RAMO
Titre original : Ramo
Titres alternatifs : Türk Rambosu, Turkish Rambo
Réalisateur : Mehmet Alemdar
Année : 1986
Pays : Turquie
Genre : Turkish Rambo à la ferme (
Catégorie : Pur et dur)
Durée : 1h15
Acteurs principaux : Sönmez Yikilmaz, Oya Demir, Levent Cakir, Serdar Alemdar, Birtanem, Kazim Kartal, Ali Güney, Masist Gül
Entre Rambo et la Turquie (pardon, "Türkiye"), c'est une longue histoire d'amour.
Moins foisonnante qu'en Italie ou aux Philippines, la Rambosploitation turque tient pourtant le haut du pavé en terme de nanardise. Après
Vashi Kan et
Korkusuz, voici
Ramo, le Rambo atteint d'un rhume. Eh oui, essayez de dire Rambo avec le nez bouché et vous obtiendrez sa version turque ! Il serait pourtant très étonnant que les Turques n'aient pas carrément appelé leur film
Rambo pour des problèmes de copyright…
"En ville, c'est le copyright qui fait la loi, mais ici, c'est moi !"Mais alors, que c'est pauvre ! Même au regard des standards turcs, le film pue la misère à un point rarement vu dans une vie de nanardeur. On est ici en présence d'un film SDF, d'un film crève-la-faim, d'une œuvre dont les frusques tiennent debout tout seuls, d'un petit réfugié du tiers-monde qui fait la manche au bord de la route, prêt à se jeter sur le mégot de cigarette qu'un riche touriste aura balancé négligemment dans le caniveau. En fait, le film parait encore plus à la rue que John Rambo dans le film de Ted Kotcheff. Une indigence qui le dispute à l'incompétence du réalisateur et à l'ineptie de ce qui tient lieu d'intrigue.
"Comment t'oses parler de mon film ! J'vais t'faire une guerre comme t'en as jamais vu ! Beeeeuuuuaaaarrrrrhgh !"Le film démarre par le viol brutal et le meurtre d'une humble bergère par une bande de brigands aussi moustachus que rigolards. De retour de la chasse avec son fils de 9 ans, le mari de la victime est à son tour trucidé par les malfrats, et son fiston, Ramo, jure sur son cadavre de les venger. Recueilli par un modeste paysan, qui vit seul avec sa jeune fille de 11 ans, Ramo grandit et devient quinze ans plus tard un grand costaud bodybuildé, taiseux et inexpressif de 46 ans qui file le parfait amour avec sa sœur adoptive de 25 ans, sous le regard attendri du père de cette dernière. Tandis que le spectateur ne manque pas de constater une fois de plus la fascination des réalisateurs nanars pour l'inceste (
White Fire,
Ator…), nous voici transportés dans le village voisin, où un instituteur et une bergère se marient sous les vivats des villageois, avant de partir en voyage de noces dans la campagne turque, laquelle se révèle plus dangereuse que le Far West.
A peine leur voiture s'est-elle embourbée dans la gadoue que notre jeune couple est attaqué par des rednecks, qui assomment l'homme avant de violer la femme. C'est alors que, comme dans 100% des nanars où une femme sans défense se fait courser dans la campagne et violer par une bande de sbires, survient un deus-ex-machina qui se révèle invariablement être le héros solitaire du film, en l'occurrence Ramo. Comme de bien entendu, ce dernier est alors pris d'un flashback post-traumatique du viol et du meurtre de sa mère, et, n'écoutant que ses saines pulsions meurtrières, met une dérouillée aux affreux (en donnant un coup de boule à la caméra).


PROMIZOULIN !

Le petit Ramo jure de venger sa famille.

Quinze ans plus tard, Ramo jure encore de venger sa famille. Il ne serait pas un peu du genre à faire des promesses de vengeance en l'air, celui-là ?


Turkish Taboo: My step-sister turns me on.

Turkish Taboo 2: My step-dad is a pervert.

L'instituteur inculque de saines valeurs patriotiques à ses élèves.En remerciement de son sauvetage héroïque, Ramo est invité à diner chez l'instit et la bergère, dont le père se trouve être l'assassin de ses parents (le monde est décidemment petit) et est apparemment aussi le chef des bandits qui ont attaqué sa propre fille et son gendre sur la route (ça va, vous suivez ?). Pris d'un autre flashback (en fait, exactement le même que le précédent), Ramo colle une beigne au bad guy en lui beuglant ses quatre vérités. C'est alors qu'arrive enfin le plagiat tant attendu de Rambo. Capturé par les vilains, Ramo assiste impuissant au kidnapping de sa frangine/amante, et est torturé sauvagement (gimmick indispensable à tout sous-Rambo qui se respecte), attaché entre deux arbres et tabassé à coups de chaine de balançoire par les méchants, qui n'ont vraiment aucune autre occupation dans la vie que de faire des méchancetés en ricanant comme des gros lourds. Abandonné à la mort par les bandits, notre héros bourrin parvient à se libérer à la force de ses muscles, jure de venger son père adoptif assassiné entre-temps par les méchants (parce qu'ils sont méchants) et s'en va dans sa cabane pour en ressortir équipé d'un gros AK-47, d'un pantalon de treillis, d'une paire de Rangers, d'un chapelet de cartouches en guise de ceinture et d'un bandeau dans les cheveux. Voilà notre bête de guerre parée pour aller massacrer les gredins un par un dans le dernier quart d'heure. Tout ça torse poils, dans la campagne enneigée en plein hiver. Un tournage au cours duquel Sönmez Yikilmaz a bien dû frôler l'hypothermie !
Laissant le temps au spectateur de mater comme un cochon…
… Raaamooo est aaariiivéééééééhéhééé, sans s'presséééééhéhééé !
Mouhahahaha !
Beeeuuuuaaarrrrrhhgh !
HIIIIIIIIIII ! RAAAMOOOOOO !!!
Beeeuuaaarrrrrrhhhh !




Le combat épique de Ramo contre une meute de loups affamés… Deux pauvres toutous tout gentils venus lui lécher la mimine que l'acteur soulève indélicatement pour les balancer dans le décor. Mais que fait la Turkish SPA ?Spectacle à la fois hypnotique de lenteur et sidérant d'amateurisme, filmé directement en vidéo au caméscope familial bon marché, ce métrage ferait passer
Korkusuz pour un blockbuster. Le réalisateur Mehmet Alemdar est un émule de
Jess Franco, dont le doigt reste bloqué sur la touche zoom de sa caméra. Et comme il est en phase terminale de sa Parkinson, nous avons droit à 1h15 de zooms et de dé-zooms compulsifs, sans interruption ni justification. La scène (très longue) où Ramo se fait torturer est ainsi rendue effarante d'incompétence par cette
zoomite de fou furieux. La séquence (également très longue) du mariage est aussi bien filmée que la cassette des noces de mes parents, avec des convives hilares ne pouvant s'empêcher de regarder la caméra et des éclairages dégueulasses. C'est encore plus amateur que
Badi, c'est dire.


Festival de regards face-caméra et d'acteurs complètement perdus. On est bien dans une bonne grosse série Z.


Quelques belles tronches de cake.Ensuite, le montage est une catastrophe absolue, le film alternant les scènes d'amour entre Ramo qui coupe du bois et sa sœur adoptive qui lui amène des gâteaux avec les noces du maître d'école et de la bergère dans un chaos narratif complet. Mehmet Alemdar coche méticuleusement toutes les cases des erreurs à ne pas faire quand on réalise un long-métrage. Toutes les voix ont été redoublées en intérieur, ce qui fait très artificiel dans un film se déroulant quasi-intégralement en extérieur. En outre, les intonations sont très outrées et décalées par rapport à ce qu'on voit à l'écran, des bouts de répliques sont réutilisés quatre ou cinq fois d'affilée et un seul et même
"Aaaah !" est utilisé pour bruiter la mort de tous les sbires durant l'assaut final. On reste stupéfait de se dire que ce qui a tout d'un film improvisé par une bande de potes pour la déconne pendant les vacances de Noël est une œuvre de cinéma, au casting professionnel, ayant bénéficié d'une distribution commerciale.
Ramo, c'est du super-hardcore, avec un héros bovin à souhait et des gamins de quarante ans qui jouent à la guerre dans un champ, où vous aurez le plaisir masochiste de voir une bergère traire une vache en temps réel dans une frénésie de zooms, le tout sur une bande musicale compilant très aléatoirement des chants traditionnels turcs et des musiques d'opéra wagnérien. Pour savoir si vous êtes un pur, un dur, un tatoué du nanar, le visionnage de
Ramo en entier d'une seule traite, c'est un peu comme si vous aviez fait le Vietnam.

Le chef des méchants crève l'écran avec sa moumoute.
"Bon, toi le chroniqueur, tu sors !"

"Ce gredin de Jack Tillman mérite une bonne bastos, mon colonel ! Il serait communiste que ça ne m'étonnerait pas !"Le très sympathique Sönmez Yikilmaz, que vous aurez notamment pu voir en inoubliable Turkish Requin aux dents en papier alu dans
En Büyük Yumruk, reprit le rôle de Ramo un an après ce premier opus dans le très alléchant
Silaha Yeminliydim, où notre héros est cette fois un vétéran de la guerre civile chypriote (la fameuse Opération Attila célébrée en grandes pompes über-nationalistes par
Once Vatan), reprenant du service pour venger son colonel et casser du terroriste enturbanné. Fidèle compère de
Cüneyt Arkin (il a tenu de petits rôles, le plus souvent de sbire, dans pratiquement tous les films de notre idole), Sönmez Yikilmaz est décédé le 2 juin 2022, à peine quelques semaines avant l'Alain Delon turc. La faucheuse nous aura ainsi tristement enlevé deux Rambo turcs le même mois.

Note : 3/5
Cote de rareté : 6) IntrouvableSorti en vidéo en Turquie dans les années 80, le film était totalement introuvable pendant longtemps. Heureusement pour les nanarophiles et pour tous les fans un peu pervers de Rambo, le chef-d'œuvre de Mehmet Alemdar se trouvant être libre de droit, il est désormais disponible légalement sur
Dailymotion ainsi que sur d'autres plateformes vidéo du Net.