête baissée parce que c'est dès sa conception que ce film était foireux et s'il avait essayé de limiter la casse en jouant la sobriété, ce film aurait été mortellement ennuyeux. Aujourd'hui, il est surtout le reflet de cette époque Bee Movies où on a voulu la jouer coréen en allant chercher de jeunes cinéastes passionnés pour leur donner les moyens de concrétiser leurs projets avec un budget moyen pour seule entrave. Aujourd'hui, le bilan est plutôt carrément mitigé car pour un Eric "Maléfique" Valette, il y eut le craignos monster de Brocéliande, le budget pellicule explosé de Requiem, le montage cataclysmique du Village des ombres et les outrances costumières et visuelles de Bloody Mallory, d'une constante Over The Top autant dans les effets spéciaux post-prod (la charge DBZ avec la goule) que dans les effets plus simples (la nuit américaine violette du village disparu d'Eure et Loire...).
Perso, je mets 2,5 au film.
_________________ Lawrence Woolsey, précédemment connu sous le pseudonyme de deathtripper21...
"Godfrey Ho a beau avoir trouvé des Kickboxeurs américains, le duel entre la mariée et la robe restera LA baston du film." Plissken
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